Felix LECLERC / UN GRAND BONHEUR
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Felix LECLERC / UN GRAND BONHEUR

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1 CD / LES GRANDS SUCCÈS DE CET IMMENSE CHANTEUR & POÈTE DU QUÉBEC / COLLECTION ROUGE ET NOIR

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Un grand bonheur !...


1
Bozo                                   1’57    1951
2 Le Bal                                 1’37’’  1959
3 Le p’tit bonheur                   2’43’’  1950
4 Hymne au printemps          2’17’’  1951
5 Moi mes souliers                1’55’’  1950
6 Contumace                         3’08’’  1951
7 L’héritage                            2’36’’  1959
8 L’abeille                              1’36’’  1959
9 La Fille de l’île***                2’08’’  1959
10 Mac Pherson                    2’31’’  1959
11 L’agité                               2’16’’  1959
12 Train du Nord                   2’40’’  1950
13 Tirelou                              2’06’’  1959
14 Le roi heureux                  2’08’’  1959
15 La gigue                           1’43’’  1959
16 L’imbécile                         1’20’’  1959
17 Perdu gagné                    1’53’’  1959
18 Je cherche un abri pour l’hiver  2’31’’  1959
19 Tu te lèveras tôt              2’29    1959
20 Litanie du petit homme   1 ’57’’  1959
21 Le testament *                 2’00’’  1959
22 Les soirs d’hiver              1’51’’  1959
23 Elle pleure                        2’15’’  1959
24 Tour de reins                    2’48’’  1959
25 Le Chant de la création   1’36’’  1959
26 Au même clou                  1’12’’  1959
27 Le boiteux amoureux       3’02’’  1959
28 Épousailles                       2’41’’  1951
29 Les Dimanches                1’56’’  1959
30 Prière bohémienne          2’23’’  1959
31 Tu allumes la nuit             3’41’’  1951
32 Notre sentier                    23’42’’            1959
33 L’eau de l’hiver                 1’40’’  1959
34 Complots d’enfants          1’23’’  1959
35 Ton visage **                    2’50’’  1959
36 Chanson du pharmacien  1’17’’  1959
 
Chant, textes et musiques : Félix Leclerc
sauf
* François Villon / Félix Leclerc
** Jean- Pierre Ferland / Paul de Margerie
*** Chant : Lucienne Vernay

Joseph, Félix Eugène Leclerc né à La tuque (Québec)
Auteur-Compositeur-Chanteur-Poète-Écrivain-Acteur-Metteur en scène et Homme politique engagé pour le Québec et la défense de la langue française.
Après ses études Félix Leclerc est animateur à Radio Québec en 1934, écrit des scénarios et chante ses premières chansons dans les cabarets de Québec. C’est Jacques Canetti qui lui fait enregistrer ses premières chansons à Montréal et le fait venir en France chanter à l’A.B.C… C’est immédiatement un grand succès. Il continue à se produire sur scène tout en participant activement à la défense de l’indépendance du Québec et deviendra rapidement un  auteur-chanteur « culte ».  Avec Gilles Vigneault et Robert Charlebois il chante devant plus de 100 000 spectateurs à la Superfrancofête (album J’ai vu le Loup, le Renard et le Lion). Il fêtera à Paris la victoire du parti Québecois en 1976 en compagnie de Pauline Julien et sera invité au Printemps de Bourges avec Maxime le Forestier.
Grand poète et défenseur de la langue française il incarne  aussi le « nationalisme Québecois » pur et dur.
