De “Compagne savoureuse et bonne” (magnifique chanson qui ouvre l’album), à “Vrai nous avons trop d’esprit”, en passant par “Chemise de femme”, “Es-tu brune ou blonde ?”, “Je ne suis plus de ces esprits philosophiques” (trois bijoux pops et discoïdes) ou “L’été ne fut pas adorable” (avec Mareva Galanter) , Bertrand Louis réussit la gageure de métamorphoser ces textes aux saccades parfois abruptes mais toujours haletantes, en romances contemporaines à la fluidité convaincante et envoûtante.
Pour paraphraser Verlaine, sans vent mauvais, voilà de quoi bercer les cœurs d’une langueur jamais monotone. Des chansons pour elle, pour tous. (Philippe Barbot)
01/ Compagne savoureuse et bonne (04:51)
02/ L'horrible nuit d'insomnie ! (02:36)
03/ Chemise de femme (03:19)
04/ L'été ne fut pas adorable (02:36)
05/ Es-tu brune ou blonde ? (03:41)
06/ La saison qui s'avance (02:30)
07/ Je ne suis plus de ces esprits philosophiques (03:13)
08/ Ton rire éclaire mon vieux cœur (02:46)
09/ Jusques aux pervers nonchaloirs de ces yeux noirs (02:15)
10/ Je suis plus pauvre que jamais (05:05)
11/ Vrai, nous avons trop d'esprit (02:25)
CD POÈTES & CHANSONS & Chansons de poètes
Voilà dix-sept ans, depuis la sortie de son premier album en 2001, que les chansons de Bertrand Louis accompagnent celles et ceux qui connaissent sa voix grave, musicale et tranchante. Après la poésie hyper contemporaine de Philippe Muray auquel le compositeur a consacré un disque en 2013 (Sans moi, primé par l’Académie Charles Cros), Bertrand Louis s’attaque à Baudelaire ! Avec un panache salutaire. D’une dizaine de chefs-d’œuvre extraits du recueil Les Fleurs du Mal paru en 1857, Bertrand Louis a fait des chansons d’aujourd’hui qui sortiront en septembre 2018 chez EPM Musique. « Ce projet n’a pas d’autre dessein que de remettre un peu d'essence dans le moteur baudelairien », explique le chanteur. Pari gagné. Haut la main. Car par-delà toute espérance, Bertrand fait des souffrances de Baudelaire une projection actuelle, d’un bleu azur métallisé. En grec ancien, « L’Héautontimorouménos », qui se niche au cœur du CD, signifie « bourreau de soi-même ». Tout un symbole puisque Bertrand Louis, dont la voix n’a jamais paru aussi profonde et généreuse, confronte avec éclat la légèreté d’une harpe (la lyre antique) aux grognements basiques du rock (basse, batterie, guitare électrique). Surgit alors de ce cocktail étonnant l'univers post-punk de Joy Division, de Bauhaus, des premiers Cure et de Nick Cave... Sans oublier l’ombre sensuelle du père Gainsbourg dans l’élégance qu’a Bertrand Louis de mordre les syllabes. Dans cet assaut plein de fièvre, « Élévation », sur les mots duquel Bertrand Louis surfe avec une grâce désinvolte, a tout du single radiophonique, hypnotique, obsédant. « À une passante » et « La Beauté » sont stupéfiantes. « Le chat » est sensuel et dangereux. Et « L’invitation au voyage », ce classique absolu, jouit ici d’une robe si légère qu’elle parvient à mettre en relief ses formes rondes et parfaites ! Avec cet album de rentrée, Bertrand Louis accomplit un véritable coup de maître qui l’inscrit tout de go parmi les grands interprètes du poète, mais dans une forme totalement originale et novatrice !
Baptiste Vignol