Liste des produits et biographie de Freddie KEPPARD
FREDDIE KEPPARD
Pour un homme de sa stature et de sa renommée, Freddie Keppard, considéré comme un des grands musiciens originaires de La Nouvelle Orléans, n'a pas énormément enregistré. De lui, on connait une épreuve de Tack 'Em Down, gravée le 2 décembre 1918 à New York, avec le "Creole Jass Band" dirigé par Bill Johnson —une face qui ne fut pas commercialisée et que l'on n'a jamais retrouvée.En 1923, il y eut les deux faces avec Erskine Tate qui ouvrent ce recueil; trois titres (à paraître prochainement dans cette même collection) suivirent en 1926, par les "Freddie Keppard's Jazz Cardinals"; deux autres faces furent réalisées l'année suivante avec les "Jasper Taylor's State Street Boys"; enfin, en 1928, on croit déceler la présence du cornettiste dans trois gravures du chanteur Frankie "Half Pint" Jaxon… Heureusement, presque toutes les séances réalisées sous la direction de Charles "Doc" Cook pour Gennett, Okeh et Columbia de 1924 à 1928, le font mieux connaître comme musicien de section ou comme soliste. Une légende, tout aussi invérifiable que tenace, prétend que Freddie ne tenait guère à être enregistré, de peur que ses rivaux potentiels ne copient sa façon de jouer! La même légende raconte encore que lorqu'il se produisait en public, il mettait un mouchoir sur sa main, afin de dissimuler son jeu de pistons!… Quoi qu'il en soit, la classe de Freddie Keppard ne peut en aucun cas être mise en doute. Des chefs d'orchestre aussi pointilleux que Erskine Tate ou Doc Cook, issus du Musical College ou de l'American Conservatory de Chicago, maniaques de l'arrangement précis et de l'exécution impeccable demandant de bons lecteurs, n'eussent pas accueilli dans leurs rangs un bouseux débarquant de son Sud natal, avec un cornet sans étui, acheté d'occasion et enveloppé de papier journal!
Presque tous les enregistrements présentés dans ce premier volume ont été réalisés à Chicago, la deuxième capitale du jazz après La Nouvelle Orléans et avant New York. En 1920, la "Cité des Vents" comptait déjà plus de huit-cent-mille Noirs, avec un flux continu d'immigrants venus du Sud chercher du travail et de musiciens, bien entendu, partis de Louisiane après, entre autres évènements, la fermeture (dont il ne faut pas exagérer l'importance), en 1917, de Storyville. Les rues perpendiculaires, découpant des blocs, ont donné au blues de nombreux titres : Dearborn Street, State Street, Wabash Street, Calumet Street, 31st Street… Non loin du lac Michigan, ces rues abritaient nombre de théâtres et dancings (Vendome Theater, Pekin Theater, Club Metropole, Apex Club, Royal Gardens rebaptisé par la suite Lincoln Gardens, Sunset Café, Dreamland, Friar's Inn, Monogram, Plantation Café, Savoy Ballroom…), évoqués eux aussi dans de nombreux titres du répertoire. La plus grande ville de l'Illinois contenait tout un monde de plaisirs, de misère et d'insécurité, notamment après le vote de la loi sur la prohibition (Volstead Act) qui développa le gangstérisme. Animés des meilleurs intentions, sincèrement généreux, ne voulant que notre bien, des idéologues progressistes peuvent apporter un "mieux", mais aussi déclancher des calamités en voulant changer le monde sans trop lui demander son avis! A l'inverse, d'ignobles fripouilles ne pensant qu'à leurs intérêts, allant jusqu'à la destruction d'individus innocents, peuvent avoir —sans le vouloir!— un aspect positif. Ainsi, sans le honteux trafic d'esclaves noirs, sans les négriers, le jazz aurait-il pu naître? Restés en Afrique, les Noirs auraient continué à créer une musique certes passionnante, mais enfermée dans les limites du folklore. Il a fallu, en Amérique, le contact avec la culture musicale et les instruments d'orchestres des émigrés européens pour que, les inflexions vocales et les rythmes des uns s'alliant aux connaissances sophistiquées des autres, le jazz naisse… Et que penser des gangsters qui extorquaient, rackettaient, prostituaient, rendaient les gens aveugles avec de l'alcool frelaté, tuaient sans pitié en oubliant que la Saint-Valentin est, ailleurs, la fête des amoureux? En outre, ils contrôlaient d'une main de fer les circuits artistiques, les boîtes ("speakeasies"), soit directement, soit par l'intermédiaire d'hommes de paille, comme un peu plus tard à New York. Donc, la question se pose : sans eux, connaîtrions-nous tous ces jazzmen? En leur assurant une continuité dans le travail et des salaires décents dans leurs boîtes de nuit et leurs dancings, ils ont permis, tout simplement, à ces musiciens de vivre et de jouer —un musicien, ça joue, ça crée, mais ça doit aussi manger et dormir à l'abri, comme les autres individus!… Pensons aux heures sombres de la vie de Tommy Ladnier, Sidney Bechet, Meade Lux Lewis et bien d'autres… Ni paradoxe, ni cynisme, mais un constat.