 
JFélix Leclerc, né Joseph Félix Eugène Leclerc1 le 2 août 1914 à La Tuque au Québec et mort le 8 août 1988 à Saint-Pierre-de-l'Île-d'Orléans au Québec, est un auteur-compositeur-interprète, poète, écrivain, animateur de radio et de télévision, scénariste, metteur en scène et acteur québécois. Pionnier de la «chanson poétique» québécoise par le biais d'une œuvre intimement liée à la nature et au territoire, il s'engage notamment pour la souveraineté du Québec et la défense de la langue française. Véritable « émissaire culturel » du Québec à l'international, Félix Leclerc connaît un fulgurant succès en France au début des années 1950. Grand Officier de l'Ordre national du Québec et Chevalier de la Légion d'honneur, il contribue à faire reconnaître le Québec comme un pays francophone doté d'une culture qui lui est propre2. Figure de proue du mouvement des chansonniers populaires, il inspire d'éminentes figures de la chanson française, notamment Georges Brassens, Jacques Brel et Guy Béart. Depuis 1979 , les récompenses de la chanson québécoise, remises au Gala de l'ADISQ, s’appellent les Prix Félix en hommage au chansonnier. Félix Leclerc naît le 2 août 1914 à La Tuque, au Québec, quelques jours avant l'entrée du Canada dans la Grande Guerre. Il grandit au 168, rue Tessier (qu'il renomme rue Claire-Fontaine dans son livre de souvenirs Pieds nus dans l'aube). Il est le sixième des onze enfants de Fabiola Parrot (1880-1946) et Léonidas (dit Léo) Leclerc (1879-1965). Il jouit d'une belle enfance, sa mère lui inculquant un « art de vivre simple et profond ». Le jeune Félix grandit attaché aux valeurs familiales, à l'amitié et à la nature qui l'entoure. À La Tuque, il cultive un amour des grands espaces qui animera son œuvre toute sa vie, notamment à travers ses contes qui rappellent les Fables de La Fontaine6. Son père, illettré, est commerçant de chevaux et d'équipement de chantier. Léonidas Leclerc devient vite un homme prospère, notamment grâce au permis d'alcool qu'il réussit à obtenir. Peu de temps après la naissance de Félix, il ajoute deux étages à la grande maison familiale et loue des chambres aux bûcherons, aux draveurs et parfois même aux patrons de passage dans la région. Le soir, Léo Leclerc fait profiter tout ce beau monde de ses talents de conteur. Félix Leclerc ne cachera pas son émerveillement pour ce père « à la parole rare mais à l'acte plus éloquent que les phrases bien tournées »1. Il s'intéresse très tôt à la musique et à la dramaturgie. Une fois par année, des Latuquois présentaient une pièce de théâtre : c'est un moment qu'il attendait avec impatience. Cette passion prend également source dans les histoires que sa mère lui racontait le soir. Dans Pieds nus dans l'aube, il exprime toute l'admiration qu'il lui voue: « Notre mère (comme bien des mamans des pays neufs, à qui naturellement incombe la tâche de tenir allumée la lampe intérieure) fut notre pilote sûr et joyeux devant les innombrables remous. Elle aurait tenu la barre d'une galère de pirates, pourvu que la destination fût “par en haut”. […] maman [comme un colporteur], voulait nous vendre une chose, une façon de penser, la façon de penser, en d'autres termes : l'art de vivre. […] Les hommes des bois la respectaient comme on respecte une croix au carrefour des routes. » Félix Leclerc fait ses études primaires chez les frères maristes, toujours à La Tuque. À l'âge de 12 ans, il entame des études secondaires au juvénat d'Ottawa, dont il ne revient qu'à la fin de chaque année5. Juste avant de quitter La Tuque pour la capitale canadienne, il est approché par des recruteurs cléricaux qui voient en lui un potentiel pour la vie religieuse. On vante ses « qualités morales, intellectuelles et physiques », au grand plaisir de sa mère, qui espère voir l'un de ses fils porter la soutane. Ce rêve ne se concrétisera jamais, mais l'imaginaire religieux ne manquera pas de teinter l'œuvre du chansonnier. À Ottawa, Félix Leclerc suit des cours de belles-lettres et de rhétorique, mais la Grande Dépression économique des années 1930 le contraint d'y mettre fin5. Il rentre alors à Sainte-Marthe-du-Cap (à Trois-Rivières), où il aide ses parents à exploiter une terre qu'ils ont achetée. Malgré son envie de contribuer à l'économie familiale à Sainte-Marthe-du-Cap, le jeune Félix comprend vite qu'il n'est pas fait pour le dur labeur des travaux agricoles. Constamment distrait, il passe son temps à écrire