Liste des produits et biographie de Kid ORY
KID ORY
Dès le début des années 1910, Kid Ory fut un des principaux chefs d’orchestre de la Nouvelle-Orléans. Il dirigea à cette époque-là des musiciens tels que King Oliver, Louis Armstrong, Johnny Dodds, Jimmie Noone, Sidney Bechet (et Mutt Carey, que nous citons puisque nous le retrouvons auprès d’Ory dans les faces de 1946). Il s’installa à Chicago en 1925. Nous nous contenterons de mentionner ses disques avec Louis Armstrong et Jelly Roll Morton parmi les plus connus, avant d’en venir à la seconde moitié des années 40 où il s’était fixé en Californie (depuis 1942 ; en fait, il est vrai qu’il y avait déjà travaillé lors d'un premier séjour dès 1919) et où il bénéficia du New Orleans revival (dont Orson Welles fut un des promoteurs, produisant des émissions de radio en 1944).
Ce qui retient immédiatement l’attention à l’écoute des disques de cette période c’est qu’Ory incarne, sans doute plus que quiconque, le trombone néo-orléanais. Non qu’il en fut le “meilleur” représentant, le plus grand technicien, mais surtout parce qu’il illustra merveilleusement un certain style créole, que l’on serait peut-être tenté de juger “primitif” et qui, à ce titre, est tellement apprécié par les puristes. Maître du glissando dans le jeu d’ensemble, grand spécialiste du blues, rythmicien émérite, telles sont les principales caractéristiques du style d’Ory (“à la créole” pour répéter un jeu de mots très pertinent).
Il faut bien voir que le grand talent de Kid Ory fut celui d’un chef d’orchestre, d’un “animateur”, capable d’imprimer son énergie à des ensembles caractéristiques d’un jazz dont la valeur réside surtout dans la “collective” (sous-entendez “improvisation”), qui ne consiste pas à développer des lignes “solistes” comme dans le bebop, par exemple, mais à tisser à plusieurs un entrelacs de variations, jouant sur la paraphrase de la mélodie. Et l’on aura toujours tort d’opposer deux conceptions du jazz, vraiment différentes : dans la première, celle de la Nouvelle-Orléans, on devra s’attacher à une certaine couleur sonore, à une expressivité, un grain, que l’on ne retrouvera pas ailleurs, de même à certaines conceptions du rythme d’une époque, qu’il n’est pas toujours facile de saisir si l’on n’a pas présent à l’esprit l’arrière-plan des parades et autres manifestations propres à la Nouvelle-Orléans. La querelle entre anciens et modernes, partisans du “vieux style” et zélateurs de la modernité semble quelque peu éteinte, aussi nous semble-t-il plus facile de souligner qu’on aurait tort de situer sur le même plan des types d’expression différents. On doit, par exemple, faire la distinction entre le jazz des pionniers et même celui d’avant le jazz à la Nouvelle-Orléans et celui de Chicago ; si Kid Ory appartient indiscutablement au premier âge, Armstrong, par exemple, tire vraiment le jazz vers le futur. Et si l’on veut apprécier le jazz des pionniers on ne peut utiliser les mêmes critères, c’est ainsi que le son de trombone d’Ory et son phrasé sont effectivement d’un autre âge et ils en sont même de remarquables témoignages. Ory permit au trombone néo-orléanais de présenter une sorte de carte de visite sonore, en ce sens il fut un précurseur, mais il n’eut pas grand chose à voir dans la naissance du trombone jazz plus moderne (Miff Mole, Jimmy Harrison).
Les faces présentées ici comportent quelques-uns de ses “classiques”, tels que Panama, Get Out Of Here (dont il est co-auteur) et Creole Bo Bo (de sa composition) et un rapide coup d’oeil sur les titres nous permet de constater que le répertoire est principalement axé sur des standards du jazz louisianais. Les membres de l’orchestre d’Ory sont d’indiscutables spécialistes de ce type de jazz et parfois d’excellents solistes : les clarinettistes Omer Simeon et Barney Bigard, le (relativement) méconnu Darnell Howard. Certains font même figure de compagnons de toujours (Mutt Carey, Ed Garland) qui furent associés très tôt au tromboniste.
François Billard
Less