Liste des produits et biographie de Sonny ROLLINS
SONNY ROLLINS,
Influencé autant par le volcanique Charlie Parker que par le massif Coleman Hawkins, tout en empruntant à l'occasion la fluidité de jeu propre à Lester Young, le saxophoniste Sonny Rollins peut être considéré comme l’un des plus authentiques solistes du jazz moderne. Si au cours de sa carrière le créateur s’est un peu dispersé en agissant dans de multiples directions, l’expression du soliste a souvent fait preuve d’une grande générosité. Aujourd'hui, avec plus de 60 ans de carrière derrière lui, Sonny Rollins reste surtout l’un des derniers géants du jazz encore vivants.
LE BOP DE MONK ET DE PARKER
« J'ai beaucoup de chance d'avoir pu vivre ma vie en jouant de la musique »… Theodore Walter « Sonny » Rollins est né en septembre 1930 à New York. Il grandit dans le quartier misérable de Harlem au sein d’une famille originaire des Caraïbes. D’abord saxophoniste alto, il épouse le ténor pour se rapprocher de Coleman Hawkins qu’il affectionne tout particulièrement. Le saxophoniste si cher à Duke Ellington, le trompettiste Louis Armstrong ou le pianiste Fats Waller seront ses premières références.
Très vite, la musique bop s’impose à lui. Quand il devient professionnel à l’âge de 19 ans, il côtoie déjà toutes les grandes figures du mouvement ; tous ces directeurs de conscience et façonneurs d'expériences que sont les pianistes Bud Powell, Tadd Dameron et Thelonious Monk (son « éducateur spirituel »), les trompettistes Miles Davis et Fats Navarro, le tromboniste Jay Jay Johnson, sans oublier le saxophoniste alto Charlie Parker avec qui il travaillera un temps.
Avant de devenir vers 1957 un chef d'orchestre à part entière du mouvement hard-bop, Sonny Rollins gravera quelques immortelles sessions pour l’histoire. Le son avide d’expression de son saxophone est déjà là, attendant chaque top pour tout donner. Cependant, la célébrité dont jouit déjà Sonny Rollins va l’éprouver durement. Comme Parker ou Coltrane, Sonny Rollins va « goûter » aux paradis artificiels pour assouvir ce désir tenace d’aller toujours plus loin, ce désir empreint de mysticisme qui ronge bien plus la créativité qu’il ne la sert.
Pourtant, tout le monde s’accorde pour juger que ce musicien-là est comme un phénix. Il naît, il prolifère, il explose parfois, puis il doute et rentre dans sa coquille pour écouter les autres, pour douter encore avant de renaître. Le perfectionnisme poussé à l’extrême, traversé par des heures de travail parfois proche de l’esclavage, auront raison à plusieurs reprises de sa ténacité. Trois fois au cours de sa carrière (en 1955, 1959 et 1966), le saxophoniste fera le coup de la fausse sortie. Or, même dans ces moments de doute où il pense qu’il est un autre, la musique de jazz reste sa vie. Il en a besoin, comme ses auditeurs ont besoin d’entendre la sonorité rauque et chaleureuse de son saxophone, sa franchise virile plus salubre que des politesses commerciales. Quand il revient sur le devant de la scène, Sonny Rollins est comme transcendé, nourri d’inspirations novatrices.
L'AVANT-GARDISTE SONNY ROLLINS
Dans les années cinquante et soixante, le saxophoniste jouera et enregistrera les plus grands morceaux de hard-bop. Dans ses improvisations, Sonny Rollins adoptera de temps en temps une approche « thématique », dans le sens où il choisira un fragment du morceau et lui fera subir de nombreuses variations. Ce n’est là, bien sûr, qu’une des facettes de son jeu. Passé maître dans l’art de l’improvisation sur saxophone ténor, Sonny Rollins est marqué à la fois par ses racines caribéennes (ce qui explique son goût pour les mélodies et rythmes de calypso) et par sa stature au sein du jazz hard-bop.
Devenu l’une des plus grandes figures du jazz moderne et malgré sa participation aux formations de Miles Davis et du batteur Max Roach, Sonny Rollins n’a jamais cessé de chercher sa place parmi les grands novateurs, même si des signes avant-gardistes transperçaient de part en part son œuvre… Dès 1957, ses différents trios, saxophone/basse/batterie, avec les batteurs Pete LaRoca et Elvin Jones (A Night at the Village Vanguard), Max Roach (The Freedom Suite) ou Shelly Manne (Way Out West) feront date par la liberté de propos qu’autorisait l’absence de piano. Au début des années 60, il flirtera même avec des initiateurs du jazz free comme le pianiste Paul Bley et le trompettiste Don Cherry.
Des formations éphémères jusqu'aux volte-face des phrasés imposés par les styles, Sonny Rollins s’est forgé une personnalité complexe et chaleureuse, parfois inquiète, mais prompte au bouleversement. L’homme est curieux et s'intéresse à toutes les nouveautés en essayant d’en tirer le meilleur parti. C’est ainsi que dans les années 70, il ressentira le besoin de partager l'affiche avec d’anciens musiciens de John Coltrane, le pianiste McCoy Tyner et le batteur Jack DeJohnette ou en invitant la jeune génération : le bassiste Stanley Clarke, le claviériste George Duke ou le guitariste Chuck Rainey.
L’ŒUVRE DE SONNY ROLLINS
Son œuvre, qui compte des réussites de grande classe, véhicule bien souvent une joie inaltérable. Ses titres de prédilection restent Saxophone Colossus (1956), Tenor Madness (1956), Oléo (1962), St. Thomas (1956) et Way Out West (1957). Sa véhémence et son phrasé chaotiquement personnel, ses accords de passages inusités, son impudique sens des contrastes qui le font sauter sans transition d'une sonorité brumeuse à un cri exaspéré ont fait largement école. De nombreux musiciens, Charlie Rouse, Frank Wess, Frank Poster, Yusef Lateef, Harold Land, Hank Mobley et en France Barney Wilen, ont marché sur les traces de ce soliste fécond.
Parmi ses interprétations les plus marquantes retenons sa Freedom suite (1958) enregistrée en trio avec Max Roach à la batterie et Oscar Pettiford à la contrebasse, sa version en solo de Body and soul (1958), son album The bridge (1962) enregistré après une interruption de dix-huit mois passée à méditer sur sa musique à la suite des triomphes de John Coltrane et des débuts du free jazz, son disque avec le trompettiste Don Cherry (Our Man in Jazz – 1963) et sa musique de film pour Alfie (1966). Pour celui ou celle qui aimerait entendre le « versant calypso » du saxophoniste, citons l’album What’s New ? (1962).
Au cours des années 80/90, régulièrement tous les ans ou presque, Sonny Rollins a poursuivi son œuvre en enregistrant des disques aux qualités assez inégales, souvent au détriment de l’inspiration. En 2004, après la mort de sa femme, il crée son propre label, Doxy Records et lance son site Internet. Fort heureusement pour son public, les années n’ont quasiment pas altéré la magie sonore de son instrument. Le son reste frais, authentique. En l’écoutant, on en oublierait le vieil homme, on penserait à un risque-tout de 20 ans dansant sur un filin au-dessus de l’orchestre. Sa musique semble demeurer hors du temps, exubérante et intense, car il est vrai que le colosse a toujours concentré la totalité de son énergie dans chaque concert, comme si c'était l'ultime qu’il nous offrait.
Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2017)
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