Georges Brassens
Né à Sète en 1921, ce fils d'un maçon sétois et d'une mère napolitaine, aime aussi bien le bel canto que Pills et Tabet, Charles Trenet, Maurice Chevalier ou Henri Garat. Il passe une enfance et une adolescence heureuses, baignées de jazz, de cinéma et de chansons. L'école ne l'intéresse guère. Il s'ouvre pourtant à la poésie grâce à un professeur de français peu conformiste, Alphonse Bonnafé, ami de Jean-Paul Sartre et boxeur à ses heures.
Quittant Sète, en février 1940, il s'installe à Paris et travaille aux usines Renault, tout en s'initiant au piano sur lequel il commence à composer ses premières chansons. N'ayant pas encore renoncé à ses ambitions de poète, il publie un premier recueil, à compte d'auteur, en 1942 (À la venvole). L'année suivante, il est réquisitionné pour le STO et envoyé en Allemagne où il fait la connaissance de Pierre Onteniente qui, par la suite, deviendra son secrétaire et homme de confiance.
"Oubliant de retourner en Allemagne, à la suite d'une permission, ils est obligé de se cacher et trouve refuge chez Jeanne et Marcel Planche, chez qui il habitera jusqu'en 1966, bien après la fin de la guerre et bien après avoir rencontré le succès. Celui-ci mettra d'ailleurs longtemps à venir et, dans l'attente, il fréquente les milieux anarchistes et collabore au journal "Le Libertaire".
Découvert par le chansonnier Jacques Grello qui lui offre sa première guitare, en 1952, il se présente à plusieurs auditions qui sont autant d'échecs, jusqu'au jour où Patachou accepte de chanter quelques unes de ses chansons et l'engage sur le champ pour se produire dans son cabaret de la Butte Montmartre. Mais, consciente du fait qu'elle ne peut guère faire plus pour lui, la chanteuse le présente à jacques Canetti qui le programme au Théâtre des Trois Baudets et lui fait rapidement enregistrer un premier disque, dont le succès sera foudroyant, malgré la mesure de censure qui frappe une chanson comme Le Gorille.
Dès lors, Brassens est lancé et, en décembre 1953, il passe en vedette à Bobino. L'année suivante, il fera deux séries de spectacles à l'Olympia – ce qui ne s'était encore jamais vu pour un presque débutant – obtiendra le prix de l'Académie Charles Cros, publiera un roman (La tour des miracles), et un recueil des textes de ses chansons, augmetés de quelques poèmes (La mauvaise réputation).
Curieusement, sa biographie événementielle s'arrête pratiquement là. Car Brassens s'enferme pour écrire et peaufiner ses nouvelles chansons, ne sortant plus guère que pour aller chanter, et ne se rappelant aux médias qu'à l'occasion de la sortie d'un nouveau disque ou d'une nouvelle rentrée, à l'Olympia ou à Bobino. Exception faite de quelques rares tournées en Belgique, en Suisse, en Italie ou au Québec, il refusera toujours de mener une carrière internationale, préférant rester chez lui pour travailler et recevoir ses copains. Pourtant ses chansons seront bientôt traduites en espagnol, allemand, italien, wallon, anglais, etc.
Poète à la voie reconnaissable entre toutes, soulignée d'un jeu de guitare influencé par le jazz d'avant-guerre, il utilise un vocabulaire choisi auquel il aime mêler quelques expressions argotiques ou populaires, qui lui vaudront longtemps une réputation de vulgarité tout à fait injustifiée. Mais, au fil du temps, son anarchiste bon enfant, son humour de tous les instants, son solide sens de l'amitié et de la fidélité, ainsi que la grande tendresse, la générosité, la simplicité et la sincérité qui se dégagent de ses chansons finiront par lui valoir une reconnaissance universelle qui feront de lui l'un des chanteurs les plus consensuels de son époque. Outre son œuvre abondante, il mettra régulièrement en musique des poètes comme Victor Hugo, François Villon, Francis Jammes, Aragon, Antoine Pol, Lamartine ou Jean Richepin, et recevra lui-même le Grand prix de poésie de l'Académie française, en 1967.
Ayant souffert toute sa vie de graves problèmes rénaux, il s'éteindra, victime d'un cancer, en octobre 1981, à Saint-Gély-du-Fesc.
Biographie
Maison natale de Brassens à Sète.
Georges Brassens est né le 22 octobre 1921 dans un quartier populaire du port de Cette1 (le nom de la ville n'est orthographié Sète qu’en 1928, un changement de graphie qu'il évoque dans la chanson Jeanne Martin). Dans la maison familialenote , il est entouré de sa mère, Elvira (née Dagrosa, 1887-1962)note 2, de son père, Jean-Louis (1881-1965, maçon, comme ses parents l'étaient avant lui), de sa demi-sœur Simone Comte (1912-1994), née du premier mariage de sa mère, et de ses grands-parents paternels, Jules et Marguerite (née Josserand), natifs de Castelnaudary2.
Sa mère, dont les parents sont originaires de Marsico Nuovo dans la région de Basilicate en Italie du Sud3, est une catholique d'une grande dévotion. Veuve de guerre d'Alphonse Comte, tonnelier tué au front4 (27 août 1881-28 octobre 1914), père de Simone, la demi-sœur de Georges, Elvira épouse, en 1919, Jean-Louis Brassens, un entrepreneur de maçonnerie. Le père de Georges est un homme paisible, généreux, libre-penseur, anticlérical (il refusera d'assister à la communion de son fils) et doté d'une grande indépendance d'esprit. Deux caractères très différents qu'une chose réunit : le goût de la chanson. D’ailleurs, tout le monde chante à la maison. Sur le phonographe : les disques de Mireille, Jean Nohain, Tino Rossi ou Ray Ventura et ses Collégiens.