dans un petit calepin ou à déambuler dans les champs. Félix Leclerc s'intéresse déjà au théâtre, notamment à Molière et à Shakespeare. Le soir, il récite ses poèmes et chante en s'accompagnant d'une guitare. Il interprète des chansons de La Bolduc, de Lucienne Boyer ou encore de Mireille. Durant ces soirées, Félix Leclerc chante également ses compositions, dont la première est sa chanson Notre sentier. Félix Leclerc occupe divers petits emplois avant de devenir animateur pour la radio CHRC de Québec entre 1934 et 193721. C'est sa cousine, Louise Leclerc, qui lui trouve une place: elle use de l'influence de son père auprès de Narcisse Thivierge, le propriétaire de CHRC. Félix Leclerc est fasciné par cet outil technologique qui ouvre de nouvelles portes de diffusion culturelle. Dans Le Club du coucou, l'émission qu'il anime, il invite des artistes comme Jean Sablon, La Palma de l'Empire, Reda Caire, Lys Gauty, Roméo Mousseau, Jean Lalonde et Fernand Perron. Leclerc assume son rôle avec humour, ouvrant et fermant son émission sur fond de God Save the King, l'hymne national britannique. Il expliquera ainsi cette démarche: « Fallait bien faire plaisir à ces quarante familles anglaises unilingues de la Capitale et leur démontrer que moi, j'étais bilingue ». Félix Leclerc loge alors chez son frère Grégoire avec qui il discute d'actualité, commentant notamment les articles du Soleil et de L'Action catholique. Leclerc ne se contente pas du rôle d'animateur. Alors qu'il est à CHRC, il achète, à crédit, sa première guitare et finit d'écrire Notre sentier, sa première chanson. Il prend des cours de guitare chez un certain Louis Angellilo, qui lui dira finalement : « Continuez par vous-même monsieur Félix, vous avez trouvé votre propre style et je ne veux pas vous influencer ». En 1937, animé d'une soif de changement, il retourne à Sainte-Marthe-du-Cap, où, pour écrire, il compte s'inspirer de la nature, des champs et des oiseaux. Ce retour au bercail tombe à point puisque, dès la fin de l'année 1937, une nouvelle opportunité d'emploi pointe le bout du nez : son collègue Yvan Desève l'invite à collaborer à l'aménagement d'une nouvelle station à Trois-Rivières (Mauricie), à cinq minutes de la maison familiale. Ainsi, Félix Leclerc embarque dans une nouvelle aventure radiophonique, cette fois-ci à CHLN. Il y côtoie des animateurs avec qui il se lie d'amitié et collabore au sein de divers projets artistiques, notamment des sketchs et des reportages. Le soir, il rentre en campagne, où il continue de rêver et d'écrire poèmes, sketchs radiophoniques et ébauches de chansonnettes tout en aidant sa famille avec les travaux agricoles. Le réalisateur Guy Mauffette. Il deviendra un véritable parrain pour Félix Leclerc, à qui il ouvre les portes de Radio-Canada. Toujours en 1937, Félix Leclerc écrit des scénarios pour le compte de Radio-Canada à Trois-Rivières, développant des pièces dramatiques à la radio, comme Je me souviens, qui lui assure visibilité et notoriété. Cette notoriété tient surtout à sa qualité d'écriture, teintée d'un grand esprit poétique. Si les portes s'ouvrent à lui, c'est notamment parce qu'il se lie d'amitié avec Guy Mauffette, un réalisateur à Radio-Canada qui croit en lui et use de son influence auprès de la direction pour l'embaucher et lui offrir des opportunités28. Mauffette héberge même Félix Leclerc dans sa famille et le présente à d'influents producteurs. Ainsi, Henri Deyglun promet d'intégrer Leclerc dans son radioroman Les Secrets du docteur Morhanges et Paul L'Anglais lui propose de jouer dans une adaptation de Madame sans-gêne. Peu à peu les offres pleuvent : la carrière de Félix Leclerc est véritablement lancée. À Radio-Canada, Leclerc lit des poèmes et chante même ses premières chansons. Il joue aussi dans les feuilletons radiophoniques Rue Principale, Vie de famille et Un homme et son péché. Félix Leclerc, alors jeune comédien, tire une grande fierté d'être remarqué par Claude-Henri Grignon À la même époque, il rencontre Les Compagnons de Saint-Laurent, une troupe avec laquelle il fait son entrée au théâtre23. En 1939, alors qu'éclate la Seconde guerre mondiale, Félix Leclerc est refusé à l'armée. L'examen médical révèle qu'il ne dispose pas de l'état physique nécessaire au service militaire : on lui trouve un souffle au cœur. Cette décision est loin de déplaire au principal intéressé, qui ne manque pas d'ambitions et d'opportunités professionnelles