Catherine Sauvage
Catherine Sauvage Bien sûr, l'une des plus grands dames de la chanson française de la seconde moitié du XX e siècle. Une présence exceptionnelle et une diction d'une rare intelligence, au service d'un répertoire d'une magnifique exigence.
Sa contribution à la poésie chantée reste immense, puisqu'elle interpréta aussi bien Hugo que Mac Orlan, Prévert, Aragon, Soupault, Carco, Eluard, Desnos, Audiberti, Seghers, Baudelaire, Vian, Lorca, Brecht et bien d'autres... Sans oublier Ferré, dont elle sera la toute première interprète, ni Vigneault qu'elle aidera à faire découvrir en France.
Biographie
En 1940, la Seconde Guerre mondiale la pousse, elle et sa famille, jusqu'en zone non-occupée à Annecy. Charles Trenet lui donne le goût de la chanson, du théâtre amateur et de la scène. Un temps chanteuse et productrice à Radio Genève en 1947, elle s'installe à Paris à dix-huit ans pour suivre des cours d'art dramatique, et adopte le patronyme de Sauvage, emprunté à une amie d'enfance :
« J'ai fait mon apprentissage chez Jean-Louis Barrault avec Jean Vilar, Roger Blin, Marcel Marceau. [...] Le hasard de la vie m'a permis d'être présentée à Moyses, qui était le directeur du cabaret le Bœuf sur le toit. Je lui ai chanté quelques « trucs » comme ça, je lui ai dit deux ou trois poèmes. Résultat, Moyses m'a engagée dès le lendemain. J'avais un répertoire d'occasion avec notamment des chansons de Marianne Oswald. Je suis restée deux mois au Bœuf sur le toit, après, j'ai chanté au Quod-libet, une boîte au 3 rue du Pré-aux-Clercs. »
Elle se produit ensuite au cabaret L'Arlequin au 131 bis du boulevard Saint-Germain, puis à L'Écluse au 15 du quai des Grands-Augustins, dans le sixième arrondissement de Paris.
Catherine Sauvage travaille également à la radio. « Je ne me souviens plus comment on l'appelait à l'époque. Peut-être était-ce l'ORTF ? En tout cas, je me souviens fort bien de Jean Chouquet. C'était un instigateur. Il m'a mise en relation avec Raymond Queneau, Paul Gilson, Armand Lanoux. »
Elle rencontre Léo Ferré, dont beaucoup de chansons sont alors interdites de radio, et qu'elle contribue à faire connaître en les interprétant : elle enregistre Monsieur William et Paris canaille, qui est un grand succès commercial :
« En 1949, avec Léo Ferré, nous partagions la même scène au cabaret Aux Trois Mailletz au 56 rue Galande, dans le quartier latin... J'ai enregistré au moins cent de ses chansons. Nous avons eu des succès communs.... Il représente l'une des grandes rencontres de ma carrière, l'autre étant le pianiste accompagnateur Jacques Loussier, lui aussi je l'ai connu lorsqu'il démarrait dans le métier. Comme un bonheur n'arrive jamais seul, dit-on, Jacques Canetti est venu m'écouter un beau soir. Il était toujours à la recherche d'artistes pour la firme de disques dont il était le directeur artistique ainsi que pour les Trois Baudets qu'il avait créé. »
Jacques Canetti l'engage donc en 1953 et 1954 aux Trois Baudets. « J'ai donc fréquenté ce cabaret de la rue Coustou pendant deux ans. »
Après les Trois-Baudets en 1953, elle passe en vedette en 1954 à l'Olympia. Son interprétation de L'Homme de Léo Ferré lui vaut, la même année, un grand prix du disque décerné par l'académie Charles-Cros. En 1955, elle est encore à L'Olympia puis en 1960 à Bobino pour un long tour de chant.
En septembre 1960, elle signe le Manifeste des 121, titré « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ».
La vogue des yéyés l'éloigne un peu de la chanson, elle renoue avec le théâtre, joue dans L'Échange de Paul Claudel, Le Cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht, Frank V de Friedrich Dürrenmatt1.