Les années 1930 : Sète
Selon le souhait de sa mère, Georges commence sa scolarité, à l'âge de 4 ans, dans l’institution catholique des sœurs de Saint-Vincent. Il en sort deux ans après pour entrer à l’école communale, selon le désir de son père. À 12 ans, il entre au collègenote . Georges est loin d’être un élève studieux. Ses amis le décrivent comme plutôt rêveur en classenote 4. Mais, après l'école, il préfère les jeux, les bagarres, les bains de mer et les vacances. Afin que son carnet de notes soit meilleur, sa mère lui refuse des cours de musique. Il ignorera donc tout du solfège, mais cela ne l’empêche pas de griffonner des chansonnettes sur ses premiers poèmes.
Alphonse Bonnafé
En 1936, il s'ouvre à la poésie grâce à son professeur de français, Alphonse Bonnafé, alias « le Boxeur ». L’adolescent s’enhardit jusqu'à lui soumettre quelques-uns de ses bouts-rimés. Loin de le décourager, l'enseignant lui conseille plus de rigueur et l'intéresse à la technique de versification et à l'approche de la rime6. À la poésie et à la chanson populaire s’ajoute sa passion pour les rythmes nouveaux, venus d’Amérique, qu’il écoute à la TSF : le jazz. En France, Charles Trenet conjugue tout ce qu'il aime. Il sera un modèle.
« On était des brutes, on s'est mis à aimer [les] poètes. […] Et puis, grâce à ce prof, je me suis ouvert à quelque chose de grand. Alors, j’ai voulu devenir poète… »
Mauvaise réputation
Brassens en 1964 avec une de ses fameuses pipes.
Son intérêt croissant pour la poésie ne lui ôte pas le goût pour les « quatre cents coups ». À 16 ans, au printemps 1938, il se trouve mêlé à une fâcheuse aventure. Dans le dessein de se faire de l'argent de poche, la bande de copains dont il fait partie commet quelques larcins dont les proches sont les principales victimes. Georges, de son côté, subtilise une bague et un bracelet de sa sœur. Ces vols répétés mettent la ville en émoi. Lorsque la police arrête enfin les coupables, l’affaire fait scandale. Indulgent, Jean-Louis Brassens ne lui adresse aucun reproche quand il va le chercher au poste de police. Pour saluer l’attitude de son père, il en fera une chanson : Les Quatre Bacheliers. « Mais je sais qu'un enfant perdu […] a de la chance quand il a, sans vergogne, un père de ce tonneau-là ». Par égard pour son père, il ne la chantera qu’après sa mort.
« Je crois qu'il m'a donné là une leçon qui m'a aidé à me concevoir moi-même : j'ai alors essayé de conquérir ma propre estime. […] J'ai tenté, avec mes petits moyens, d'égaler mon père. Je dis bien tenté… »
Pour sa part, cette mésaventure se solde, en 1939, par une condamnation à une peine d'emprisonnement avec sursisnote . Il ne retourne pas au collège. Il passe l’été reclus dans la maison et se laisse pousser la moustache. Le 3 septembre, la guerre contre l'Allemagne est déclarée. Il pourrait devenir maçon, auprès de son père, mais, peine perdue, il ne se satisfait pas de cette perspective. Il persuade ses parents de le laisser quitter Sète, où sa réputation est ternie, et aller tenter sa chance à Paris.
Les années 1940 : Paris-Basdorf-Paris
Paris
En février 1940, Georges est hébergé, comme convenu avec ses parents, chez sa tante maternelle Antoinette Dagrosa, dans le 14e arrondissementnote . Chez elle, il y a un piano. Il en profite pour apprendre l’instrument à l’aide d’une méthode, malgré sa méconnaissance du solfège. Pour ne pas vivre à ses dépens, comme promis, il recherche un emploi. Il obtient celui de manœuvre dans un atelier des usines Renault. Cela ne dure pas ; le 3 juin, Paris et sa région sont bombardés et l’usine de Billancourt est touchée. Le 14, l’armée allemande entre dans la capitale. C’est l’exode. Georges retourne dans sa ville natale. L’été passé, certain que son avenir n'est pas là, il revient chez sa tante, dans un Paris occupé par la Wehrmacht. Tout travail profitant maintenant à l'occupant, il n'est plus question pour lui d'en rechercher.
Georges passe ses journées à la bibliothèque municipale du quartier. Conscient de ses lacunes en matière de poésie, il apprend la versification et lit Villon, Baudelaire, Verlaine, Hugo et tant d’autres. Il acquiert ainsi une certaine culture littéraire qui le pousse à écrire ses premiers recueils de poésie : Les Couleurs vagues, Des coups d'épée dans l'eau, annonçant le style des chansons à venir et À la venvolenote, dans laquelle son anarchisme se fait jour. Ce dernier opuscule est publié en 1942, grâce à l'argent de ses proches : ses amis, sa tante et même une amie de celle-ci, une couturière nommée Jeanne Planche née Le Bonniec, qui apprécie beaucoup ses chansons.
Basdorf
En février 1943, l'Allemagne nazie impose au gouvernement de Vichy la mise en place d’un service du travail obligatoire (STO). Georges, 21 ans, est convoqué à la mairie du 14e arrondissement où il reçoit sa feuille de route. De sévères mesures de représailles sont prévues pour les réfractaires, nombre d'entre eux rejoignent les maquis. Le 8 mars, il se trouve gare de l’Est pour se rendre en Allemagne, vers le camp de travailleurs de Basdorf, près de Berlin. Là-bas, il travaille dans la manufacture de moteurs d’avion BMW.
