Liste des produits et biographie de Big Bill BROONZY

Big Bill BROONZY
chanteur de blues américain
BIG BILL BROONZY Longtemps, et peut-être même pour toujours, le nom de Big Bill Broonzy sera synonyme de blues auprès d'une grande partie du public, comme celui de Louis Armstrong est synonyme de jazz. Broonzy fut en effet le premier ambassadeur afro-américain de cette musique populaire traditionnelle. Il parcourut le monde entier, laissa une empreinte indélébile partout où il passa et séjourna. Et c'est sur le vieux continent, en Belgique, qu'il y déposera ses mémoires, en fait la mémoire de tout un peuple. C'est Big Bill qui nous a fait comprendre le blues. Avant lui, pour beaucoup, le blues n'était qu'une forme musicale archaïque qui avait servi de base à la création du jazz ; après lui, c'est du rock qu'il constituait les racines ! curieuses interprétations de l'Histoire fondées sur l'ignorance. Avec lui, le blues avait son existence propre. William Lee Conley Broonzy est né probablement le 26 juin 1893 à Scott, petit village du Mississippi (bien que sa sœur jumelle Lannie penche pour 1898). Il est l'un des vingt-et-un enfants (dont dix-sept survivront) d'une famille de métayers issus de l'esclavage. Installé avec sa famille à Pine Bluff (Arkansas), le petit Bill travaille à la ferme dès l'âge de 7 ans mais tente rapidement de s'en éloigner en prêtant une oreille attentive aux airs joués au banjo par le duo formé par son oncle Jerry Belcher et un certain Stonewall Jackson (c'est d'eux qu'il entendra les antiques blues/ballades Joe Turner Blues, Keep On Drinking ou C.C. Rider dont il se souviendra un demi siècle plus tard). Sur les conseils de cet oncle, Bill se fabrique un violon avec une boîte de cigares et, vers 10 ans, fait grincer les cordes de l'instrument de fortune à l'église locale. Durant les années 1907-1912, le jeune Broonzy joue le country fiddler dans les fêtes et pique-niques du coin puis, entre 1912 et 1917, s'essaie, en compagnie du guitariste Louis Carter, dans le rôle de preacher itinérant. Marié en 1916, Big Bill travaille dans les mines de charbon et sur les chantiers d'installation de lignes de chemin de fer pour gagner sa croûte avant d'être incorporé dans l'armée en 1918. Démobilisé l'année suivante, il reprend son violon et joue à Little Rock (Arkansas). En 1920, il décide de monter à Chicago et prend un emploi à la compagnie Pullman. Traînant dans les tavernes locales, il rencontre en 1924 le chanteur-banjoiste Papa Charlie Jackson, l'une des premières vedettes noires du disque, qui l'incite à travailler la guitare. Après quelques années d'apprentissage, une rencontre avec le producteur Mayo Williams et quelques essais infructueux en studio en 1926, Big Bill grave ses deux premiers disques pour Paramount en 1927/28 en duo avec le guitariste John Thomas. Même si les retombées de ces disques sont faibles, le nom de Big Bill commence à circuler dans le milieu. Ses compétences musicales doivent être suffisamment reconnues et appréciées pour qu'il soit, à partir de 1930, abondamment sollicité dans les studios pour accompagner Georgia Tom, Frank Braswell, Hanna May/Jane Lucas, Bill Williams, pour faire partie des Famous Hokum Boys, des Hokum Boys, des Harum Scarums... et pour enregistrer en soliste sous les noms de Sammy Sampson (pour Perfect et Banner), Big Bill Johnson (pour Gennett et Champion) et Big Bill Broomsley (pour Paramount), participant entre avril 1930 et mai 1931 à la bagatelle de treize longues séances d'enregistrement à New York, Richmond (Indiana) et Grafton (Wisconsin). Cette activité débordante ne lui permet pourtant pas d'assurer sa subsistance — les cachets sont squelettiques et les musiciens sont toujours roulés au niveau des droits — et Big Bill doit travailler comme livreur dans une épicerie et arrondir ses fins de mois en courant les rent parties. Si, proportionnellement, sa présence dans les studios est plus faible en 1932, les quatre séances auxquelles il participe lui sont entièrement consacrées. Elles enrichissent le marché de disques Champion signés Big Bill Johnson, et de galettes Banner éditées sous le seul nom de Big Bill. Mais la Dépression bat son plein, les enregistrements se raréfient et Big Bill obtient un emploi à la Work Progress Administration (WPA) instituée par Roosevelt. Ce qui ne l'empêche pas d'apparaître sur les scènes des clubs de Chicago, Regal Theater, Savoy Theater, Indiana Theater, Morson Hotel, Ruby Gatewood's Tavern dont il sera l'un des pensionnaires réguliers jusqu'en 1943, Johnson's Tavern, etc. En 1933, le pianiste Black Bob devient, pour quatre années, son accompagnateur régulier tant sur scène que sur disque car, à partir de juin 1934, Bill retourne dans les studios après avoir rencontré le producteur Lester Melrose. Il enregistre pour Banner mais, surtout, commence à fréquenter les studios de la compagnie Victor qui vient de lancer son label de race records Bluebird, et ceux de OKeh/Vocalion. Il y grave une série de titres pour son propre compte et accompagne des bluesmen renommés comme Bumble Bee Slim, Teddy Edwards, Cripple Clarence Lofton, Red Nelson... ainsi que les débuts de Jazz Gillum et de Washboard Sam. Il fait également partie des State Street Boys et des Hokum Boys nouvelle version. Dès lors, Broonzy ne semble plus quitter les studios. En 1936/37 en particulier, ses participations aux enregistrements de disques sont innombrables. Aux artistes précédemment cités s'ajoutent Lil Johnson, Casey Bill, Merline Johnson (la Yas Yas Girl), etc. tandis que les disques sous le nom de Big Bill sont désormais exclusivement produits par ARC. On l'entend également au sein des Midnight Ramblers et des Chicago Black Swans, petites formations de studio de blues/jive plus ou moins inspirées des Harlem Hamfats. Après un intermède assuré par Leeford Robinson, c'est le Joshua Altheimer, le meilleur de tous les pianistes de blues d'après Big Bill, qui à partir d'août 1937, devient son pianiste régulier. Il le restera jusqu'à sa mort en novembre 1940, laissant parfois sa place en studio au très compétent musicien-maison Blind John Davis. À partir de 1938, les disques de Big Bill paraissent sous étiquette Vocalion tandis que le guitariste est fréquemment sollicité par Bluebird pour accompagner les grandes vedettes du blues de l'époque. Il figure en particulier sur tous les disques de Washboard Sam et de Jazz Gillum (1) et apparaît aux côtés de Sonny Boy Williamson en 1939. Toujours suivant la vogue des petits orchestres swinguants, Big Bill étoffe ses formations de studios en ajoutant au piano et à la contrebasse un ou deux instruments à vent (trompette et sax/clarinette) voire une guitare électrique (tenue par le pionnier George Barnes avant que lui-même n'amplifie son instrument) puis un batteur. Les disques qui en résultent sont publiés sous le nom de Big Bill & His Memphis Five, sans doute pour concurrencer (et