à ce moment-là. Félix Leclerc est également farouchement opposé à la guerre. Deux mois avant son examen médical, il écrit au ministre fédéral de la Justice, Ernest Lapointe : « Vous qui avez les cheveux blancs et de l'expérience, vous comprendrez la nature de ma demande. Je sollicite votre intervention pour que l'on ne m'appelle pas aux armes. Je préférerais rester ici dans l'ennui et la vie ordinaire, plutôt que d'aller faire ces folles randonnées en bateau ou en avion. Je n'ai pas l'âme d'un bon soldat. Je fais, volontiers, le sacrifice de la vie militaire et de ses joyeuses tueries, de ses galons et de ses prises de terrain pour rester bêtement à l'arrière, sans aucun avancement. Si vous n'acquiescez pas à ma demande, Monsieur le ministre, j'irai tous les jours à la caserne pour tirer du fusil au-dessus des têtes. Et chaque matin, à l'heure de la chapelle, je vous exhorterai à protéger la vie plutôt qu'à donner la mort. Soit dit en passant, le chant des oiseaux me plaît davantage que les coups de canon. » Radio-Canada se révèle également source d'opportunités pour la vie personnelle de Leclerc. C'est là qu'il rencontre la comédienne Andrée Vien (1916-2005), originaire de Lauzon, qu'il épouse le 1er juillet 1942 à la cathédrale de Montréal. Celle qu'il surnommera affectueusement « Dedouche » fait à l'époque partie du service de publicité de Radio-Canada. Elle est la fille de Louis Vien, un militaire de carrière. À l'invitation de Félix Leclerc, c'est elle qui dactylographie Adagio, Allegro et Andante, une trilogie de recueils poétiques que Félix Leclerc publie en 1943 et 1944. C'est le père Émile Legault, le directeur de troupe des Compagnons de Saint-Laurent, qui donne la bénédiction nuptiale37. C'est également chez lui qu'ils logeront après leur voyage de noces au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Alors que Félix Leclerc est encore un comédien timide accablé du syndrome de l'imposteur, le père Legault le pousse à surmonter ses doutes. Alors que la troupe s'apprête à jouer, à Boston, Le Médecin malgré lui et Les Précieuses ridicules de Molière, il lui tient des mots d'encouragement, à sa façon: « Il n'y en a qu'un seul qui puisse tenir ce rôle de valet et c'est toi. Tu as le physique, la diction épaisse, la charpente maigre du lièvre domestique, le regard bête et la compréhension lente du pays. Tu es l'idéal. Voici le texte, apprends-le rapidement. » Le père Legault ne s'était pas trompé. Le consul de France à Boston, Paul Chambon, dira que ce furent les meilleures comédies jouées au New England Mutual Hall. Le succès est également au rendez-vous lorsque Félix Leclerc publie Adagio, Allegro et Andante en 1943 et 1944. Le public est conquis par ces contes d'inspiration paysanne. Un an et demi après leur publication, Allegio et Allegro atteignent les 15 000 exemplaires tirés alors que Andante, tiré à 35 000 exemplaires, fracasse des records. Mais dans le milieu littéraire, la réception critique de la trilogie de Leclerc est plutôt froide. Certains font même preuve d'une certaine condescendance à l'égard de son œuvre, à l'image de Louis Jean (Le Quartier latin), qui affirme que « la littérature qui néglige l'art pour reproduire exactement la vie, qu'on la nomme réalisme, ou paysannerie, est vouée à une mort certaine ». Victor Barbeau, fondateur de la Société des écrivains canadiens, est encore plus cinglant: En 1945, la mère de Félix Leclerc, Fabiola, rend l'âme. En 1946, il s'installe à Vaudreuil (Montérégie) avec sa femme, Andrée, et leur fils, Martin, né le 13 juillet de l'année précédente. Ils découvrent la région lorsque les Compagnons de Saint-Laurent s'y installent temporairement. Les Leclerc décident alors d'y acheter une maison devant le lac des Deux Montagnes. Félix Leclerc y passe son temps entre écriture et travaux agricoles. Il se lie d'amitié avec son voisin, l'agriculteur Rosaire Vinet, avec qui il partage un amour de la terre et de la ferme. Ce décor s'avère bénéfique au processus créatif de Félix Leclerc, qui s'en inspirera pour composer certains de ses plus grands succès43: « Comme j’ai été heureux à Vaudreuil. […] J’y retrouvais la sérénité et les journées coulaient tranquilles. On aurait dit que le vent qui soufflait sur le lac des Deux Montagnes me donnait des ailes, m’inspirait des idées de création. C’est à Vaudreuil que j’ai commencé à écrire sérieusement… » C'est en effet à Vaudreuil que Félix Leclerc écrit