On le voit souvent plongé dans des bouquins ou écrivant des chansons, qui divertissent ses compagnons, et la suite d’un roman commencé à Paris, Lalie Kakamou. Il lie des amitiés, auxquelles il restera fidèle tout au long de sa vie – notamment avec André Larue, René Iskin et, plus particulièrement, Pierre Onténiente, le bibliothécaire du camp, à qui il emprunte régulièrement des livres.
En mars 1944, Georges Brassens bénéficie d’une permission de quinze joursnote 8 pour maladie grave9. C’est une aubaine à saisir : il ne retournera pas en Allemagne.
Jeanne
« Georges Brassens habita cette impasse de 1944 à 1966, il y écrivit ses premières chansons »
Plaque commémorative à l'entrée de l'impasse Florimont.
no 9, impasse Florimont, avec les statues de chats et la plaque commémorative avec bas-relief réalisée par Renaud et fixée en 199410.
À Paris, il lui faut trouver une cachette car il est impossible de passer à travers les filets de la Gestapo en restant chez la tante Antoinette. Jeanne Planche, de trente ans son aînée, accepte d'héberger ce neveu encombrant. Avec son mari Marcel, elle habite une maison extrêmement modeste au 9, impasse Florimont. Georges s’y réfugie, le 21 mars 1944, en attendant la fin de la guerre. On se lave à l’eau froide, il n’y a ni gaz ni électricité (donc pas de radio), ni le tout-à-l’égout. Dans la petite cour, une vraie ménagerie : chiens, chats, canaris, tortues, buse… et la fameuse cane qu'il célébrera dans une chanson. Il est loin de se douter qu’il y restera vingt-deux ans.
Dans ce cocon, manque d'électricité oblige, il se lève et se couche avec le soleil (rythme qu'il gardera la majeure partie de sa vie) et poursuit l'écriture de son roman et compose des chansons en s’accompagnant d’un vieux banjo.
« J'y étais bien, et j'ai gardé, depuis, un sens de l'inconfort tout à fait exceptionnel. »
Cinq mois plus tard, le 25 août, c’est la libération de Paris. La liberté, soudainement retrouvée, modifie peu ses habitudes. Avec leur consentement, il se fixe à demeure chez les Planche. Sa carte de bibliothèque récupérée, Brassens reprend son apprentissage de la poésie et s’adonne à nouveau à la littérature.
La fin de la guerre, signée le 8 mai 1945, marque le retour à Paris des copains de Basdorf. Avec ses amis retrouvés, Brassens projette la création d'un journal à tendance anarchiste, Le Cri des gueux. Après la sortie du premier numéro, faute de financement suffisant, le projet tourne court.
Parallèlement, il monte, avec Émile Miramont (un copain sétois) et André Larue (rencontré à Basdorf), le « Parti préhistorique » qui vise surtout à tourner en dérision les autres partis politiques et qui préconise un retour à un mode de vie plus simple. Ce parti ne verra jamais le jour, à la suite de l’abandon de Miramontnote .
Avec l’aide financière de Jeanne, il achète la guitare d’un ami. Elle lui sera volée.
En 1946, il hérite du piano de sa tante Antoinette, morte en juillet. Cette année-là, il ressent ses premiers maux de reins accompagnés de crises de coliques néphrétiques.
Le libertaire
Article détaillé : Engagement libertaire de Georges Brassens.
Antimilitariste et anticlérical, en 1946, il se lie avec des militants libertaires (notamment avec le peintre Marcel Renot et le poète Armand Robin) et lit Mikhaïl Bakounine, Pierre-Joseph Proudhon et Pierre Kropotkine. Ces lectures et ces rencontres le conduisent à s'impliquer dans le mouvement et écrire quelques chroniques dans le journal de la Fédération anarchiste, Le Libertaire (depuis les années 1950 Le Monde libertaire), sous les pseudonymes de Géo Cédille, Charles Brenns, Georges, Charles Malpayé, Pépin Cadavre ou encore Gilles Colin. Il y exerce également un double emploi non rémunéré de secrétaire de rédaction et de correcteur. Ses articles sont virulents, teintés d'humour noir, envers tout ce qui porte atteinte aux libertés individuelles. La violence de sa prose ne fait pas l’unanimité auprès de ses collègues.
Il collabore également, périodiquement, au bulletin de la CNT, la Confédération nationale du travail.
En juin 1947, il quitte la Fédération en gardant intacte sa sympathie pour les anarchistes (plus tard, Brassens ira régulièrement se produire bénévolement dans les galas organisés par Le Monde libertaire).
Son roman achevé en automne est publié à compte d’auteur. Lalie Kakamou est devenu La Lune écoute aux portes. Estampillé NRF, la couverture plagie, par provocation, celles de la maison Gallimard. Brassens adresse une lettre à l’éditeur concerné pour signaler cette facétie. Contre toute attente, il n’y aura aucune réaction.
Püppchen
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Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (février 2017).
Pour ne pas attiser la jalousie de Jeanne, Georges a vécu des amourettes clandestines. Il y eut en particulier Jo, âgée de dix-sept ans (juin 1945-août 1946). Une relation tumultueuse qui lui inspira peut-être quelques chansons : Une jolie fleur, P… de toi et, en partie, Le Mauvais Sujet repenti (modification de Souvenir de parvenue déjà écrite à Basdorf). Un document vidéo, Le Bout du cœur, nous montre une version primitive d'Une jolie fleur.