il n'a pas de mal) les Chicago Five de son grand rival et ami Tampa Red. Survient alors un évènement dont la portée historique s'appréciera avec le temps : Broonzy est convoqué par le producteur John Hammond pour participer au grand concert "From Spirituals to Swing" sur la scène du Carnegie Hall de New York le 23 décembre 1938. (Il remplace in extremis le chanteur-guitariste Robert Johnson qui vient de mourir brutalement). Pour la première fois, les aspects vocaux afro-américains traditionnels sont largement présentés à un public blanc (et c'est aussi bien sûr la première fois que Big Bill se retrouve face à un tel auditoire). Les retombées sont appréciables : introduit dans les milieux avancés et intellectuels new yorkais, le bluesman est engagé au Café Society Downtown où se produisent les meilleurs artistes et musiciens de jazz du moment, il apparaît dans deux courts-métrages, "Swingin' The Dream" (en 1939) et "Big Bill Broonzy" (vers 1942), se produit au Town Hall en 1940 et à plusieurs reprises au Village Vanguard entre 40 et 45. Cette ouverture vers un autre public (qui se concrétisera une douzaine d'années plus tard) n'empêche pas Bill de poursuivre sa carrière en direction de sa communauté et nombreux encore seront les disques réalisés à Chicago tant sous son nom propre qu'avec ses habituels compagnons auxquels s'ajoutent Roosevelt Scott, Jean Brady, Doctor Clayton, Kansas Katie, St. Louis Jimmy et surtout Lil Green. Présent, en mai 1940, lors de la toute première séance de la chanteuse qui obtient un triomphe avec Romance In The Dark sur laquelle sa partie de guitare est de toute beauté (2), Big Bill Broonzy devient membre régulier du trio que Lil va faire tourner dans tout le pays, des meilleures scènes de Detroit et de Chicago jusqu'aux théatres du Sud profond. Il en profite pour assurer des prestations aux Texas (3) ainsi qu'au Million Dollar Theater de Los Angeles. Lorsqu'il est à Chicago, le grand Bill ne manque jamais de se montrer sur les scènes avec un nouveau partenaire, le pianiste Memphis Slim. "Moi et Memphis Slim devînmes bons amis et je l'aimais beaucoup (...) Nous avons joué ensemble dans des tas d'endroits différents, tels que le 1410 Club, le Ruby Tavern, le Town Hall de New York, le Regal Theatre, le Bee Hive de Chicago, etc. (...) La première fois que j'ai dit à Memphis Slim qu'il jouait comme Roosevelt Sykes, il se fâcha, mais lorsqu'il se rendit compte de ce qu'il en était exactement, il changea et se mit à jouer comme Memphis Slim lui-même. Lorsque nous jouions ensemble, les gens disaient que nous étions des frères.(4) Or voici que survient la grève des enregistrements, le Petrillo Ban, tandis que les États-Unis s'apprêtent à entrer dans le conflit mondial. À partir de là, plus rien ne sera comme avant. Omniprésent sur la scène du blues à Chicago, talent-scout au jugement apprécié par Melrose, chaleureux et amical avec tous les bluesmen débarquant à Chicago (de Jazz Gillum et Washboard Sam son présumé demi-frère, à Muddy Waters dont il parrainera les débuts, en passant par Tommy McClennan et Arthur Crudup), et instrumentiste versatile et accompli, Big Bill n'avait eu aucun mal à s'adapter à tous les courants de la musique populaire noire depuis ses débuts : "À cette époque, je n'étais qu'un violoneux. Je jouai des scottishes, des glissés, des valses..."(5). Il était passé de la guitare ragtime sous l'influence de Charlie Jackson et de Blind Blake au genre léger hokum, puis avait donné du corps à son jeu en suivant de près les parties de guitare de Lonnie Johnson, de Tampa Red et de Scrapper Blackwell. Jouant un blues très urbain, il était peu marqué par le blues rude du Delta ou de l'Arkansas dont il était pourtant originaire. Par contre son chant conservait un côté country et le contenu de ses textes évoquait, à l'aide d'images puissantes, les préoccupations d'une communauté encore fortement ancrée dans ses origines rurales. Mais lorsqu'une nouvelle forme de blues, plus enracinée et directement issue du Sud profond, va s'implanter à grand renfort de guitares électriques au son saturé, Big Bill ne va, pas plus que la quasi-totalité de ses confrères d'avant-guerre, entrer dans le mouvement. Sa gloire est derrière lui, il n'a plus la jeunesse... Début 1945, la Columbia (propriétaire des labels OKeh et Vocalion) lui renouvelle pourtant sa confiance et, un peu plus tard, Victor/Bluebird le convoque à nouveau pour enrichir de sa partie de guitare électrique les nouveaux enregistrements de Jazz Gillum, Washboard Sam, Sonny Boy Williamson et du futur Sunnyland Slim. Toujours sous le simple sobriquet de Big Bill, il grave des faces d'excellente facture en compagnie du pianiste Big Maceo, le partenaire habituel de Tampa Red. "Lorsque Tampa Red nous présenta l'un à l'autre, Big Maceo m'appela immédiatement "Big Boy" et nous devînmes comme des frères (...) Moi et Big Maceo avons donc tout naturellement envisagé de nous associer. Il était en principe d'accord et j'allais en parler à mon patron, Monsieur Gatewood (...) Le premier soir, Big Maceo fit crouler la salle et je n'eus à chanter qu'une ou deux chansons (...) En 1945, nous avons enregistré des disques ensemble pour Columbia — cf. CD 1-5 — et ils furent tous réussis."(4) Ces pièces sont d'ailleurs très proches de l'esprit du duo Red/Maceo. Et Big Bill raconte dans son livre comment cela fonctionnait : "Il était plus calé que moi en musique, mais moi j'en savais plus long que lui en ce qui concerne le vrai blues. Les discussions éclataient lorsqu'il me disait de jouer l'accord correct. Je lui répondais que ça ne me paraissait pas correct du tout. Je lui fredonnais ma chanson. — Tu chantes bien, disait-il, mais l'accord que tu joues est faux. Ce ne sont d'ailleurs pas des accords, c'est simplement du son que tu émets là." Et, après une longue discussion : "Il jouait l'accord au piano et me disait de le trouver. Je montais et descendais le long du manche de la guitare jusqu'à ce que je trouve l'accord identique à celui qu'il m'avait fait entendre."