Dans cette ville, donc, tout peut arriver. Même Erskine Tate. Né à Memphis (Tennessee) le 19 décembre 1895, il pratique plusieurs instruments, notamment le violon, suit des études musicales assez poussées (American Conservatory, ouvert aux Noirs) et devient chef d'orchestre dès la fin des années dix. Deux disques le sauvent d'un injuste oubli : l'un, en 1926, avec Louis Armstrong en vedette (Static Strut et Stomp Off, Let's Go, dont il existe deux prises), que nous avons jugé bon de faire figurer ici —bien que Keppard n'y joue point— afin de reproduire, tout simplement, l'intégrale d'Erskine Tate! L'autre galette, placée en tête de cette réédition, fut gravée trois ans plus tôt selon la technique de l'enregistrement acoutique, avec Keppard ainsi que le grand clarinettiste William "Buster" Bailey (encore un monsieur originaire de Memphis). Tate, qui joue là du banjo, a arrangé les deux morceaux à sa manière, qui évoque La Nouvelle Orléans, mais avec un style policé proche de la musique des Créoles comme Armand J. Piron. Dans la seconde face, Chinaman Blues, Freddie Keppard sort de l'anonymat avec des breaks, puis mène l'ensemble final avec compétence et autorité. Surprise! Ce disque, produit par la General Phonograph Corporation, est aussi paru en Europe fin 1923 ou début 1924. Du moins a-t-il été édité en Allemagne sous l'étiquette (rare!) "Lindström American Record". On peut se demander s'il y eut beaucoup de clients assez téméraires pour choisir ce disque au milieu de piles de Dajos Belà, de Marek Weber, de Bernard Etté ou même d'Eric Borchard, les chefs d'orchestre à la mode outre-Rhin en ce temps-là… Erskine Tate passa le reste de sa vie à Chicago, partageant son temps entre le jazz et la musique symphonique. Dans les années quarante, il abandonnera les concerts pour se consacrer à l'enseignement de la musique.
Né à La Nouvelle Orléans le 27 février 1890 selon les sources les plus récentes, Freddie Keppard apprend l'accordéon, la mandoline, le violon et, à partir de l'âge de seize ans, le cornet, instrument-roi que nombre de musiciens de la "Cité du Croissant" préfèreront longtemps à la trompette, lui trouvant une sonorité plus sensuelle. En cette première décennie du siècle, Keppard semble déjà posséder une double approche de l'instrument : l'une qui consiste à jouer pour la société aisée ("High Society"!) avec un son doux et une sonorité bien contrôlée, et l'autre qui l'autorise à jouer "dur", sauvagement, pour la clientèle plus populaire du "District". Il co-dirige avec le bassiste Bill Johnson l'"Original Creole Orchestra", la première formation, sans doute, à porter le message de La Nouvelle Orléans à Los Angelès dès 1912, puis à Chicago et à New York en 1913 et 1915. Tout-à-fait conscient de ses possibilités techniques et de sa culture musicale, Keppard a souvent tendance à se considérer comme le "Premier". Il possède une énorme personnalité, pique des colères homériques, boit comme un trou (on le surnomme "Whalemouth"!) et ne se fait pas que des amis!… Son côté "pro" l'aide à décrocher de bons engagements : quittant Erskine Tate fin 23, il n'a aucun mal à intégrer le grand orchestre de Doc Cook, qui enregistre chez Gennett à Richmond dès janvier 1924, et dont l'apport constitue l'essentiel de recueil.