En 1947, il rencontre Joha Heiman (et) (1911-1999). Née à Tallinn, en Estonie, elle est son aînée de neuf ans — affectueusement, il l'appelle « Püppchen », petite poupée en allemand, mais ils l'orthographieront tous les deux « Püpchen » (c'est le nom gravé sur leur tombe). Ils ne se marieront jamais ni ne cohabiteront. Il lui écrira J’ai rendez-vous avec vous, Je me suis fait tout petit (devant une poupée), Saturne, Rien à jeter et La Non-Demande en mariage. Morte le 19 décembre 1999, dix-huit ans après lui, elle est enterrée à ses côtés.
Ses talents de poète et de musicien sont arrivés à maturité. De nombreuses chansons sont déjà écrites. Pratiquement toutes celles de cette époque qu'il choisira d'enregistrer deviendront célèbres, comme Le Parapluie, La Chasse aux papillons, J'ai rendez-vous avec vous, Brave Margot, Le Gorille, Il n'y a pas d'amour heureux (poème d'Aragon, mis en musique par Brassens sur une mélodie qui sera réutilisée pour La Prière, poème de Francis Jammes).
La personnalité de Brassens a déjà ses traits définitifs : la dégaine d'ours mal léché, la pipe et la moustache, le verbe imagé et frondeur et pourtant étroitement soumis au carcan d'une métrique et d'un classicisme scrupuleux, le goût des tournures anciennes, le culte des copains et le besoin de solitude, une culture littéraire et chansonnière pointue (il s'amuse à combiner l'usage de l'argot et celui d'un langage châtié faisant appel à l'imparfait du subjonctif, par exemple dans Le Gorille), un vieux fonds libertaire, hors de toute doctrine établie, mais étayé par un individualisme aigu, un antimilitarisme viscéral, un anticléricalisme profond aussi bien qu'un sens du sacré, et un mépris total du confort, de l'argent et de la considération. Il ne changera plus.
Les années 1950 : de Patachou à Bobino
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Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (février 2017).
Brassens en 1952.
En 1951, Brassens rencontre Jacques Grello, chansonnier et pilier du Caveau de la République qui, après l'avoir écouté, lui offre sa propre guitare et lui conseille, plutôt que du piano, de s’accompagner sur scène avec cet instrument. Ainsi « armé », il l'introduit dans divers cabarets pour qu'il soit auditionné. Alors, il compose d'abord sur piano ses chansons qu'il transcrit pour guitare.
Sur scène, Brassens ne s’impose pas. Intimidé, paralysé par le trac, suant, il est profondément mal à l'aise. Il ne veut pas être chanteur, il préférerait proposer ses chansons à des chanteurs accomplis, voire à des vedettes de la chanson. Il se produit alors dans quelques cinémas parisiens, tel le Batignolles, rue La Condamine, où, entre les actualités et le film, il interprète trois de ses premiers succès, Le Parapluie, Chanson pour l'Auvergnat et Le Gorille.
Patachou
Après plusieurs auditions infructueuses, Brassens est découragé. Roger Thérond et Victor Laville, deux copains sétois, journalistes du magazine Paris Match, viennent le soutenir et tentent de l'aider, dans la mesure de leurs moyens. Ils lui obtiennent une audition chez Patachou, le jeudi 24 janvier 1952, dans le cabaret montmartrois de la chanteusenote . Le jour dit, et au bout de quelques chansons, Patachou est conquise. Enhardi, Brassens lui propose ses chansons. Elle ne dit pas non et l'invite même à se produire dans son cabaret dès que possible. Les jours suivants, malgré son trac, Georges Brassens chante effectivement sur la scène du restaurant-cabaret de Patachou. Pour le soutenir, Pierre Nicolas, bassiste dans l'orchestre de la chanteuse, l’accompagne spontanémentnote .
Jacques Canetti
Quand Patachou parle de sa découverte, elle ne manque pas de piquer la curiosité du directeur du théâtre des Trois Baudets, Jacques Canetti, également directeur artistique pour la firme phonographique Philips. Le 9 mars 1952, il se rend au cabaret Chez Patachou pour écouter le protégé de la chanteuse. Emballé, il convainc le président de Philips de lui signer un contrat. Le quotidien France-Soir, des 16-17 mars, proclame en gros titre : « Patachou a découvert un poète ! »
Le 19 mars, l’enregistrement du Gorille et du Mauvais sujet repenti s’effectue au studio de la Salle Pleyel. Certains collaborateurs, offusqués par Le Gorille, s’opposent à ce que ces chansons sortent sous le label de Philips. Une porte de sortie est trouvée par le biais d’une nouvelle marque qui vient d’être acquise : Polydor. D'avril à novembre, neuf chansons sortiront sur disques 78 tours. L'une d'elles, Le Parapluie, est remarquée par le réalisateur Jacques Becker qui l'utilise pour son film Rue de l'Estrapade. Éditée sur disque en même temps que la sortie du film en salle, elle est distinguée par l’Académie Charles-Cros l’année suivante en obtenant le Grand Prix du disque 1954note .
Le 6 avril, Brassens fait sa première émission télévisée à la RTF. Il chante La Mauvaise Réputation devant le public de l’Alhambra. Du 28 juillet au 30 août, il fait sa première tournée en France, en Suisse et en Belgique, avec Patachou et Les Frères Jacques.
Il est engagé à partir du mois de septembre aux « Trois Baudets » ; le théâtre ne désemplit pas. Dans le public, les chansons comme Hécatombenote et Le Gorille scandalisent les uns, ravissent les autres. Ces controverses contribuent à faire fonctionner le bouche à oreille. Dès lors, Georges Brassens gravit les échelons du succès et de la notoriété. En 1953, tous les cabarets le demandent et ses disques commencent à bien se vendre. Son premier passage à Bobino, sa salle de prédilection, « l'usine » comme il se plaisait à le dire, « à quatre pas de sa maison » se fera en février 1953, avec l'accord du directeur des « Trois Baudets » (Jacques Canetti) ; son deuxième passage a lieu en octobre 1953, mais pas encore en vedette.