(4) À la même époque, alors qu'il se produit, entre autres, à l'Apollo de Harlem, Big Bill grave, dissimulé sous le surnom de Little Sam, quatre faces pour la petite marque Hub avec le quartette du grand saxophoniste Don Byas. À Chicago on peut l'entendre vers 1945/46 au Hollywood RendezVous, au Purple Cat, à l'Harmonie Hotel, souvent avec Maceo, au 708 Club (vers 47/48), à la Gatewood's Tavern (vers 48/49), au Sylvio's (vers 48/50) avec le bassiste Big Crawford... tandis qu'il réalise plusieurs séances avec un petit orchestre rhythm and blues/jazz — celui de Roosevelt Sykes à peu de choses près. Bien que très bonne qualité, ces disques, qui renvoient à une période désormais révolue, marquent la fin de la longue collaboration entre Big Bill et les compagnies Victor et Columbia. Mais le bluesman sait rebondir. Avec l'esprit d'à-propos, la disponibilité et l'intelligence qui le caractérisent, Broonzy a pris soin de conserver des relations avec le milieu new yorkais. Il fréquente Sonny Terry, les frères McGhee, Leadbelly, Pete Seeger... et ne manque pas d'apparaître au Town Hall en 1946 pour un "Blues at Midnight Concert" et en 1947 pour un "Music at Midnight Concert". En 1949, il grave (pour la première fois sous son nom Big Bill Broonzy en entier !) deux séries de disques pour Mercury qui, assez judicieusement, ne met pas tous ses 78 tours dans le même panier : quatre faces en quartette prolongent le genre R&B, quatre autres, à la guitare acoustique et avec le seul soutien du batteur Alfred Wallace, préfigurent ses futurs enregistrements folk blues. Comme quoi, contrairement à ce que certaines mauvaises langues ont affirmé, Big Bill n'a pas attendu de monter dans l'avion pour l'Europe pour se reconvertir en "vieux bluesman campagnard" et se constituer en vitesse un répertoire de vieux songs nostalgiques du Sud. D'ailleurs Mindin' My Own Business et Keep Your Hands Off Her seront enregistrés à plusieurs reprises durant ses abondantes séances en solo des années 50. À la même époque, Broonzy joue avec la chanteuse-pianiste Georgia White au Bee Hive.(6) "J'ai joué avec Georgia White dans une boîte de nuit à Chicago en 1949 et un petit peu en 1950. Je n'ai jamais fait aucun enregistrement avec elle (...) Georgia White fut ma pianiste habituelle durant un certain temps, lorsque j'avais un petit groupement qui s'appelait le Laughing Trio. Elle nous racontait toujours des histoires drôles avant que nous ne commencions à jouer. Alfred Wallace était notre batteur (...) Il savait aussi chanter le blues, mais seulement le blues de la grande ville."(4) Mais les temps sont devenus difficiles et le grand Bill obtient, en 1950/51, un poste de concierge à l'Iowa State College de Ames (Indiana). Il en profite pour apprendre à lire et à écrire ! Bien lui en a pris lorsqu'on sait que, grâce à cet apprentissage tardif, Big Bill commencera, quelques années plus tard avec l'aide de Yannick Bruynoghe, à rédiger des souvenirs qui deviendront le magnifique livre "Big Bill Blues". Et puis tout s'accélère : quelques concerts au Blue Note de Chicago, un passage à la télé, des prestations au Miss King's, au Du Drop Lounge... et Big Bill prend pour la première fois l'avion direction le Vieux Continent. Il séjourne en Europe de juillet à octobre 1951, grave des disques à Paris, Londres, Düsseldorff, regagne brièvement Chicago avant de s'envoler une seconde fois avec Blind John Davis avec qui il se produira, entre autres, à la Salle Pleyel en 1952. Une carrière mondiale commence... Ainsi, devant des auditoires curieux, surpris, ébahis et conquis, Big Bill Broonzy va, jusqu'à une opération de la gorge qui le laissera quasiment aphone en 1957, se forger et soigneusement entretenir une image de "dernier chanteur de blues vivant" à travers l'Europe, l'Amérique du Sud, l'Afrique et l'Australie, tandis que dans l'ignorance générale des centaines et des centaines de bluesmen continuent, soir après soir, à animer les estrades branlantes de tous les bouis-bouis des ghettos américains. Cette image médiatique, alimentée par de nombreux disques qui anticipent le blues revival, à permis au nom de Big Bill Broonzy de briller à jamais au firmament des étoiles noires américaines qui ont arpenté ou se sont fixées sur la Vieux Continent, comme Sidney Bechet et après lui Memphis Slim, second ambassadeur du blues. Lorsque Big Bill s'éteind à Chicago le 15 août 1958, le blues ne meurt pas avec lui. Il est même particulièrement bien représenté par toute la communauté de la Windy City qui accompagne en sa dernière demeure l'un des plus grands bluesmen de l'Histoire. Big Bill Broonzy aura été le précurseur de tout le rayonnement qu'obtiendra le blues en Europe à partir des années 60 et aura suscité l'intérêt de nombreux amateurs de jazz jusque là ignorants de ce courant majeur de l'art musical noir. Mais soyons juste, certains, parmi lesquels nos collaborateurs et amis Jacques Demêtre et Jacques Morgantini n'ont pas attendu que Big Bill débarque en Europe. Ils avaient déjà tous ses disques, achetés comme bien d'autres, en Angleterre ou aux États-Unis dès la fin de la guerre. Et c'est grâce à eux que nous pouvons vous proposer la présente sélection. C'est grâce à eux et à quelques autres collectionneurs amoureux de cette musique que notre Blues Collection atteind maintenant les quarante volumes. Elle avait timidement démarré il y a près de dix ans avec un premier... Big Bill Broonzy comprenant des faces des années 30. Entre sa carrière d'avant-guerre tournée uniquement vers la clientèle noire et celle des années 50 que tous les amateurs du monde entier connaissent, il restait une période intermédiaire méconnue et fort intéressante. C'est celle-ci que nous avons choisi d'illustrer ici. Jean Buzelin Big Bill Broonzy Longtemps, et peut-être même pour toujours, le nom de Big Bill Broonzy sera synonyme de blues auprès d'une grande partie du public, comme celui de Louis Armstrong est synonyme de jazz. Broonzy fut en effet le premier ambassadeur afro-américain de cette musique populaire traditionnelle. Il parcourut le monde entier, laissa une empreinte indélébile partout où il passa et séjourna. Et c'est sur le vieux continent, en Belgique, qu'il y déposera ses mémoires, en fait la mémoire de tout un peuple. C'est Big Bill qui nous a fait comprendre le blues. Avant lui, pour beaucoup, le blues n'était qu'une forme musicale archaïque qui avait servi de base à la création du jazz ; après lui, c'est du rock qu'il constituait les racines ! curieuses interprétations de l'Histoire fondées sur l'ignorance. Avec lui, le blues avait son existence propre. William Lee Conley Broonzy est né probablement le 26 juin 1893 à Scott, petit village du Mississippi (bien que sa sœur jumelle Lannie penche pour 1898). Il est l'un des vingt-et-un enfants (dont dix-sept survivront) d'une famille de métayers issus de l'esclavage. Installé avec sa famille à Pine Bluff (Arkansas), le petit Bill travaille à la ferme dès l'âge de 7 ans mais tente rapidement de s'en éloigner en prêtant une oreille attentive aux airs joués au banjo par le duo formé par son oncle Jerry Belcher et un certain Stonewall Jackson (c'est d'eux qu'il entendra les antiques blues/ballades Joe Turner Blues, Keep On Drinking ou C.C. Rider dont il se souviendra un demi siècle plus tard). Sur les conseils de cet oncle, Bill se fabrique un violon avec une boîte de cigares et, vers 10 ans, fait grincer les cordes de l'instrument de fortune à l'église locale. Durant les années 1907-1912, le jeune Broonzy joue le country fiddler dans les fêtes et pique-niques du coin puis, entre 1912 et 1917, s'essaie, en compagnie du guitariste Louis Carter, dans le rôle de preacher itinérant. Marié en 1916, Big Bill travaille dans les mines de charbon et sur les chantiers d'installation