Bernard DIMEY / CE QU'ENSEMBLE ON A VU
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BERNARD DIMEY / COLLECTION NOS ENCHANTEURS
01. Rémo Gary & Michèle Bernard
« Ce qu’ensemble on a vu »
02. Guilam
« L’enfance »
03. Mélanie Dahan
« L’enfant maquillé »
04. Sébastien Guerrier
« L’école »
05. Jehan
« J’ai tout vu tout connu »
06. Yves Jamait
« La salle et la terrasse »
07. Valérie Mischler
« Frédo »
08. Cris Carol
« Si tu me payes un verre »
09. Jean-Michel Piton
« La Tamise »
10. Frasiak
« Ivrogne et pourquoi pas ? »
11. Nicolas Bacchus
« La Pierrette à Pigalle »
12. Claire Taïb
« Les diables sont partis »
13. Mon Côté Punk
« La crucifixion »
14. Francesca Solleville
« Les portes de la France »
15. Jehan
« Les chiens »
16. Cyril Mokaiesh
« J’aimerais tant savoir »
17. Valérie Mischler
« Barbara strip »
18. Moro & Sanseverino
« Du mal à se taire »
19. Les Grandes Gueules
« Un soir »
20. Dominique Dimey
« L’amour et la guerre »
21. Les Croquants
« Adieu pour un artiste »
« On est parti te porter tous en terre / Y’avait Michel et Robert et puis moi / Après bien sûr, on est v’nu boire un verre / Et comme de juste on a tous parlé de toi / On a dit tout c’qu’on savait sur ton compte / On a payé tes ardoises en retard ».* A-t-on tout dit sur Bernard Dimey, le connaît-on vraiment ? Champenois la première moitié de sa vie (natif de Haute-Marne, il fait l’École normale de Troyes et démissionne de son poste d’instituteur au bout d’une demi-journée), citoyen de la Butte le restant de ses jours (il dira être né place du Tertre à vingt-cinq ans), il en fut le dernier des chansonniers, de la trempe des Bruant, Couté, Rictus, Carco et Mac Orlan. Du cercle des poètes disparus, il est un des rares à pouvoir prétendre à une part d’éternité. Mieux encore, il ne cesse de grandir en nous, sans que forcément nous le sachions, prenant chaque fois le timbre d’autres voix. Même quand on oublie de le créditer, écoutez-bien, c’est du Dimey...
On sait que la poésie, quand elle se mue en chanson, qu’elle en épouse les formes, convole en de justes notes, se conserve mieux. Comme les bestioles dans le formol, les prunes ou les poires dans l’eau-de-vie. Mais, si nombre de chansons se sont estompées dans nos mémoires, celles de Bernard Dimey, non. À croire qu’elles sont d’une toute autre alchimie.
Dans les verres-éprouvettes du poète, dans ses vers aussi, il y a foule et faune de gens. Ça sent la vie, ça sent l’amour, même tarifé, ça sent l’ivresse des grands crus même quand tourne le vin, ça sent l’espoir et le désespoir, ça sent « Les grands oiseaux qui s’amusent / À glisser l’aile sous le vent. »** Ça sent le naturel, pas le traficoté pour faire joli ou pour flatter. Tout y est peint aux couleurs de l’humain, du sensible, de cette vie qui grouille.
À Montmartre ou à Mouffetard, il n’est pas rare de le voir, parfois sur une minuscule scène à les déclamer, plus souvent assis à une table, à écluser des pots et s’élancer dans de longues conversations tout en continuant d’écrire, avec une facilité déconcertante, sans jamais regarder courir son crayon sur le papier. Son commerce de chansons est complice de celui des limonadiers, lui le fournisseur de vers en gros et au détail. Le zinc et les tables de bistrots sont son bureau, ses copies tachées d’émotions, maculées de traces de pinard. « Si tu me payes un verre... » a-t-il écrit. On lui en paye, il s’en offre, d’autres trinqueront à son éternel souvenir.