Lui qui longtemps a hésité entre une carrière de poète et celle d’auteur-compositeur est maintenant lancé dans la chanson. Loin de juger la chanson comme une expression poétique mineure, il considère que cet art demande un équilibre parfait entre le texte et la musique et que c’est un don qu’il possède, que de placer un mot sur une note Extrêmement exigeant, il s’attache à écrire les meilleurs textes possibles. Jamais satisfait, il les remanie maintes fois : il change un mot, peaufine une image, jusqu'à ce qu'il estime avoir atteint son but.
Patachou, qui a mis avec succès plusieurs chansons de son poulain à son répertoire, enregistre neuf titres le 23 décembre 1952, au studio Chopin-Pleyel, pour l’album Patachou… chante Brassens. Pour ce disque, il lui a donné une chanson en exclusivité : Le Bricoleur (Boîte à outils) et interprète en duo avec elle la chanson Maman, Papa.
René Fallet
Article détaillé : Georges Brassens raconte Jean Le Loup de René Fallet.
Séduit par les chansons qui passent à la radio, l’écrivain René Fallet va l’écouter un soir aux « Trois Baudets ». Il en sort ravi et son enthousiasme le pousse à publier un article dithyrambique dans Le Canard enchaîné du 29 avril 1953 : « Allez, Georges Brassens ! »
« La voix de ce gars est une chose rare et qui perce les coassements de toutes ces grenouilles du disque et d’ailleurs. Une voix en forme de drapeau noir, de robe qui sèche au soleil, de coup de poing sur le képi, une voix qui va aux fraises, à la bagarre et… à la chasse aux papillons. »
Touché, Brassens lui écrit pour le remercier et lui demander de venir le voir aux « Trois Baudets ». Leur rencontre sera le début d’une amitié qui durera le restant de leur vie.
Pierre Nicolas
Son second roman, La Tour des miracles, est publié en juin 1953, aux éditions des Jeunes Auteurs réunis, dirigées par Jean-Pierre Rosnay, qui est aussi l'auteur de la préface. Son premier album, Georges Brassens chante les chansons poétiques (… et souvent gaillardes) de… Georges Brassens, sort chez Polydor en octobre. Devenu vedette, il triomphe en tête d’affiche de Bobino (du 16 au 29 octobre 1953).
En 1954, c'est au tour de l’Olympia (du 23 février au 4 mars et du 23 septembre au 12 octobre). Pour cette grande scène, il fait appel à Pierre Nicolas pour l’accompagner à la contrebasse, marquant ainsi le début d’une collaboration qui durera presque trente ans. Le bassiste sera désormais de toutes les scènes et de tous les enregistrements. Bobino (du 25 novembre au 15 décembre) achève cette année qui a vu la publication, en octobre, de La Mauvaise Réputation, recueil où sont réunis des textes en prose et en vers, dont une pièce de théâtre : Les Amoureux qui écrivent sur l’eau.
Gibraltar
Avec le succès, l’argent commence à entrer et il faut faire face à la gestion du métier. En 1954, Pierre Onténiente, le copain de Basdorf, a accepté de l’aider sans contrepartie pour s’occuper de ses affaires. Avant de franchir le pas et de s'engager plus avant, il fait son apprentissage auprès de Ray Ventura, l'éditeur de Georges.
En 1955, Brassens fait l’acquisition de la maison des Planche et de celle qui lui est mitoyenne pour l’agrandir. L’eau et l’électricité installées, il la leur offre. La vie continue comme avant. Cette même année, il rencontre Paul Fort, poète qu’il admire et qu’il a chanté à ses débuts (Le Petit Chevalnote , sur son deuxième 78 tours). Avant sa tournée en Afrique du Nord et son passage à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles, il compose des musiques sur deux autres de ses poèmes : Comme hier et La Marinenote en vue de son nouveau passage à l’Olympia (du 6 au 27 octobre). La nouvelle station de radio, Europe no1, qui vient d’apparaître sur les ondes, est un événement important dans sa carrière. C’est la seule qui diffuse ses chansons interdites sur les radios d’État. En 1956, Brassens sera animateur sur Europe no1.
Prêt à se consacrer à son ami, Pierre Onténiente quitte son emploi en janvier 1956. Son baptême du feu : le prochain passage à Bobino de l’artiste (27 janvier – 16 février). Entre-temps, à la demande de René Fallet, Brassens a accepté, par amitié, de faire l’acteur aux côtés de Pierre Brasseur et Dany Carrel. Le roman La Grande Ceinture, de son ami Fallet, est adapté à l’écran par René Clair. Le film s’intitulera Porte des Lilas. Dans cette affaire, Onténiente y gagnera son sobriquet de « Gibraltar ». Le trouvant aussi résistant qu’un roc quand il défend les intérêts de son « protégé », le réalisateur le compare au Rocher de Gibraltar. Friand de surnoms, Brassens l’adopte pour dénommer son ami et, désormais, secrétaire-imprésario. Trois chansons arrivent à point pour illustrer le film : Au bois de mon cœur, L'Amandier et Le Vinnote.
En 1957, Brassens et Gibraltar créent les éditions.
Moulin de la Bonde
Le moulin de la Bonde à Crespières.