de lignes de chemin de fer pour gagner sa croûte avant d'être incorporé dans l'armée en 1918. Démobilisé l'année suivante, il reprend son violon et joue à Little Rock (Arkansas). En 1920, il décide de monter à Chicago et prend un emploi à la compagnie Pullman. Traînant dans les tavernes locales, il rencontre en 1924 le chanteur-banjoiste Papa Charlie Jackson, l'une des premières vedettes noires du disque, qui l'incite à travailler la guitare. Après quelques années d'apprentissage, une rencontre avec le producteur Mayo Williams et quelques essais infructueux en studio en 1926, Big Bill grave ses deux premiers disques pour Paramount en 1927/28 en duo avec le guitariste John Thomas. Même si les retombées de ces disques sont faibles, le nom de Big Bill commence à circuler dans le milieu. Ses compétences musicales doivent être suffisamment reconnues et appréciées pour qu'il soit, à partir de 1930, abondamment sollicité dans les studios pour accompagner Georgia Tom, Frank Braswell, Hanna May/Jane Lucas, Bill Williams, pour faire partie des Famous Hokum Boys, des Hokum Boys, des Harum Scarums... et pour enregistrer en soliste sous les noms de Sammy Sampson (pour Perfect et Banner), Big Bill Johnson (pour Gennett et Champion) et Big Bill Broomsley (pour Paramount), participant entre avril 1930 et mai 1931 à la bagatelle de treize longues séances d'enregistrement à New York, Richmond (Indiana) et Grafton (Wisconsin). Cette activité débordante ne lui permet pourtant pas d'assurer sa subsistance — les cachets sont squelettiques et les musiciens sont toujours roulés au niveau des droits — et Big Bill doit travailler comme livreur dans une épicerie et arrondir ses fins de mois en courant les rent parties. Si, proportionnellement, sa présence dans les studios est plus faible en 1932, les quatre séances auxquelles il participe lui sont entièrement consacrées. Elles enrichissent le marché de disques Champion signés Big Bill Johnson, et de galettes Banner éditées sous le seul nom de Big Bill. Mais la Dépression bat son plein, les enregistrements se raréfient et Big Bill obtient un emploi à la Work Progress Administration (WPA) instituée par Roosevelt. Ce qui ne l'empêche pas d'apparaître sur les scènes des clubs de Chicago, Regal Theater, Savoy Theater, Indiana Theater, Morson Hotel, Ruby Gatewood's Tavern dont il sera l'un des pensionnaires réguliers jusqu'en 1943, Johnson's Tavern, etc. En 1933, le pianiste Black Bob devient, pour quatre années, son accompagnateur régulier tant sur scène que sur disque car, à partir de juin 1934, Bill retourne dans les studios après avoir rencontré le producteur Lester Melrose. Il enregistre pour Banner mais, surtout, commence à fréquenter les studios de la compagnie Victor qui vient de lancer son label de race records Bluebird, et ceux de OKeh/Vocalion. Il y grave une série de titres pour son propre compte et accompagne des bluesmen renommés comme Bumble Bee Slim, Teddy Edwards, Cripple Clarence Lofton, Red Nelson... ainsi que les débuts de Jazz Gillum et de Washboard Sam. Il fait également partie des State Street Boys et des Hokum Boys nouvelle version. Dès lors, Broonzy ne semble plus quitter les studios. En 1936/37 en particulier, ses participations aux enregistrements de disques sont innombrables. Aux artistes précédemment cités s'ajoutent Lil Johnson, Casey Bill, Merline Johnson (la Yas Yas Girl), etc. tandis que les disques sous le nom de Big Bill sont désormais exclusivement produits par ARC. On l'entend également au sein des Midnight Ramblers et des Chicago Black Swans, petites formations de studio de blues/jive plus ou moins inspirées des Harlem Hamfats. Après un intermède assuré par Leeford Robinson, c'est le Joshua Altheimer, le meilleur de tous les pianistes de blues d'après Big Bill, qui à partir d'août 1937, devient son pianiste régulier. Il le restera jusqu'à sa mort en novembre 1940, laissant parfois sa place en studio au très compétent musicien-maison Blind John Davis. À partir de 1938, les disques de Big Bill paraissent sous étiquette Vocalion tandis que le guitariste est fréquemment sollicité par Bluebird pour accompagner les grandes vedettes du blues de l'époque. Il figure en particulier sur tous les disques de Washboard Sam et de Jazz Gillum (1) et apparaît aux côtés de Sonny Boy Williamson en 1939. Toujours suivant la vogue des petits orchestres swinguants, Big Bill étoffe ses formations de studios en ajoutant au piano et à la contrebasse un ou deux instruments à vent (trompette et sax/clarinette) voire une guitare électrique (tenue par le pionnier George Barnes avant que lui-même n'amplifie son instrument) puis un batteur. Les disques qui en résultent sont publiés sous le nom de Big Bill & His Memphis Five, sans doute pour concurrencer (et il n'a pas de mal) les Chicago Five de son grand rival et ami Tampa Red. Survient alors un évènement dont la portée historique s'appréciera avec le temps : Broonzy est convoqué par le producteur John Hammond pour participer au grand concert "From Spirituals to Swing" sur la scène du Carnegie Hall de New York le 23 décembre 1938. (Il remplace in extremis le chanteur-guitariste Robert Johnson qui vient de mourir brutalement). Pour la première fois, les aspects vocaux afro-américains traditionnels sont largement présentés à un public blanc (et c'est aussi bien sûr la première fois que Big Bill se retrouve face à un tel auditoire). Les retombées sont appréciables : introduit dans les milieux avancés et intellectuels new yorkais, le bluesman est engagé au Café Society Downtown où se produisent les meilleurs artistes et musiciens de jazz du moment, il apparaît dans deux courts-métrages, "Swingin' The Dream" (en 1939) et "Big Bill Broonzy" (vers 1942), se produit au Town Hall en 1940 et à plusieurs reprises au Village Vanguard entre 40 et 45. Cette ouverture vers un autre public (qui se concrétisera une douzaine d'années plus tard) n'empêche pas Bill de poursuivre sa carrière en direction de sa communauté et nombreux encore seront les disques réalisés à Chicago tant sous son nom propre qu'avec ses habituels compagnons auxquels s'ajoutent Roosevelt Scott, Jean Brady, Doctor Clayton, Kansas Katie, St. Louis Jimmy et surtout Lil Green. Présent, en mai 1940, lors de la toute première séance de la chanteuse qui obtient un triomphe avec Romance In The Dark sur laquelle sa partie de guitare est de toute beauté (2), Big Bill Broonzy devient membre régulier du trio que Lil va faire tourner dans tout le pays, des meilleures scènes de Detroit et de Chicago jusqu'aux théatres du Sud profond. Il en profite pour assurer des prestations aux Texas (3) ainsi qu'au Million Dollar Theater de Los Angeles. Lorsqu'il est à Chicago, le grand Bill ne manque jamais de se montrer sur les scènes avec un nouveau partenaire, le pianiste Memphis Slim. "Moi et Memphis Slim devînmes bons amis et je l'aimais beaucoup (...) Nous avons joué ensemble dans des tas d'endroits différents, tels que le 1410 Club, le Ruby Tavern, le Town Hall de New York, le Regal Theatre, le Bee Hive de Chicago, etc. (...) La première fois que j'ai dit à Memphis Slim qu'il jouait comme Roosevelt Sykes, il se fâcha, mais lorsqu'il se rendit compte de ce qu'il en était exactement, il changea et se mit à jouer comme Memphis Slim lui-même. Lorsque nous jouions ensemble, les gens disaient que nous étions des frères.