certaines des chansons les plus connues de son répertoire: Le Train du Nord, Moi, mes souliers, Le Roi heureux, L'Hymne au printemps ou encore La mer n'est pas la mer. Toujours en 1946, il fait un séjour à l’île d’Orléans et y écrit un roman, Le Fou de l’île. Au même moment, on publie son roman autobiographique Pieds nus dans l’aube, qui connaît un vif succès. Toujours très actif au théâtre, Félix Leclerc monte sa pièce Maluron avec Les Compagnons de Saint-Laurent (1947), publie bon nombre de ses scénarios et fonde, en 1948, la compagnie théâtrale VLM (Vien, Leclerc, Mauffette) avec ses amis Yves Vien (son beau-frère) et Guy Mauffette46,47. Il fera alors le tour du Québec pour présenter ses pièces, notamment Le P’tit Bonheur, que VLM présente au centre des loisirs de Vaudreuil et à l’auditorium du collège Bourget de Rigaud18. En 1949, Félix Leclerc publie Dialogues d’homme et de bêtes, une série de treize contes d'abord écrits pour être lus à la radio18. Au Québec, on commence à apprécier Félix Leclerc, mais « à très petite dose, sans créer de remous ». La consécration en France En 1950, l’impresario parisien Jacques Canetti est de passage au Québec afin de recruter de nouveaux talents à exporter en France. Ce « tsar du show business français » a pris sous son aile de futurs géants de la chanson française : Jacques Brel, Georges Brassens, Fernand Raynaud, Catherine Sauvage, Jacqueline François, Juliette Gréco, Guy Béart ou encore Cora Vaucaire. À Montréal, Canetti entend, par l'entremise du fantaisiste montréalais Jacques Normand, un enregistrement de la chanson Le Train du Nord. Vivement impressionné, il fait enregistrer à Félix Leclerc une douzaine de chansons aux studios de la station radiophonique montréalaise CKVL. Il l'invite ensuite à chanter en France, où il s'engage à se produire pendant cinq semaines au théâtre l'ABC, une salle de music-hall parisienne de 2 000 places43. Félix Leclerc signe ensuite un contrat d'enregistrement de disques de cinq ans avec le label Polydor. Le père Émile Legault, des Compagnons de Saint-Laurent, exprime avec poésie le succès de Félix Leclerc en France: L'impresario parisien Jacques Canetti, à qui Félix Leclerc doit en grande partie sa consécration en France. En octobre 1950, son premier 78 tours est mis en marché. Le répertoire de Leclerc tourne en boucle dans les radios parisiennes et sa chanson Le P'tit Bonheur obtient une place de choix dans les palmarès. Le 23 décembre 1950, Félix Leclerc chante pour la première fois à l'ABC de Paris. Celui que l'on appelle désormais « le Canadien » provoque un véritable affolement dans la capitale française. Une semaine plus tard, l'iconique Maurice Chevalier a des mots similaires pour Leclerc, alors qu'il l'accueille fraternellement à un cabaret de Montmartre. Au microphone, il dit du chansonnier québécois qu'il « apporte un vent de fraîcheur provenant des rives de son fleuve Saint-Laurent » et qu'il est « l'un des plus grands poètes de notre époque ». D'autres figures de proue de la chanson française couvrent également d'éloges Leclerc, Charles Trenet déclarant publiquement qu'il est le premier chanteur, depuis plusieurs décennies, à apporter du neuf à ce genre musical56. L'immense Édith Piaf, qui assiste aux spectacles du chansonnier, lui écrit un petit billet personnel : « Vos chansons sont tellement belles que je ne pourrais pas y rendre justice en les interprétant » Alors que Félix Leclerc envisageait initialement de rester trois mois en France, il y passe finalement trois ans. À l'époque, on vient de tous les coins de l'Hexagone pour voir le chansonnier québécois fouler les planches des Trois Baudets, une salle de concert parisienne58. Guidé par Jacques Languirand, un jeune journaliste québécois, Félix Leclerc déambule dans les rues de Paris, abasourdi par ce succès inattendu. Accompagné de nouveaux amis, il découvre le marché aux puces de Saint-Ouen, l'église de la Madeleine et les Halles. Fasciné par le « pays de ses ancêtres », il fait également quelques excursions hors de la capitale et visite Versailles, Montfort-L'Amaury, Clermont-Ferrand, Chartres, La Malmaison ou encore Fontainebleau56. Le Latuquois n'oublie toutefois pas ses racines, écrivant à sa femme pour la rassurer et lui annoncer qu'elle devra bientôt débarquer à Paris avec leur fils, Martin, qui a presque six ans en 1951. Ces derniers finissent par le rejoindre en février60. Ils logent à l'hôtel Le Cristal, rue