La maison de Jeanne, impasse Florimont, est toute petite. Pour vivre comme il l'entend, il jette son dévolu, en 1958, sur le moulin de la Bonde, au bord du ru de Gally, à l'extérieur du village de Crespières, en Seine-et-Oise (dans les Yvelines actuelles). Il s'y rend souvent pour, entre autres, y honorer grandement l’amitié des copains d’enfance : Victor Laville, Émile Miramont, Henri Colpi, Roger Thérond ; de ceux de Basdorf : René Iskin, André Larue ; des anars du Libertaire ; des amis du monde de la chanson et du spectacle : Marcel Amont, Guy Béart, Georges Moustaki, Jacques Brel, Pierre Louki, Jean Bertola, Boby Lapointe, Lino Ventura, Raymond Devos, Jean-Pierre Chabrol, Bourvil (en voisin), Fred Mella (soliste des Compagnons de la chanson) et bien d’autres. Fidèles, jusqu’à la fin. Seule Jeanne refusera de venir au moulin.
Dorénavant, il cesse de se produire dans les cabarets pour alterner les tours de chant entre Bobino et l’Olympia. Il poursuit ses tournées à l’étranger (1958 : Suisse, Rome, 1959 : Belgique, Afrique du Nord, 1961 : Québec, etc.).
Les années 1960 : honneurs et douleurs
Jacques Charpentreau écrit le premier ouvrage sur le chanteur : Georges Brassens et la poésie quotidienne de la chanson.
En 1961, il sort un disque en hommage à Paul Fort, mort l’année précédente, disque où sont réunis sept poèmes qu’il a mis en musique ou qu'il déclame simplement.
Georges Brassens sur scène en 1964.
En avril 1962, il fête à Bobino ses dix ans de carrière. Le 15 mai, il monte un spectacle en hommage à Paul Fort, au théâtre Hébertot. Le 5 décembre, jour de la première à l’Olympia avec Nana Mouskouri, il souffre d’une crise de coliques néphrétiques. Sur l’insistance de Bruno Coquatrix, il honore les dates prévues à partir du lendemain jusqu’au 24 décembre. Chaque soir, une ambulance l’attend. À la suite de cette douloureuse expérience, il ne retournera plus à l’Olympianote. Le 31 décembre, il apprend la mort de sa mère. Le jour même, il se rend à Sète puis regagne Marseille pour se produire à l’Alcazar. « Pour la première fois, ce soir, elle me voit chanter », dit-il26.
En février 1963, il est cosignataire d'une lettre du Comité de secours aux objecteurs de conscience réclamant au Président de la République et au Premier ministre un statut pour que les objecteurs puissent effectuer un service civil et non militaire.
Georges Brassens (à droite) sur la scène du théâtre du Capitole en 1963.
Le prix Vincent Scotto, décerné par la SACEM, gratifie Les Trompettes de la renommée de meilleure chanson de l'année 1963. En octobre, le numéro 99 de la très sélective collection Poètes d’aujourd’hui, qui paraît chez les libraires, est consacré à Georges Brassens. Quand l’éditeur, Pierre Seghers, lui avait fait part de ce projet, Brassens accepta à condition que son ancien professeur de français, Alphonse Bonnafé, fût l’auteur du texte28. Brassens est ainsi le deuxième auteur de chansons (après Léo Ferré), à figurer dans cette collection. Dans son journal, René Fallet écrit :
« C’est le triomphe enfin avoué et officiel de ceux qui, voilà dix ans, criaient au poète pour les sourds. »
Georges Brassens sur scène en 1964.
Dix ans se sont écoulés depuis la parution de son premier album — neuf ont paru, quatre-vingts chansons ont été enregistrées. Pour marquer cet anniversaire, un coffret de six 33 tours 30 cm, Dix ans de Brassens, est mis en vente. Le 6 novembre, Georges Brassens se voit honoré pour cet ouvrage, par l’Académie Charles-Cros, en recevant le Grand Prix international du disque 1963 des mains de l’écrivain Marcel Aymé.
Souffrant de calculs rénaux depuis plusieurs mois déjà, les crises de coliques néphrétiques deviennent plus aiguës. Il subit une opération des reins à la mi-janvier. Après une longue convalescence, il est à nouveau sur les planches de Bobino en septembre 1964.
Les Copains d’abord
Le film d’Yves Robert, Les Copains, sort en 1965. Pour le générique, Brassens a composé une chanson : Les Copains d’abordnote 20. Le succès qu’elle rencontre est tel qu’il rejaillit sur les ventes de son premier album 33 tours 30 cm et sur son triomphe à Bobino (du 21 octobre au 10 janvier 1965) avec, en alternance, Barbaranote , Serge Lama, Michèle Arnaud, Brigitte Fontaine ou Boby Lapointe. L'une de ses nouvelles chansons, Les Deux Oncles, où il renvoie dos à dos les belligérants des deux camps de la Seconde Guerre mondiale pour exprimer l’horreur que lui inspire la guerre, jette le trouble et lui vaut des inimitiés chez certains de ses admirateurs.
Jean-Louis Brassens, lui non plus, n’aura jamais vu son fils sur scène ; il meurt le 28 mars 1965 et Marcel Planche, quant à lui, le 7 mai suivant.
Lors de l'émission radiophonique Musicorama, diffusée en direct du théâtre de l'ABC le 12 octobre, Georges Brassens réalise un rêve : chanter avec Charles Trenetnote. Ils renouvelleront cette expérience pour l'émission télévisée La La La en mars 1966. L’estime qu’ils se portent est réciproque, mais Trenet garde ses distances. « C’est le grand regret de Georges. S’il y en avait un qu’il aurait vraiment aimé fréquenter, c’est bien Trenet. Or, il s’est trouvé que Trenet […] n’a rien fait pour aller vers Georges.