Elle retrouve le succès, en 1968, à Bobino. Elle interprète alors aussi bien Léo Ferré, Louis Aragon que Gilles Vigneault, poète alors inconnu rencontré au Québec dont elle est la première à chanter les textes en France.
Son dernier grand succès populaire, Avec le temps de Léo Ferré, date de 1971.
Reconnue et appréciée à l'étranger elle porte la chanson française sur les scènes de Beyrouth, Mexico, Tokyo2. Elle fait quelques apparitions à la télévision dans des dramatiques, et au cinéma. En 1991, elle enregistre un album entièrement consacré à Jacques Prévert. Sa dernière apparition sur scène est pour les Francofolies de La Rochelle, en juillet 1994.
Après avoir vécu avec le comédien Pierre Brasseur jusqu'à la mort de celui-ci, elle se lie à Gérard Paris, qu'elle épouse en 1997.
Catherine Sauvage est l'une des 250 personnalités qui, constatant la montée en puissance du Front national, ont lancé « l'Appel des 250 » qui donne naissance au réseau Ras l'front, le réseau de lutte contre le fascisme.
Elle meurt des suites d'un cancer, le 19 mars 1998.
Art de Catherine Sauvage
Catherine Sauvage, dont la préférence allait à la poésie mise en musique, a chanté Louis Aragon, Jacques Audiberti, Charles Baudelaire, Bertolt Brecht, Francis Carco, Colette, Comminges, Robert Desnos, Paul Éluard, Maurice Fombeure, Pierre Frachet, Paul Gilson, Fritz Hoff, Maurice Jacquemont, Alfred Jarry, Lacenaire, Armand Lanoux, Federico García Lorca, Victor Hugo, Pierre MacOrlan, Marie Noël, J. Obe, Jacques Prévert, Raymond Queneau, Pierre Seghers, Philippe Soupault, Charles Trenet, Angèle Vannier, Gilles Vigneault.
Et tout à coup sa voix, comme un cadeau, chaque mot qui prend sens complet. Ces phrases qui vous font entrer dans un pays singulier, on n'est plus seul, on n'est plus avec les importuns. Il y en a pour une demi-heure. Ce qu'elle dit, tient, mais elle le chante ! C'est tout comme, c'est son choix. Ce choix d'intelligence et nous voici vraiment appelés dans un univers différent, où tout parle à l'âme même. Un pays, je vous dis, où tout, comme les mots, se détache avec cette perfection du dire et ce tact merveilleux de chanter (...). C'est que tout cela est langage de poètes, mais qui passe par une gorge de jour et d'ombre, le prisme de la voix se fait lumière et transparence. Avec qui voulez-vous parler ? Moi, je voulais parler de seize chansons choisies et d'une femme rencontrée avec ce nom déjà de souveraine, comme un beau masque de velours : Catherine Sauvage. (Aragon)
En 1997, à la sortie de son double CD Catherine Sauvage chante les poètes, elle déclare : « Je suis une amoureuse des mots, j'adore la musique. Au théâtre, je n'ai joué que les grands auteurs. Pour moi, cela participe à mon bonheur. Les chansons prennent de la valeur les unes confrontées aux autres. Comme dans la peinture, les rapports de couleurs existent. L'essentiel est de ne pas faire de fausses notes. »
Léo Ferré et Gilles Vigneault l'ont considérée comme leur meilleure interprète.
c'est elle qui chante mes chansons avec la plus grande conviction. Je la préfère à toutes les autres. Elle a enregistré près d'une centaine de mes chansons. (Léo Ferré)
« Il y a eu, parfois, des moments insolites. Ainsi, un jour, Mireille m'a téléphoné en me confiant qu'elle avait mis en musique un texte d'Alfred Jarry, « Les Trois Grenouilles ». Vous êtes la seule à pouvoir chanter cela ! Une autre fois, c'est Michel Emer qui m'a apporté un texte de Colette, Chanson du pied léger, estimant, lui aussi, que sans moi cette composition resterait dans les tiroirs. Quant aux œuvres de Maurice Fombeure, Variations pour une trompette de cavalerie et Prières pour dormir heureux, je les ai reçues en cadeau du poète lui-même. »
Exigeante dans le choix de ses textes, elle l'est aussi dans celui de ses musiciens : Michel Legrand, arrangeur de plusieurs de ses enregistrements, ou Jacques Loussier, rencontré à ses débuts, pour l'accompagner au piano. Elle a été accompagnée aussi après Oswald d'Andréa par Daniel Raquillet (décédé en 2012) puis par Didier Hu qui l'accompagne jusqu'à sa fin de carrière.