Né à Louisville (Kentucky) le 3 septembre 1891, Charles "Doc" Cook (ou Cooke, selon de nouvelles sources, ou encore "Cookie") apprend l'orgue et le piano et, l'un des premiers, reçoit le diplôme de Docteur décerné par l'American Conservatory de Chicago. Sur certains disques de la maison Columbia figure la mention : ""Doc" Cook and his Fourteen Doctors of Syncopation". Cela n'est pas sans importance, car si Cook emploi des musiciens du Sud comme Keppard, Jimmie Noone (de La Nouvelle Orléans) ou George Mitchell (né à Louisville comme son chef) pour donner à sa musique un côté "racines du jazz", ses tendances, sa culture le poussent vers des orchestrations et des arrangements très proches de ce que faisaient les formations blanches. Dans certains morceaux (High Fever, Brown Sugar, Brainstorm, Slue Foot), son groupe sonne presque blanc. Du reste, ces titres sont l'œuvre de musiciens blancs, comme Harry Barris et, surtout, le pianiste Joe Sanders. Ce dernier faisait équipe avec le batteur Carlton Coon à la tête du "Coon-Sanders Original Nighthawks Orchestra", coqueluche des campus chicagoans arrivé en droite ligne de Kansas City quelques années auparavant. Ces oiseaux de nuit ont enregistré ces mêmes quatre thèmes à la même époque et la similitude des exécutions est frappante. Par ailleurs, les onomatopées "Vo-Do-De-O-Do", "Doo-Wacka-Doo" ou "Voo-Doo-De-O" donnent naissance à un style dont on ne parle pas dans les histoires du jazz, mais qui a bel et bien existé. C'était une façon de jouer "bouché", souvent à la limite de la caricature, largement répandue aux alentours de 1923-1927, et enregistré abondamment par des solistes blancs comme Jules Levy, Earl Oliver ou Mike Mosiello. Quelques Noirs, dont Thomas Morris, se sont aussi parfois laissés séduire, notamment dans des gravures de 1927 avec Fats Waller… Dans Moanful Man, Scissor Grinder Joe ou So, This Is Venice (rempli de réminiscences opératico-italiennes), en 1924, Freddie Keppard n'est, somme toute, pas très éloigné de ces musiciens style "kasher"! Les quatorze docteurs de la syncope, excellents musiciens de pupître capables de jouer de plusieurs instruments, se révèlent presque toujours inspirés. Mais une certaine adaptation est nécessaire : l'enregistrement acoustique de 1924 est parfois dur aux oreilles non averties, et puis, les arrangements peuvent paraître quelque peu ampoulés. D'ailleurs, en fait, ils le sont. Mais faites l'effort! Passez à travers. Et alors vous (re)découvrirez l'incomparable suavité de Jimmie Noone à la clarinette et, surtout, la puissance vitupérante de Freddie Keppard, grand défricheur au crépuscule d'une carrière bien pleine, éclatant en coups-de-gueule féroces sur Scissor Grinder Joe, The Memphis Maybe Man, Messin' Around, Here Comes The Hot Tamale Man, Spanish Mama et, bien-sûr, Moanful Man où, à l'égal d'un King Oliver, il arrive à donner le frisson et à swinguer comme on ne le fera qu'une dizaine d'années plus tard… Ce vieil ivrogne déchu, qui mourut en 1932 de la tuberculose et de bien d'autres choses encore, était-il un sentimental? Sûrement, mais il ne le savait peut-être pas. C'est ce qui, aujourd'hui, donne ce cachet uniquement réservé à ceux que l'on n'entendra plus. A ce que l'on n'entendra plus quand il n'y aura plus de disques.
Il y a encore des disques —peut-être plus pour très longtemps, qui sait?— et celui-ci, avec ses mélanges bizarres de clarinettes-basse, de bassons et de haubois, de jazz et de symphonie, de réminiscences à peine fortuites (Here Comes The Hot Tamale Man ressemble beaucoup à 'Tain't No Sin de Walter Donaldson, lequel, à son tour, n'a sûrement pas manqué d'inspirer, vers 1938, le sympathique chanteur Johnny Hess pour son Je suis Swing), devrait ravir tous ceux qui aiment à sentir le vent de l'histoire.
Freddie Keppard, de La Nouvelle Orléans, "Doc" Cook aux amours symphoniques… Deux musiciens qui n'auraient jamais dû se rencontrer et c'eût été dommage. L'Histoire, une fois de plus, s'est faite sans le secours des historiens et des réducteurs de vie. Et les grands orchestres du Savoy et du Cotton Club sont au prochain tournant.
Ivan Deputier
FREDDIE KEPPARD
For an Artist of his stature, Freddie Keppard, considered one of the greatest musicians New Orleans has produced, recorded very little.