(4) Or voici que survient la grève des enregistrements, le Petrillo Ban, tandis que les États-Unis s'apprêtent à entrer dans le conflit mondial. À partir de là, plus rien ne sera comme avant. Omniprésent sur la scène du blues à Chicago, talent-scout au jugement apprécié par Melrose, chaleureux et amical avec tous les bluesmen débarquant à Chicago (de Jazz Gillum et Washboard Sam son présumé demi-frère, à Muddy Waters dont il parrainera les débuts, en passant par Tommy McClennan et Arthur Crudup), et instrumentiste versatile et accompli, Big Bill n'avait eu aucun mal à s'adapter à tous les courants de la musique populaire noire depuis ses débuts : "À cette époque, je n'étais qu'un violoneux. Je jouai des scottishes, des glissés, des valses..."(5). Il était passé de la guitare ragtime sous l'influence de Charlie Jackson et de Blind Blake au genre léger hokum, puis avait donné du corps à son jeu en suivant de près les parties de guitare de Lonnie Johnson, de Tampa Red et de Scrapper Blackwell. Jouant un blues très urbain, il était peu marqué par le blues rude du Delta ou de l'Arkansas dont il était pourtant originaire. Par contre son chant conservait un côté country et le contenu de ses textes évoquait, à l'aide d'images puissantes, les préoccupations d'une communauté encore fortement ancrée dans ses origines rurales. Mais lorsqu'une nouvelle forme de blues, plus enracinée et directement issue du Sud profond, va s'implanter à grand renfort de guitares électriques au son saturé, Big Bill ne va, pas plus que la quasi-totalité de ses confrères d'avant-guerre, entrer dans le mouvement. Sa gloire est derrière lui, il n'a plus la jeunesse... Début 1945, la Columbia (propriétaire des labels OKeh et Vocalion) lui renouvelle pourtant sa confiance et, un peu plus tard, Victor/Bluebird le convoque à nouveau pour enrichir de sa partie de guitare électrique les nouveaux enregistrements de Jazz Gillum, Washboard Sam, Sonny Boy Williamson et du futur Sunnyland Slim. Toujours sous le simple sobriquet de Big Bill, il grave des faces d'excellente facture en compagnie du pianiste Big Maceo, le partenaire habituel de Tampa Red. "Lorsque Tampa Red nous présenta l'un à l'autre, Big Maceo m'appela immédiatement "Big Boy" et nous devînmes comme des frères (...) Moi et Big Maceo avons donc tout naturellement envisagé de nous associer. Il était en principe d'accord et j'allais en parler à mon patron, Monsieur Gatewood (...) Le premier soir, Big Maceo fit crouler la salle et je n'eus à chanter qu'une ou deux chansons (...) En 1945, nous avons enregistré des disques ensemble pour Columbia — cf. CD 1-5 — et ils furent tous réussis."(4) Ces pièces sont d'ailleurs très proches de l'esprit du duo Red/Maceo. Et Big Bill raconte dans son livre comment cela fonctionnait : "Il était plus calé que moi en musique, mais moi j'en savais plus long que lui en ce qui concerne le vrai blues. Les discussions éclataient lorsqu'il me disait de jouer l'accord correct. Je lui répondais que ça ne me paraissait pas correct du tout. Je lui fredonnais ma chanson. — Tu chantes bien, disait-il, mais l'accord que tu joues est faux. Ce ne sont d'ailleurs pas des accords, c'est simplement du son que tu émets là." Et, après une longue discussion : "Il jouait l'accord au piano et me disait de le trouver. Je montais et descendais le long du manche de la guitare jusqu'à ce que je trouve l'accord identique à celui qu'il m'avait fait entendre."(4) À la même époque, alors qu'il se produit, entre autres, à l'Apollo de Harlem, Big Bill grave, dissimulé sous le surnom de Little Sam, quatre faces pour la petite marque Hub avec le quartette du grand saxophoniste Don Byas. À Chicago on peut l'entendre vers 1945/46 au Hollywood RendezVous, au Purple Cat, à l'Harmonie Hotel, souvent avec Maceo, au 708 Club (vers 47/48), à la Gatewood's Tavern (vers 48/49), au Sylvio's (vers 48/50) avec le bassiste Big Crawford... tandis qu'il réalise plusieurs séances avec un petit orchestre rhythm and blues/jazz — celui de Roosevelt Sykes à peu de choses près. Bien que très bonne qualité, ces disques, qui renvoient à une période désormais révolue, marquent la fin de la longue collaboration entre Big Bill et les compagnies Victor et Columbia. Mais le bluesman sait rebondir. Avec l'esprit d'à-propos, la disponibilité et l'intelligence qui le caractérisent, Broonzy a pris soin de conserver des relations avec le milieu new yorkais. Il fréquente Sonny Terry, les frères McGhee, Leadbelly, Pete Seeger... et ne manque pas d'apparaître au Town Hall en 1946 pour un "Blues at Midnight Concert" et en 1947 pour un "Music at Midnight Concert". En 1949, il grave (pour la première fois sous son nom Big Bill Broonzy en entier !) deux séries de disques pour Mercury qui, assez judicieusement, ne met pas tous ses 78 tours dans le même panier : quatre faces en quartette prolongent le genre R&B, quatre autres, à la guitare acoustique et avec le seul soutien du batteur Alfred Wallace, préfigurent ses futurs enregistrements folk blues. Comme quoi, contrairement à ce que certaines mauvaises langues ont affirmé, Big Bill n'a pas attendu de monter dans l'avion pour l'Europe pour se reconvertir en "vieux bluesman campagnard" et se constituer en vitesse un répertoire de vieux songs nostalgiques du Sud. D'ailleurs Mindin' My Own Business et Keep Your Hands Off Her seront enregistrés à plusieurs reprises durant ses abondantes séances en solo des années 50. À la même époque, Broonzy joue avec la chanteuse-pianiste Georgia White au Bee Hive.(6) "J'ai joué avec Georgia White dans une boîte de nuit à Chicago en 1949 et un petit peu en 1950. Je n'ai jamais fait aucun enregistrement avec elle (...) Georgia White fut ma pianiste habituelle durant un certain temps, lorsque j'avais un petit groupement qui s'appelait le Laughing Trio. Elle nous racontait toujours des histoires drôles avant que nous ne commencions à jouer. Alfred Wallace était notre batteur (...) Il savait aussi chanter le blues, mais seulement le blues de la grande ville."