Pour rompre sa solitude, Jeanne se remarie à 75 ans, le 26 mai 1966, avec un jeune homme de 37 ans. Contrarié par ce mariage, Brassens quitte l'impasse Florimont pour emménager dans un duplex près de la place Denfert-Rochereaunote. Jacques Brel, qu’il a connu aux « Trois Baudets » en 1953, est son voisin ; il s’apprête à faire ses adieux sur la scène de l’Olympia. Par amitié, Brassens écrit le texte du programme de cet événement.
Du 16 septembre au 22 octobre, Georges Brassens se produit sur les planches du Théâtre national populaire (TNP) avec Juliette Gréco qui en assure la première partienote. Chaque soir, il présente sa Supplique pour être enterré à la plage de Sète et fait part de son Bulletin de santé — en réponse aux rumeurs distillées par une certaine presse — et pour faire bonne mesure, il (ré)affirme sa singularité et exprime le peu de bien qu'il pense du militantisme et des groupuscules de toutes sortes avec la chanson Le Pluriel, dans laquelle, quelles que soient les circonstances, il proclame : « Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens ! ».
Habitué à souffrir de ses calculs rénaux, il a laissé passer le temps. Au mois de mai 1967, une nouvelle crise l’oblige à interrompre une tournée pour subir une deuxième opération des reins. Le 8 juin, parrainé par Marcel Pagnol et Joseph Kessel, l'Académie française lui décerne le Grand Prix de poésie pour l’ensemble de son œuvre. Brassens en est honoré, mais pense ne pas le mériter.
« Je ne pense pas être un poète… Un poète, ça vole quand même un peu plus haut que moi… Je ne suis pas poète. J’aurais aimé l’être comme Verlaine ou Tristan Corbière. »
René Fallet sort à son tour un livre sur son ami, aux éditions Denoël.
Après Mai 68, quand on lui demande ce qu’il faisait pendant les événements, il répond malicieusement : « Des calculs ! »
Le 24 octobre, avec son ami Fallet, il est au chevet de Jeanne, qui meurt faute d’avoir pu surmonter le choc de son opération de la vésicule biliaire. Elle avait 77 ans.
Le 6 janvier 1969, à l'initiative du magazine Rock & Folk et de RTL, Georges Brassens, Léo Ferré et Jacques Brel sont invités à débattre autour d'une table. Ce moment est immortalisé par le photographe Jean-Pierre Leloir et par une vidéo.
Cette année-là, il franchit les limites du 14e arrondissement pour emménager dans une maison du quartier Saint-Lambertnote , dans le 15e arrondissement. Bobino l'attend à nouveau à partir du 14 octobre.
En décembre, pour satisfaire à la demande de son ami sétois, le cinéaste Henri Colpi, il enregistre la chanson écrite par ce dernier avec une musique composée par Georges Delerue pour illustrer le film dans lequel joue Fernandel : Heureux qui comme Ulyssenote.
Les années 1970 : Bretagne et Grande-Bretagne
La villa Ker Flandry au bord du Trieux, maison bretonne de Brassens à Lézardrieux (Côtes-d'Armor).
Au début des années 1970, Georges Brassens engage son ami Jean Bertola34 comme secrétaire artistique et organisateur de ses tournées. Le pianiste lyonnais apportera à Georges une aide dans toutes les formes, amicales, musicales, artistiques, ou de présentations des tours de chant.
En 1971, il compose la musique du film de Michel Audiard Le drapeau noir flotte sur la marmite, adaptation du roman de René Fallet Il était un petit navire.
Gravure sur granit du portrait de Georges Brassens, octobre 1977.
Lézardrieux
Conséquence de vacances passées à Paimpol chez le neveu de Jeanne, depuis les années 1950, Georges Brassens apprécie la Bretagne. Michel Le Bonniec lui a trouvé une maison sur les rives du Trieux, à Lézardrieux36 : « Ker Flandry ». Le moulin de Crespières est mis en vente au début de 1970. À la demande de Brassens, « Gibraltar » et son épouse viennent habiter la maison de l’impasse Florimont.
Brassens a cinquante ans et vingt ans de carrière. Un autre tour de chant l’attend à Bobino avec Philippe Chatel, Maxime Le Forestier, Pierre Louki, en alternance (10 octobre 1972 au 7 janvier 1973). Avec la chanson Mourir pour des idées, il répond aux réactions mitigées envers sa chanson Les Deux oncles. Le 30 octobre 1972, il participe à une soirée spéciale contre la peine de mort au Palais des sports de Paris. À partir du 14 janvier 1973, il entame ses dernières tournées françaises. Il passe au théâtre municipal de Sète, le 13 avril 1973. Cette année-là, il fait son entrée dans Le Petit Larousse.
Répondant à l’invitation de Colin Evans, professeur de français à l’University College de Cardiff, en Pays de Galles, Brassens donne deux récitals au Shermann Theatre le 28 octobre 1973note.
En 1973, Brassens joue dans un film de Jean-Marie Périer : Pourquoi t'as les cheveux blancs…, sur un scénario de René Fallet. Ce film a été diffusé sur la troisième chaîne de l'ORTF le 27 décembre 197338.
Le 19 octobre 1976, il s’installe à Bobino pour cinq mois. Il présente les nouvelles chansons de son dernier album, dont celle qui lui donne son nom : Trompe-la-mort.
« C’est pas demain la veille, bon Dieu, de mes adieux. »
Le 20 mars 1977, jour de la dernière, personne ne se doute qu’il ne foulera plus jamais les planches de son music-hall de prédilection.
Saint-Gély-du-Fesc
La tombe de Georges Brassens au cimetière Le Py de Sète.