We do know of a test recording of Tack 'Em Down, made on 2 December 1918 in New York with Bill Johnson's Creole Jass Band, a side never issued and apparently lost for ever. Then, in 1923, came the two sides with Erskine Tate that open the present volume; and in 1926 three cuts by Freddie Keppard's Jazz Cardinal that will appear in a future volume. Two further sides followed a year later, this time under Jasper Taylor's State Street Boys; and finally, in 1928, Keppard is supposedly present on three cuts by singer Frankie "Half Pint" Jaxon. Luckily, nearly all the sessions headed by Charles "Doc" Cook for Gennett, Okeh and Columbia between 1924 and 1928 present Keppard both as section man soloist.
Legend has it that Keppard deliberatly sought to refrain from recording his style would be copied by his rivals! A no less tenacious, but equally unverifiable, legend would have us believe the cornettist covered his hand with a handkerchief when playing in public so that his piston work could not be seen. Whatever the truth, the man's artistic qualities cannot be cast in doubt, for such notoriously exacting bandleaders as Erskine Tate and Doc Cook —both conservatory-trained— would never have accepted just any country-bumpkin beginner in their ranks.
Nearly all the recordings presented in this first volume were made in Chicago, in terms of time the second capital of jazz after New Orleans and before New York. By 1920, the so-called Windy City could already claim a population of over 800.000 Blacks, and was continuing to receive a constant flow of immigrants heading in from the South in search of work. With them, once Storyville had been closed down in 1917 (not such an important influence on events as is generally claimed), came the musicians.
Chicago's streets, running perpendicular to the avenues and hence slicing the city into blocks, have provided numerous theaters and dance-halls, among them the Vendome Theater, the Pekin Theater, the Club Metropole, the Apex Club, the Royal Gardens (later rechristened the Lincoln Theater), the Sunset Café, the Dreamland, Friar's Inn, the Monogram, the Plantation Café and the Savoy Ballroom.
Yes, this biggest of all Illinois cities was home to a whole host of pleasures. But they were pleasures that hid no little misery and insecurity, especially after the passing of the Volstead Act that introduced the prohibition of alcohol, hence unwittingly promoting gangsterism. Alas, although no doubt moved by the best of intentions, progressive ideologues, keen to improve the world without ever asking its opinion, can provoke calamity. Conversely, ignoble exploiters of humanity, blithely capable of destroying individuals in pursuit of their own selfish ends, can occasionally produce unintentional good.
Thus, we may ask, if it had not been for the shameful practice of slavery, would jazz have been born? Confined to Africa, the Blacks would no doubt still have created music, but within the limits of local folklore. In America, on the other hand, their exposure to the sophistication of Euroean music and instruments, allied to their own innate vocal and rhythmic talents, gave birth to jazz.
And what about the beneficial side-effects of gangsterism? Pimps, racketters and murderers, the mobsters exercised tight control over the entertainment business, either directly or through the intermediary of straw-bosses. So, without them, would jazz have been able to flourish as it did? Have no doubt, it was the gangsters who provided the jazzmen with work, and well-paid, reliable work at that. This is no hollow cynicism, just simple fact.
Certainly, the city of Chicago held sufficient lure to attract a young musician by the name of Erskine Tate. Born in Memphis, Tennessee, on 19 December 1895, Tate played a number of instruments, notably the violin, and was able to undertake advanced studies at the American Conservatory of Chicago, an institution not barred to Black. Before the century was beyond its teens, he was leading a band. Yet a mere two recording sessions must suffice to rescue him from otherwise total oblivion.
The second, and better-known, took place in 1926, with Louis Armstrong as star soloist. We have elected to include the resultant Static Strut and two takes of Stomp Off, Let's Go in the present volume despite the absence of Freddie Keppard, and this in the honourable aim of reuniting the entire recorded output of Erskine Tate (all five sides!) on one and the same disc.
The first Tate session, recorded by the acoustic technique, took place three years earlier, and provides the opening items of our collection. Here, Keppard it is who plays cornet, while that great Memphis-born clarinettist, William "Buster" Bailey, is also on hand. The leader, here on banjo, is responsible for both arrangements, New Orleans-inspired, but in a tight-knit, disciplined style reminiscent of Creole musicians such as Armand J. Piron. On the second title, Chinaman Blues, Freddie Keppard emerges from anonymity with a series of breaks, then leads the closing ensemble with due authority.
Surprisingly, these two sides, produced by the General Phonograph Corporation, also appeared in Europe, either in late 1923 or early 1924. At least, they were issued in Germany, on the extremely rare "Lindström American Record" label. One wonders how such a record must have fared against those by Dajos Belà, Marek Weber or Bernard Etté, the bandleaders then much in fashion across the Rhine! No matter : Erskine Tate quietly pursued his career in Chicago, dividing his time between jazz and symphony music. During the 'fourties he abandoned the concert circuit in favour of teaching.