(4) Mais les temps sont devenus difficiles et le grand Bill obtient, en 1950/51, un poste de concierge à l'Iowa State College de Ames (Indiana). Il en profite pour apprendre à lire et à écrire ! Bien lui en a pris lorsqu'on sait que, grâce à cet apprentissage tardif, Big Bill commencera, quelques années plus tard avec l'aide de Yannick Bruynoghe, à rédiger des souvenirs qui deviendront le magnifique livre "Big Bill Blues". Et puis tout s'accélère : quelques concerts au Blue Note de Chicago, un passage à la télé, des prestations au Miss King's, au Du Drop Lounge... et Big Bill prend pour la première fois l'avion direction le Vieux Continent. Il séjourne en Europe de juillet à octobre 1951, grave des disques à Paris, Londres, Düsseldorff, regagne brièvement Chicago avant de s'envoler une seconde fois avec Blind John Davis avec qui il se produira, entre autres, à la Salle Pleyel en 1952. Une carrière mondiale commence... Ainsi, devant des auditoires curieux, surpris, ébahis et conquis, Big Bill Broonzy va, jusqu'à une opération de la gorge qui le laissera quasiment aphone en 1957, se forger et soigneusement entretenir une image de "dernier chanteur de blues vivant" à travers l'Europe, l'Amérique du Sud, l'Afrique et l'Australie, tandis que dans l'ignorance générale des centaines et des centaines de bluesmen continuent, soir après soir, à animer les estrades branlantes de tous les bouis-bouis des ghettos américains. Cette image médiatique, alimentée par de nombreux disques qui anticipent le blues revival, à permis au nom de Big Bill Broonzy de briller à jamais au firmament des étoiles noires américaines qui ont arpenté ou se sont fixées sur la Vieux Continent, comme Sidney Bechet et après lui Memphis Slim, second ambassadeur du blues. Lorsque Big Bill s'éteind à Chicago le 15 août 1958, le blues ne meurt pas avec lui. Il est même particulièrement bien représenté par toute la communauté de la Windy City qui accompagne en sa dernière demeure l'un des plus grands bluesmen de l'Histoire. Big Bill Broonzy aura été le précurseur de tout le rayonnement qu'obtiendra le blues en Europe à partir des années 60 et aura suscité l'intérêt de nombreux amateurs de jazz jusque là ignorants de ce courant majeur de l'art musical noir. Mais soyons juste, certains, parmi lesquels nos collaborateurs et amis Jacques Demêtre et Jacques Morgantini n'ont pas attendu que Big Bill débarque en Europe. Ils avaient déjà tous ses disques, achetés comme bien d'autres, en Angleterre ou aux États-Unis dès la fin de la guerre. Et c'est grâce à eux que nous pouvons vous proposer la présente sélection. C'est grâce à eux et à quelques autres collectionneurs amoureux de cette musique que notre Blues Collection atteind maintenant les quarante volumes. Elle avait timidement démarré il y a près de dix ans avec un premier... Big Bill Broonzy comprenant des faces des années 30. Entre sa carrière d'avant-guerre tournée uniquement vers la clientèle noire et celle des années 50 que tous les amateurs du monde entier connaissent, il restait une période intermédiaire méconnue et fort intéressante. C'est celle-ci que nous avons choisi d'illustrer ici. Jean Buzelin Notes : (1) Voir les CD Washboard Sam (EPM/Blues Collection 158662) et Jazz Gillum (158402). (2) Voir le CD Lil Green (EPM/BC 158212). (3) C'est en l'entendant chanter au Texas que le saxophoniste-chanteur Eddie Vinson inscrit plusieurs compositions de Big Bill à son répertoire. Cf. Eddie "Cleanhead" Vinson (EPM/BC 159462). (4) William L.C. Broonzy et Yannick Bruynoghe, Big Bill Blues (Ludd, Paris 1987) ; figurent dans ce livre les paroles de Partnership Woman, Saturday Evening Blues et l'histoire de Old Man Blues. (5) In Lawrence Cohn, Nothing But The Blues (Abbeville, Paris 1994). (6) Voir le CD Georgia White (EPM/BC 158322). BIG BILL BROONZY - THE POST-WAR YEARS (1945-1949) For a long time to come, and maybe even for ever, the name of Big Bill Broonzy will be synonymous with the blues for many members of the general public, as that of Louis Armstrong is with jazz. Broonzy was the first Afro-American ambassador of this popular traditional music. He travelled throughout the world, leaving an indelible impression wherever he went. And it was in Europe, in Belgium, that he left his memoirs which were in fact the memoirs of an entire people. It was Big Bill who taught us to understand the blues. Before him, for many the blues was simply an archaic musical form on which jazz was based: after him, the roots were seen to be in rock! An odd interpretation of history founded on ignorance. With Broonzy the blues came into their own. William Lee Conley Broonzy was probably born on 26 June 1893 in Scott, a small village in Mississippi (although his twin sister Lannie believes the year was 1898). He was one of twenty-one children (of whom seventeen survived) born to sharecropper parents who had been slaves. His family settled in Pine Bluff, Arkansas, where young Bill worked as a farmhand from the age of seven and, in his free moments, listened to the banjo music played by his uncle Jerry Belcher and a certain Stonewall Jackson (it was from them that he first heard the old blues ballads Joe Turner Blues, Keep On Drinking and C.C. Rider that he would remember half a century later). When he was around 10 years old his uncle showed him how to make a fiddle out of a cigar box which he used to play at the local church. During 1907-1912, the young Broonzy played country fiddle at local parties and picnics and then, between 1912 and 1917, in the company of guitarist Louis Carter, spent some time as a travelling preacher. Having married in 1916, Big Bill made a living working as a coal miner and laying railway lines until he was called up in 1918. Demobilised the following year, he took up his fiddle again and played in Little Rock, Arkansas. In 1920, he decided to move to Chicago where he got a job with the Pullman company. He spent a lot of time in local bars where, in 1924, he met singer-banjoist Papa Charlie Jackson, one of the first black recording stars, who encouraged him to take up guitar. After a few years of practice, a meeting with producer Mayo Williams and a few unsuccessful studio attempts in 1926, Big Bill cut his first records for Paramount in 1927/28 with the guitarist John Thomas. Although these records were not a financial success, the name of Big Bill began to circulate in the milieu. His musical talents became so well known and appreciated that, from 1930 onwards, he was regularly invited into the studios to accompany Georgia Tom, Frank Braswell, Hanna May/Jane Lucas and Bill Williams, also appearing as a member of the Famous Hokum Boys, the Hokum Boys, the Harum Scarums…and to record solo under the names of Sammy Sampson (for Perfect and Banner), Big Bill Johnson (for Gennett and Champion) and Big Bill Broomsley (for Paramount), participating between April 1930 and May 1931 in no fewer than thirteen long recording sessions in New York, Richmond, Indiana and Grafton, Wisconsin. And yet, in spite of all this work he did not make enough from his music to live on—musicians were paid a pittance and were often done out of their royalties—and Big Bill had to work as a grocery delivery-boy and make both ends meet by playing at rent parties. Although he made few recordings in 1932, the four sessions in which he