Saint-Benoît, tout près du Café de Flore60. Félix Leclerc fait découvrir la ville à sa petite famille. Il croise Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir au café des Deux Magots, dans le 6e arrondissement de Paris61. À l'époque, Leclerc étonne de par sa foi et contraste avec les milieux artistiques et intellectuels parisiens58. Malgré toute l'attention dont il est l'objet, notamment de la part de la gent féminine, Félix Leclerc vit de façon « presque monastique », s'abstenant notamment de tout alcool. En 1951, Félix Leclerc enregistre un premier album contenant notamment Moi, mes souliers, Le Train du Nord, Bozo et Le P'tit Bonheur, qu'il avait chantée pour la première fois en 1948, au Théâtre du Gésu à Montréal63. La même année, il fait un bref retour au Québec64. Son succès outre-Atlantique ne passe pas inaperçu : le maire de Montréal, Camilien Houde, l'invite à signer le livre d'or de la ville64. Il est également honoré par la Chambre de commerce de Montréal, lors d'une soirée en compagnie de Jacques Canetti, Maurice Chevalier, Juliette Huot, Patatchou et d'autres artistes64. Il profite également de ce bref retour parmi les siens pour fouler cinq soirs de suite les planches du Continental64. Félix Leclerc est de retour en France après quelques jours au pays. Il ne se contente pas de l'Hexagone, puisqu'il profite également de ce voyage outre-Atlantique pour faire des tournées en Suisse, en Italie et en Afrique du Nord. À Carthage, en Tunisie, il est accueilli comme un diplomate, alors que de hauts dignitaires l'attendent à la sortie de l'avion en costume traditionnel. Il se produit même devant Farouk, l'ancien roi d'Égypte, qui invite le couple Leclerc à une réception royale et dont on dit qu'il aurai pleuré en entendant Le Roi heureux. À Rome, il chante pendant dix jours au prestigieux Open Gate. Au Vatican, Pierre Dupuis, ambassadeur du Canada en Italie, présente Félix Leclerc au pape Pie XII lors d'une audience privée. Pour le pieux chansonnier, cette rencontre restera un grand souvenir : « Ce fut un moment inoubliable, cette rencontre avec le Pape. Nous pleurions comme des enfants. Plus envie de rire, mais un grand désir de s'agenouiller et de ne pas bouger pour au moins une heure ». Leclerc se présente au public accompagné uniquement de sa guitare, sans orchestre, une première en France. Il sera une source d'influence pour de grands noms de la chanson française comme Georges Brassens, Jacques Brel et Guy Béart. Jacques Brel est d'ailleurs très explicite à ce propos : « Croyez-le ou non, c’est l’audition du premier long jeu de Félix Leclerc qui m’a orienté vers la chanson définitivement. » Devenu ami de Raymond Devos, Leclerc partage avec lui un goût pour la langue française et le désir de défendre la création artistique de qualité. Félix Leclerc revient au Québec en 1953. Il est accueilli en grande pompe au Centre des loisirs de Vaudreuil, où il présentait quelques années plus tôt sa pièce Le P'tit Bonheur. Cinq cents personnes participent à cette soirée animée par Guy Mauffette, à qui Leclerc doit ses premiers succès à la radio, parmi lesquelles de nombreux artistes, notamment Raymond Lévesque, auteur quelques années plus tard de l'iconique hymne Quand les hommes vivront d'amour. Dans son discours d'ouverture, le chansonnier explique, modestement, que ce qu'il a réalisé en France « n'est pas sensationnel » et qu'il doit tout aux valeurs de sa mère, à ses proches et à son sens du travail : « Celui qui cultive son champ avec application, au cours des années, doit s'attendre le moment venu à une belle récolte. C'est ce que je vous souhaite de tout mon cœur »69. Dans Radiomonde, la journaliste Huguette Proulx souligne bien l'attachement que les Québécois peuvent porter à celui qui ne fut pourtant pas prophète en son pays: « Malgré notre fierté et notre joie d'apprendre le triomphe de notre compatriote en France, il faudrait trouver un moyen de faire savoir aux Français que nous voulons bien leur prêter notre Félix Leclerc, mais que nous l'apprécions trop, ici, pour le leur céder en permanence. Son fulgurant succès, en France et ailleurs dans le monde, surprend. Le chétif, dont on se moquait gentiment hier, vient de conquérir le monde, sans rien changer à son allure, à ses textes ou à sa parlure, comme il se plaît à le dire lui-même50. D’un coup, la chanson québécoise gagne ses lettres de noblesse. Dans son livre La Chanson québécoise