Chanteuse de scène, elle déploie sur scène une hargne raffinée, qui a fait dire à Georges Brassens (qu'elle a aussi interprété) « elle ne chante pas, elle mord ».
Sur scène, Catherine Sauvage d'une grande sobriété avait l'art du geste utilisé à bon escient. Dans sa manière de dire, de chanter, dans sa tenue vestimentaire, il n'y avait rien de superflu :
Avec le temps
Je préfère le théâtre au music-hall. À la Gaîté-Montparnasse, au Vieux-Colombier puis, en 1967, au Théâtre de l'Alliance française, qui abrita le Théâtre populaire de la chanson créé et animé par Jacques Douai, j'ai adopté la formule du récital. Le décor était signé Jean Saussac, les éclairages étaient confiés à Claude Régy. Je me sentais à l'aise dans cet environnement. Oswald d'Andréa, au piano, remplaçait Jacques Loussier. Je n'ai jamais eu de problème en ce qui concerne le choix et l'ordre de mes chansons. Un récital de trente-sept chansons a un côté très physique. Sur le moment, je ne ressens pas la fatigue. Tout mon trac se porte dans les pieds. Au bout d'un mois, c'est effectivement épuisant. On ne peut pas faire autre chose, sinon on risque la catastrophe. Dans une pièce, il y a des partenaires, des moments de repos. Tandis que, lorsque l'on chante, on n'a pas droit au trou de mémoire. Bien qu'étant interprète, on arrive un peu à se considérer comme l'auteur de son tour de chant. Cette espèce de mélange, de dosage ne relève-t-elle pas de la création ? Tout ce que je chante, je le prends en charge, que ce soit des révoltes ou des chansons d'amour. Je me sens totalement solidaire de mes auteurs. Donc, c'est un peu moi qui m'exprime à travers les auteurs.
Postérité
Une voie publique d'Annecy porte son nom, l'allée Catherine-Sauvage.
Discographie
Albums studio
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1954 : Catherine Sauvage chante ses premiers succès (Philips)
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1954 : Catherine Sauvage chante Léo Ferré (Philips)
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1956 : Ouvert la nuit (Philips)
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1961 : Catherine Sauvage chante Léo Ferré volume 1 (Philips)
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1961 : Catherine Sauvage chante Léo Ferré volume 2 (Philips)
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1961 : Catherine Sauvage chante Louis Aragon (Philips)
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1964 : Catherine Sauvage chante Kurt Weill (Philips)
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1964 : Chansons d'amour et de tendresse, chansons des amours déchirantes (Philips)
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1966 : Chansons françaises du Canada (Philips)
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1966 : Catherine Sauvage chante Léo Ferré (Philips)
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1969 : Le Miroir aux alouettes (Philips)
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1969 : Chansons libertines (Philips)
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1970 : Larguez les amarres (Philips)
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1971 : Avec le temps (Philips)
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1973 : J'ai tout vu, tout connu
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1992 : Colette : Dialogues de bêtes
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1992 : Démons et merveilles (Catherine Sauvage chante Prévert)
Albums en public
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1961 : Chansons de cœur... chansons de tête (Philips)
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1968 : Le Bonheur - Catherine Sauvage à Bobino 1968 (Philips)
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1979 : 25 ans de chansons de Léo Ferré - Volume 1 (Disques Jacques Canetti)
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1979 : 25 ans de chansons de Léo Ferré - Volume 2 (Disques Jacques Canetti)
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1983 : Récital à Tokyo (Le Chant du monde)
Sorties posthumes
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2005 : Catherine Sauvage à Bobino (EPM Musique)