took part were entirely devoted to him. They brought in quite a lot of money for the Champion label, under the name of Big Bill Johnson, and for Banner when issued under the simple name of Big Bill. But, with the Depression at its height, recordings were few and far between so Big Bill got a job with the Work Progress Administration (WPA) set up by Roosevelt. However, he still found time to appear in Chicago clubs: the Regal Theater, Savoy Theater, Indiana Theater, Morson Hotel, Ruby Gatewood’s Tavern (where he was a regular until 1943), Johnson’s Tavern etc. In 1933, the pianist Black Bob became his regular accompanist for four years, both in public and on record, for June 1934 found Bill back in the studios after having met up with producer Lester Melrose. He recorded for Banner but also began to frequent the Victor studios, which had just launched its race records label Bluebird, and those of OKeh/Vocalion. He cut a series of titles under his own name and accompanied bluesmen such as Bumble Bee Slim, Teddy Edwards, Cripple Clarence Lofton, Red Nelson…as well as the early Jazz Gillum and Washboard Sam. He was also one of the State Street Boys and a new version of the Hokum Boys. After this Big Bill was rarely out of the studios, particularly in 1936/37 when he cut numerous sides. In addition to the artists mentioned previously, he recorded with Lil Johnson, Casey Bill, Merline Jackson (the Yas Yas girl) etc. while records under the name of Big Bill were henceforth issued exclusively by ARC. He can also be heard with the Midnight Ramblers and the Chicago Black Swans, small studio blues/jive groups based on the Harlem Hamfats. For a time Leeford Robinson accompanied Big Bill on piano before Joshua Altheimer, the best of all blues pianists according to Big Bill, took over in August 1937 and became his regular pianist. He remained with Big Bill until his death in November 1940, occasionally replaced on studio dates by the excellent house musician Blind John Davis. From 1938 onwards, Big Bill’s records appeared on the Vocalion label but, at the same time, he was frequently invited by Bluebird to accompany contemporary blues stars. He appears on all the recordings of Washboard Sam and Jazz Gillum (1) and also alongside Sonny Boy Williamson in 1939. To keep up with the vogue for small swing bands, Big Bill extended his studio groups by adding to the piano and bass one or two horns (trumpet and sax/clarinet), even an electric guitar (the pioneer George Barnes) and later a drummer. The resulting records were published under the name of Big Bill & His Memphis Five, no doubt as a direct challenge to (and why not?) the Chicago Five of his great rival and friend Tampa Red. Then came the event that was to prove historic: producer John Hammond invited Broonzy to take part in the famous “From Spirituals to Swing” concert at the Carnegie Hall in New York on 23 December 1938. (He was a last-minute replacement for singer-guitarist Robert Johnson who had just died suddenly). For the first time, vocal aspects of traditional Afro-American music were revealed to a white audience (and, of course, this was the first time that Big Bill appeared in front of such a public). The results were noticeable: adopted by the New York intelligentsia, the bluesman was hired by the Café Society Downtown where the best jazz artists and musicians of the time played, he appeared in two short films, “Swingin’ The Dream” (in 1939) and “Big Bill Broonzy” (around 1942), played at the Town Hall in 1940 and several times at the Village Vanguard between 40 and 45. This exposure to a different public (which reached its height some twelve years later) did not prevent Bill pursuing his career within his own community and he made numerous records in Chicago, both under his own name and alongside his habitual companions plus Roosevelt Scott, Jean Brady, Doctor Clayton, Kansas Katie, St. Louis Jimmy and especially Lil Green. Big Bill Broonzy was present, in May 1940, on the latter’s very first session when the singer made a hit with Romance In The Dark on which he plays some beautiful guitar (2). He became a regular member of the trio with which Lil toured the country, appearing at top venues in Detroit and Chicago, right down to theaters in the deep South. He also got the opportunity to appear in Texas (3) as well as at the Million Dollar Theater in Los Angeles. When in Chicago, Big Bill never missed an occasion to appear with a new partner, the pianist Memphis Slim: “Me and Memphis Slim got to be good friends and I liked him very much (…) We played at the 1410 Club, at the Ruby Tavern, in New York at Town Hall, the Regal Theatre, the 8th Street Theatre, the Beehive in Chicago and many other places. (…) When I first told Slim that he was playing like Roosevelt Sykes he got mad at me, but he found out what I meant; he changed and went to playing like Memphis Slim. When we used to play together, everywhere we went the people said that we was brothers.” (4) Then came the Petrillo recording ban, just when America was about to join the war. Nothing would be the same again. Omnipresent on the Chicago blues scene, a talent-scout whose judgement was appreciated by Melrose, a good friend to any bluesman who arrived in Chicago (from Jazz Gillum and Washboard Sam, his presumed half-brother, to Muddy Waters whom he helped start out, and Tommy McClennan and Arthur Crudup), a versatile and gifted instrumentalist, Big Bill had no problem in adapting to all the different trends in popular black music: he describes himself as being “just a fiddle player” at the time, playing polkas, slides, waltzes…(5). He changed over to ragtime guitar under the influence of Charlie Jackson and Blind Blake, first adopting a light hokum style before giving more body to his playing by closely studying the guitar playing of Lonnie Johnson, Tampa Red and Scrapper Blackwell. He played a very urban style of blues with little trace of the rough country blues of the Delta or Arkansas, although he was born there. On the other hand, his vocals retained a country element, while his lyrics, with their powerful imagery, evoked the problems of communities still firmly anchored in a rural background. But when a new form of blues, more deeply-rooted in the Deep South, developed to complement the richer sound of electric guitars, neither Big Bill nor many of his pre-war contemporaries became part of the movement. His glory days were behind him, he was no longer young… However, at the beginning of 1945, Columbia (which owned OKeh and Vocalion) renewed their confidence in him and, shortly after, Victor/Bluebird called him back into the studios with his electric guitar to enhance new recordings of Jazz Gillum, Washboard Sam, Sonny Boy Williamson and the future Sunnyland Slim. Still simply under the name of Big Bill, he cut some excellent sides in the company of pianist Big Maceo, Tampa Red’s regular partner. “When Tampa Red introduced us he started to call me Big Boy and we got to be just as brothers (…) We talked about him playing with me and he said OK. I went to my boss which was Mr. Gatewood and told him about Maceo (…) The first night we played Big Maceo rocked the house and I didn’t have to sing but one or two songs (…) In 1945 we made some records together for Columbia (cf. CD 1-5) and they all turned out good.”