des origines à nos jours (Éditions de l'Homme, 1974) , Benoît L'Herbier tente d'expliquer le contraste entre le succès de Leclerc en France et son relatif anonymat au Québec: Félix Leclerc continue à écrire, à Vaudreuil, entre deux tempêtes de neige durant lesquelles il se déplace en traîneau à chien. En 1954, il met sur papier quelques nouvelles chansons : Le Petit Ours, L'Agité, Comme Abraham ou encore Chanson du pharmacien. Il est à l'époque très courtisé par les publicitaires, qui veulent profiter de son rayonnement nouvellement acquis pour faire la promotion de leurs produits. À l'exception d'une offre de promotion d'une marque de parfum dans le magazine Jours de France (son biographe Marcel Brouillard et sa femme, Andrée Vien, ne se l'expliquent pas), Félix Leclerc reste loin de ces offres, aussi alléchantes soient-elles. Il en va de même pour les généreux cachets qu'on lui propose pour se produire dans de grandes salles : il préfère souvent les refuser pour se produire dans des lieux plus modestes, comme des écoles de campagne74. Leclerc est également sensible au sort de la relève. Toujours en 1954, il cède les droits de sa pièce Maluron aux Comédiens gavroches, une jeune troupe de théâtre. Ces derniers se produiront à Rigaud, Cartierville ou encore au théâtre de l'oratoire Saint-Joseph, dirigé par nulle autre que le père Émile Legault. En 1955, Félix Leclerc publie le livre Moi, mes souliers, préfacé par Jean Giono, où il raconte sa vie à Vaudreuil et sa consécration à Paris. Au printemps, Leclerc apprend que sa comédie Le P'tit Bonheur doit être jouée par la Compagnie des Faux Nez en Suisse, à Lausanne puis dans les régions avoisinantes. Il profite de cette occasion pour s'offrir un voyage dans les Alpes suisses au cours duquel il s'intéresse à la situation politique de ce pays où cohabitent de nombreux peuples distincts. En 1956, Félix Leclerc et son épouse, Andrée Vien, achètent une nouvelle maison à Vaudreuil située au 186, chemin de l'Anse. Cette maison, qui appartenait à un agriculteur du nom d'Émilien Denis, est entourée de bâtiments de ferme, dont une grange que Félix Leclerc surnommera « l'auberge des morts subites ». L'Auberge des morts subites sera le titre de l'une de ses pièces de théâtre43. Tous les matins, il s'installe à une table d'écriture qu'il a aménagé à l'étage de la maison43. Leclerc y poursuit son œuvre, écrivant notamment les textes de ses pièces Sonnez les matines et les Temples43. En 1957, Félix Leclerc accueille Jacques Canetti à Vaudreuil. Ce dernier, extenué par le travail, veut prendre du repos loin de Paris77. Leclerc l'initie en douceur aux travaux agricoles et lui fait découvrir quelques nouvelles chansons de son répertoire. Canetti apprécie tellement ces découvertes qu'il emmène le Latuquois enregistrer un microsillon à Montréal. Cet album, intitulé Le train du nord, gagnera le Grand Prix du disque 195877. Félix Leclerc habitera cette seconde maison à Vaudreuil jusqu'en 1967. Après leur divorce, en 1968, André Vien y restera quelque temps avec leur fils, Martin. Elle est vendue en 1973. Au cours de l’année 1958, Félix Leclerc conçoit avec le père Bernard de Brienne le projet de partir conjointement, l'année suivante, en grande tournée de concerts en Europe, notamment en France78. La même année, il remporte le grand prix de l’Académie Charles-Cros pour son deuxième album, Le Train du Nord18. En 1959, le réalisateur Claude Jutra, de l'Office national du film du Canada (ONF), réalise Félix Leclerc troubadour, un documentaire filmé chez le chansonnier, à Vaudreuil18. Félix Leclerc y discute avec la chanteuse Monique Leyrac et y interprète une partie de son répertoire. Félix Leclerc ne tarde pas à reprendre la route. En janvier 1959, il est au port de New-York pour une traversée de l'Atlantique qui doit le mener au Havre, en France80. Au même moment, le théâtre du Rideau vert reprend sa pièce Sonnez les matines80. Cette dernière essuie les critiques de certains journalistes qui accusent Leclerc de moralisme et de négation des «règles fondamentales d'écriture». Quelques années après son immense succès en France, Félix Leclerc a encore de la difficulté à digérer les sévères critiques de ses compatriotes québécois. La déception est d'autant plus grande qu'il accorde beaucoup d'importance à la dramaturgie, lui qui se considère plus comme un « homme qui chante » que comme un chanteur. Accompagné par sa femme et son fils