Born in New Orleans on February 1890, Freddie Keppard first learned to play accordion, mandolin and violin, then at the age of sixteen turned his hand to cornet, at that time prefered to trumpet by most New Orleans players because of its warmer, more sensual sound. During these early years of the 20th century, keppard, it seems, adopted a deliberately double standard : the soft, gentle approach for high-society audiences, and the tough, hard-edged attack for the rough-and-tumble audiences of the "District". He co-led the Original Creole Orchestra with bassist Bill Johnson, no doubt the first outfit to carry the New Orleans message to Los Angeles in 1912, then on to Chicago and New York in 1913 and 1915.
Thoroughly aware of his technical and artistic prowess, Keppard had no hesitation in considering himself number-one. A domineering personality who had as many enemies as friends, he was renowned for his redoubtable temper, and his capacity for drink was such that he acquired the nickname "Whalemouth". But his professionalism meant he could always land good engagements, so that on leaving Erskine Tate in 1923 he was immediately snapped up by Doc Cook, whose big band recorded a series of sides for Gennett in January 1924. It is these and subsequent Doc Cook recordings that form the essential body of the album at hand.
Born in Louisville, Kentucky, on 3 September 1891, Charles "Doc" Cook (or, according to more recent sources, Cooke) learned organ and piano, and was one of the first to be awarded a doctorate at the American Conservatory of Chicago. Certain Columbia records were even marketed under the name "Doc Cook and his Fourteen Doctors of Syncopation". This is no insignificant detail, for even though Cook rooted his music in jazz by using Southern instrumentalists such as Freddie Keppard, Jimmie Noone and George Mitchell, his formal culture nudged him towards orchestrations very close to those of the top white bands of the day. Hence, on pieces such as High Fever, Brown Sugar, Brainstorm and Slue Foot, the orchestra sounds almost white.
Moreover, these titles are indeed the work of white composers, either Harry Barris or pianist Joe Sanders. The latter, together with drummer Carlton Coon, was co-leader of the Coon-Sanders Original Nigthawks Orchestra, one of the big favourites around Chicago campuses. These Nighthawks had recorded the same four titles at roughly the same time as Doc Cook, and similarity between them is striking. Moreover, the onomatopoeias "Vo-Do-De-O-Do", "Doo-Wacka-Doo" and "Voo-Doo-De-O" gave birth to a style never mentioned in jazz histories, but which certainly existed. Based on an exploitation of mutes bordering on caricature, the style was very popular during the period 1923-27 and was featured extensively on record by white soloists such as Jules Levy, Earl Oliver and Mike Mosiello. A few Blacks also fell for the fashion, perhaps most notably Thomas Morris on his 1927 recordings with Fats Waller.
And in 1924, on Moanful Man, Scissor-Grinder Joe and So, This is Venice (with its nods and winks in the direction of Italien opera), Freddie Keppard himself is not always so far removed from this "kosher" style! Alongside him, these "doctors of syncopation", all excellent section men and versatile multi-instrumentalists, prove themselves rarely less than inspired. True, one's ears need to adapt both to the thin, dry sound of acoustic recordings and to the somewhat turgit arrangements. But the effort is well worth while : tucked away in there, in addition to the bitingly powerful cornet of Freddie Keppard, is the velvet-smooth clarinet of Jimmie Noone.
By now Keppard was approaching the twilight of a short, eventful career, but he turns in some typically ferocious cornet on Scissor Grinder Joe, The Memphis Maybe Man, Spanish Mama and, of course, Moanful Man. On this last piece, not only does he stir up the emotional shivers every bit as much as King Oliver, but he also succeeds in generating a degree of swing uncommon until a decade later.
Was this degenerate drunkard, who died in 1932 of tuberculosis and numerous other ailments, at heart a sentimental character? Surely so, although this was something he perhaps never realised. Which can only heighten that special feeling we experience when listening to a great artist no longer with us.
A disc such as this —with its bizarre mixture of bass-clarinets, bassoons and oboes; of jazz and symphony; and of hardly chance encounters (Here Comes That Tamale Man bears more than a passing resemblance to Walter Donaldson's 'Tain't No Sin, which in turn surely inspired singer Johnny Hess's 1938 Je Suis Swing)— should delight all those who love to feel the wind of history.
Freddie Keppard, a New Orleans jazzman, and Doc Cook, an aspiring symphony man, should, in all logic, never have met. Which would have been an enormous pity. But, fortunately, history has once again taken care of things without the help of historians. And the big bands of the Savoy and the Cotton Club are just around the corner.
Adapted from the French Less