(4) Moreover these sides are very close in spirit to the Red/Maceo duo. In his book, Big Bill explains how this worked: “He knew more about real music than I did but I knew more about the real blues and the arguments was because he would tell me to make the right chord. ‘It don’t sound right to me,’ I would answer. I would hum my song to him and he’d say: ‘You’s singing all right but the chord you’s playing is wrong. It’s not chords anyway, it’s just sound.’ And after a long discussion: “He would make it (the chord) on the piano and tell me to find it on the guitar. I would keep on going up and down the neck of my guitar until I’d find a chord that sounded like what he made on the piano.”(4). About the same time, while appearing at the Harlem Apollo and other places, Big Bill cut four sides for the small Hub Label, under the name of Little Sam, with saxophonist Don Byas’ quartet. Around 1945/46 he could be heard in Chicago at the Hollywood RendezVous, the Purple Cat, the Harmonie Hotel, often with Maceo, at the 708 Club (around 47/48), at Gatewood’s Tavern (around 48/49) and at Silvio’s (around 48/50) with Big Crawford on bass…while at the same time he did several sessions with a small rhythm and blues/jazz formation—more or less that of Roosevelt Sykes. Although of a very high standard these sides, reminiscent of an earlier period, mark the end of Big Bill’s collaboration with Victor and Columbia. But the bluesman soon bounced back. He had never lost touch with colleagues in the New York milieu: Sonny Terry, the McGhee brothers, Leadbelly, Pete Seeger…and so appeared at the Town Hall in 1946 on a “Blues at Midnight Concert” and again in 1947 on a “Music at Midnight Concert”. In 1949, he cut (for the first time under his full name of Big Bill Broonzy!) two series of recordings for Mercury who rather cleverly did not put all these 78s into the same basket: four sides in quartet extended the R & B genre, four others, on acoustic guitar backed only by Alfred Wallace on drums, looked forward to future folk blues recordings. Which proves that, contrary to what some malicious gossips would have us believe, Big Bill did not wait until he boarded a plane for Europe before reconverting himself into “an old country bluesman” and hurriedly getting together a repertory of old nostalgic Southern songs. Mindin’ My Own Business and Keep Your Hands Off Her had already been recorded several times during his numerous solo sessions in the 50s. During the same period Broonzy played with vocalist and pianist Georgia White at the Beehive. (6) “I played with her in a night club in Chicago in 1949 and a while in 1950. I never made a record with her (…) She was my pianist for a while. I had a band called the Laughing Trio. She would always tell us some kind of funny joke before we started to play. Alfred Wallace was the drummer (…) and he could also sing the blues, the big city blues.”(4) But times became hard and, in 1950/51, Big Bill got a job as a caretaker at the Iowa State College in Ames, Indiana. He used the opportunity to learn to read and write! Thanks to which, several years later, with the aid of Yannick Bruynoghe, Big Bill began to write out his memoirs which became the magnificent book “Big Bill Blues”. And then it all started to happen: a few concerts at Chicago’s Blue Note, a TV appearance, stints at Miss King’s, at the Drop Lounge…before Big Bill took a plane for the first time in the direction of Europe where he stayed from July to October 1951, made records in Paris, London and Düsseldorf, returning briefly to Chicago before taking off a second time with Blind John Davis with whom he appeared at the Salle Pleyel in Paris, among other venues, in 1952. This was the start of a world-wide career. Until a throat operation in 1957 left him virtually without a voice, Big Bill Broonzy was to conquer audiences throughout Europe, South America, Africa and Australia, creating an image for himself as “the last living blues singer” while, unknown to the wider public, hundreds of bluesmen continued night after night to enliven the shaky stages of dingy American ghetto bars. This media success, backed by numerous records that anticipated the blues revival, enabled the name of Big Bill Broonzy to shine alongside those black American stars who were regular visitors to Europe, or even settled here, such as Sidney Bechet and following him Memphis Slim, the second ambassador of the blues. When Big Bill died in Chicago on 15 August 1956 the blues did not die with him. They were still very much alive in the hearts of the Windy City crowds that accompanied one of the greatest bluesmen ever to his last resting place. Big Bill Broonzy was the precursor of the enormous popularity that the blues gained in Europe from the 60s onwards and aroused the interest of many jazz fans who, hitherto, had known little or nothing about this major current of black music. But to be fair it must be said that some specialists, including our French friends and colleagues Jacques Demêtre and Jacques Morgantini, did not wait until Big Bill arrived in Europe. They already had all his records, bought in England and the United States at the end of the war. It is thanks to them that we are able to offer you this selection. It is also thanks to them and to other collectors who love this music that our Blues Collection now comprises forty volumes, having started out somewhat timidly about ten years ago with a première…the sides that Big Bill Broonzy had made in the 30s. Between his pre-war career that addressed only black audiences and that of the 50s which everyone is familiar with, there remained a lesser-known but very interesting intermediary period. And here it is! Adapted from the French by Joyce Waterhouse Notes: (1) See CDs Washboard Sam (EPM/Blues Collection 158662) and Jazz Gillum (158402) (2) See CD Lil Green (EPM/Blues Collection 158212) (3) It was after having heard him play in Texas that saxophonist/vocalist Eddie Vinson included several of Big Bill’s compositions in his repertory. Cf. Eddie “Cleanhead” Vinson (EPM/BC 159462) (4) William Broonzy’s Story as told to Yannick Bruynoghe, Big Bill Blues, (Da Capo Press, N.Y. 1992); this book includes the lyrics to Partnership Woman, Saturday Evening Blues and the history of Old Man Blues (5) In Lawrence Cohn Nothing But The Blues (Abbeville, Paris 1994) (6) See CD Georgia White (EPM/BC 159322) Less
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