Martin, Félix Leclerc enregistre de nouvelles chansons en France et accorde des entrevues aux médias. ll continue de déambuler à Paris, se recueillant notamment devant la tombe de Jean de La Fontaine, l'un de ses auteurs préférés, au cimetière du Père-Lachaise. Les Leclerc voyagent également en Bretagne, où ils ont l'occasion d'en apprendre plus sur les ancêtres qui ont pêché au large des côtes américaines quelques centaines d'années plus tôt. Même s'il est concentré sur la chanson, Félix Leclerc reste néanmoins toujours actif au théâtre. En 1963, il présente sa pièce L’Auberge des morts subites au théâtre du Gesù et à celui du Monument-National85. La pièce connaît un vif succès et 155 représentations sont données à travers tout le Québec. Au printemps 1964, à l'initiative de Jacques Canetti, Le p'tit bonheur est jouée aux Trois Baudets, à Paris . La même année, Félix Leclerc présente la pièce Le roi viendra demain à la télévision de Radio-Canada. Malgré le succès, il s'agit d'années assez difficiles dans sa vie personnelle, alors que son père meurt en 1965 et qu'il divorce de sa femme, Andrée Vien, en 1968. Cette année-là, il fait l'acquisition d'une terre sur l'île d'Orléans et sa nouvelle conjointe, Gaëtane Morin (1940-2018), qu'il connaît depuis 1966, donne naissance à une fille, Nathalie, à Boulogne-Billancourt (banlieue parisienne). Gaëtane Morin est à l'époque la secrétaire du sous-ministre Jacques Parizeau (Parti québécois)86. Elle est originaire de Montmorency (ancienne ville et quartier de Beauport). Toujours en 1968, Félix Leclerc fait paraître le livre Chansons pour tes yeux. En 1969, il est l'auteur de l’un de ses albums les plus populaires : J’inviterai l’enfance. Pendant quatre ans, entre 1968 et 1972, le chansonnier Latuquois retrouve la gloire en France, en Suisse et en Belgique88. Galvanisé par sa nouvelle vie sentimentale, il enchaîne les tournées dans la francophonie, présentant ses pièces de théâtre au quatre coins de l'Europe. Il revient parfois au Québec pour se produire parmi les siens, notamment au Palais Montcalm de Québec en 1969). Il retourne également au Québec pour régulariser sa situation conjugale: le 23 décembre 1969, Félix Leclerc épouse Gaétane Morin à Saint-Hyacinthe89. Le 13 août 1974, Félix Leclerc participe, avec Gilles Vigneault et Robert Charlebois, au spectacle de la Superfrancofête, sur les plaines d'Abraham à Québec, devant 150 000 spectateurs. En hommage à Raymond Lévesque, le trio interprète Quand les hommes vivront d'amour. Cette iconique prestation est immortalisée sur l’album J'ai vu le loup, le renard, le lion. La Superfrancofête contribue grandement à faire de Félix Leclerc une légende québécoise. L'événement, présenté devant des milliers de jeunes, témoigne également de la portée du chansonnier, qui rejoint un public de tous horizons94. À partir du milieu des années 1970, Félix Leclerc se fait de plus en plus rare et chacune de ses sorties publiques, en France comme au Québec, est vécue comme un événement94. Seule exception notable: une tournée en France en 1977. Il maintient tout de même le cap de l'engagement et, en 1976, il célèbre à Paris la victoire du Parti québécois (PQ) aux élections. Il monte alors sur scène en compagnie des chanteurs Raymond Lévesque et Pauline Julien. Quelques années plus tard, profondément attristé et déçu par l'échec du référendum de 1980, Félix Leclerc s'exprime sans détour : En 1981, Félix Leclerc fait une rare apparition à la télévision québécoise lorsqu'il accorde une entrevue à Denise Bombardier dans le cadre de l'émission Noir sur blanc. Pour sa contribution à la culture québécoise, il reçoit en 1982 le titre de docteur honoris causa de l'Université de Montréal. Leclerc crée en 1983 la Fondation Félix-Leclerc afin de promouvoir la culture francophone et encourager la composition et la création chez les jeunes auteurs-compositeurs-interprètes et les jeunes poètes francophones. Félix Leclerc meurt d'un arrêt cardiaque le 8 août 1988, sur l'île d'Orléans, où ses cendres sont dispersées. Une pierre tombale est érigée dans le cimetière de Saint-Pierre-de-l'Île-d'Orléans. Des admirateurs viennent parfois y déposer fleurs et souliers, un clin d'œil à la fameuse chanson du troubadour québécois. Le fonds d'archives de Félix Leclerc est conservé au centre d'archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec Wikipédia.

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