D'inquiétantes douleurs abdominales, de plus en plus vives, l’amènent à se faire examiner. Un cancer de l’intestin est diagnostiqué et se généralise. Il est opéré à Montpellier, dans la clinique du docteur Bousquet, en novembre 1980. L'année suivante, une nouvelle opération à l’hôpital américain de Paris lui accorde une rémission qui lui permet de passer l'été dans la propriété des Bousquet, à Saint-Gély-du-Fesc, au nord de Montpellier, avant de revenir à Paris puis de séjourner à Lézardrieux.
Hormis les disques de ses chansons arrangées en jazz — dans lesquels il est à la guitare auprès de prestigieux musiciens de jazz — en 1979 et celui en faveur de Perce-neige, l’association de son ami Lino Ventura, sur lequel il chante les chansons de sa jeunesse en 1980 et sans oublier son interprétation de la Chanson du hérisson dans le conte musical Émilie Jolie de Philippe Chatel en 1979, il n’a pas enregistré d’album depuis cinq ans. Pourtant, près de quinze chansons sont prêtes, quinze autres en gestation. Il envisage de les graver, mais ne pourra mener à bien ce projet. Après sa mort, Jean Bertola acceptera de les chanter. L'album Dernières chansons sera un succès commercial récompensé par l’Académie Charles-Cros (voir également l'album Le Patrimoine de Brassens).
Ultime satisfaction, la peine de mort — contre laquelle il a fait des galasnote , manifesté, signé des pétitions et au sujet de laquelle il a écrit une chanson (La Messe au pendu, dans son album de 1976) — est abolie en France le 9 octobre 1981.
Revenu dans la famille de son chirurgien, à Saint-Gély-du-Fesc, il fête son soixantième anniversaire le 22 octobre39. Il meurt en toute fin de soirée du jeudi 29 octobre 1981, à 23 h 15. Georges Brassens est inhumé à Sète, le matin du samedi 31, dans le caveau familial dont la pierre tombale porte une croix, au cimetière Le Pynote.
Le choc de sa mort, dont les médias se font largement l'écho, est immense dans toute la France et la francophonie.
Joha Heiman meurt le 19 décembre 1999 et est enterrée auprès de lui.
Lui qui avait comme modèle de réussite Paul Misraki, parce qu'il était chanté partout sans être connu du grand public, ne se doutait pas qu'un jour il accéderait à la renommée internationale.
Discographie
Articles détaillés : Discographie de Georges Brassens, Liste des interprètes ayant chanté Georges Brassens et Liste des titres enregistrés par Georges Brassens.
Textes ou musiques d'autres auteurs et compositeurs
Tout au long de sa carrière, Brassens aura repris, mis en musique et interprété ou simplement déclamé les textes de plusieurs poètes, non sans les avoir le plus souvent abrégés. Parmi eux :
Louis Aragon : Il n'y a pas d'amour heureux ;
Théodore de Banville : Le Verger du roi Louis ;
Francis Carco : La Chanson tendre (sur une musique de Jacques Larmanjat) ;
Henri Colpi : Heureux qui comme Ulysse (chanson du film homonyme d'Henri Colpi, sur une musique de Georges Delerue) ;
Pierre Corneille, pour les stances, et Tristan Bernard, pour la conclusion : Marquise ;
Paul Fort :
Le Petit Cheval (La Complainte du petit cheval blanc, du recueil Mortcerf, 1909) ;
Si le bon Dieu l'avait voulu (du recueil L’Alouette, 1917) ;
La Marine (version réduite de L’Amour marin, 1900) ;
Comme hier (du recueil L’Alouette, 1917) ;
Germaine Tourangelle (version réduite du poème Le Jet d'eau (Rêverie sur un banc du Luxembourg), du recueil Bol d'air, 1946, déclamé sans musique) ;
À Mireille dite « Petit Verglas » (déclamé sans musique) ;
L'Enterrement de Verlaine (version réduite de Convoi de Paul Verlaine après un tourbillon de neige, du recueil Ballades françaises et chroniques de France, 1896, dans une version simplement déclamée, puis dans une version chantée sur la musique originellement prévue pour ce poème, mais qui avait été utilisée finalement pour La Marche nuptiale) ;
Victor Hugo :
La Légende de la nonne ;
Gastibelza ;
Altesse ;
Francis Jammes : La Prière (version réduite de Rosaire, du recueil L'Église habillée de feuilles, sur la musique d'Il n'y a pas d'amour heureux) ;
Alphonse de Lamartine : Pensée des morts ;
Hégésippe Moreau : Sur la mort d'une cousine de sept ans (mis en musique par Brassens – qui en fit lui-même un enregistrement jamais publié –, on peut en entendre les versions chantées par les Compagnons de la chanson, par Valérie Ambroise ou par Eric Zimmermann) ;
Alfred de Musset :
Ballade à la lune ;
À mon frère revenant d'Italie ;
Gustave Nadaud :
Carcassonne (sur la musique de la chanson Le Nombril des femmes d'agent, dont les paroles, bien que sur un autre sujet, empruntent le thème du poème de Nadaud) ;
Le Roi boiteux ;
Norge : Jehan l'advenu (sur une musique de Jacques Yvart) ;
Antoine Pol : Les Passantes ;
Jean Richepin :
Les Oiseaux de passage ;
Les Philistins ;
Paul Verlaine :
Colombine ;
Chanson d'automne (sur une musique de Charles Trenet) ;
François Villon :
Ballade des dames du temps jadis ;
Les Regrets de la belle heaulmière41 (simplement déclamé) ;
Épitaphe et rondeau42 (improvisation sans accompagnement sur l'air du menuet de Marquise) ;
Un extrait du Petit Testament43 (séance de travail sur la prononciation et l'articulation avec essai de plusieurs motifs mélodiques parmi lesquels des réminiscences d'Il suffit de passer le pont et de La Ballade des dames du temps jadis).
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