Son premier et plus sûr repaire est à la taverne d’Attilio, Le Pichet du Tertre, plus un endroit de rencontres qu’un cabaret. Gentil et d’un foutu charisme, il y propose ses chansons à qui veut les musiquer, les chanter. On y monte s’approvisionner comme on va chercher sa came. On sait la raison sociale et l’adresse, qu’on se refile de confiance. Vers et verres s’échangent sur la table. Les clients ont pour nom Charles Aznavour, Patachou, Mouloudji, Jean-Claude Pascal, Juliette Gréco, Henri Salvador, Jean Ferrat, Philippe Clay, Bourvil, Jean Sablon, Michel Simon, Yves Montand, Colette Renard, Serge Reggiani, Michou, Raoul de Godewarsvelde, les Frères Jacques… Zizi Jeanmaire vient même y gagner quelques plumes. S’opère l’alchimie qui transforme certaines de ses pépites en succès (réservons le mot « tube » pour ce qui est creux).
Parolier des plus prolixes, il eût pu alimenter en abondance radios et télés, y apportant la qualité qui souvent fait défaut, quelles que soient l’époque et les modes. Ce qu’il fait, un peu. Syracuse, Mémère et Mon truc en plumes, c’est lui. De fameuses chansons, dont il boit les droits d’auteur, l’usufruit de la treille. Il les boit parfois à crédit, mais a la faculté d’écrire à une vitesse incroyable, plus vite que la musique, et passe des nuits à en faire naître.
Lui-même dit ses textes, notamment en 1969 à Bobino, en première partie de Georges Brassens. Et dans des cabarets où il a pris l’habitude de les réciter, élégante façon de les faire connaître.
Bernard Dimey n’est pas de ceux qu’on conjugue à l’imparfait. Comme avec Couté, comme avec Brassens, quand ils arrivent à se frayer un passage, les vers de Dimey restent en nous et chantonnent d’eux-mêmes. Et font sans cesse le bonheur de nouveaux interprètes, de ceux qui ont encore l’exigence autant que l’amour du verbe : ce présent album n’en est que partielle photographie. Chacun trouve facilement chaussure à son pied, texte à sa mesure, suffit d’aimer le beau.
On peut, chacun, avoir son Dimey. Celui de Syracuse, à qui toute compilation qui se respecte se doit de faire place d’honneur : c’est pour cette raison qu’il n’y est pas ici, ce disque voulant explorer d’autres facettes de son œuvre de diamantaire. Celui de Si tu me payes un verre, que d’aucuns attribueront à un chanteur réputé énervant, qui désormais ne se fait plus payer que des cafés. Celui de la sensualité, de l’érotisme, de l’effeuillage. Celui qui prend sa source dans les chansons populaires où la chanson, à la manière des gazettes, aime à se faire faits divers.
Le troisième prénom de Dimey n’est autre que Lucide. Rien que ça peut résumer Dimey même si, à son propos, d’autres termes viennent pareillement à notre esprit, tout aussi justes. Des tas de qualificatifs, de mots, des soyeux et des populaires, lui qui en produisait à profusion.
Trop de tout, bouffes somptueuses entre amis quand l’argent rentre, qu’il n’est pas bloqué à la Sacem par quelques créanciers peu enclins à faire rimer le quotidien, trois paquets de clopes par jour, peu de sommeil, Côtes du Rhône et Beaujolais pour compagnons et le Muscadet qu’on lèche à sept heures du matin, Bernard Dimey ne vit que d’excès, avec la satisfaction toutefois, jour après jour, d’avoir gagné chaque fois une bataille sur celle qu’il nomme La Vieille et qui l’emportera à pas tout à fait cinquante ans, au premier jour de juillet 1981.
Rebelle et tendre à la fois, cet ogre à barbe de prophète, imposante silhouette faite de culture, d’humour, de sensibilité et de pur talent, a certes brûlé sa vie par les deux bouts, mais laisse un répertoire sans cesse ravivé par de nouveaux interprètes. Ce troisième volume de la Collection NosEnchanteurs devrait le rassurer.