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Liste des produits et biographie de Jean Paul SARTRE
Écrivain, dramaturge et philosophe français
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Écrivain, dramaturge et philosophe français
Jean-Paul Sartre
1905 – 1980
Bibliographie sélective
1938 - La Nausée
1939 - Le Mur
1943 - Les Mouches – L'Être et le néant
1944 - Huis clos
1945 - L'Âge de raison - Le Sursis
1946 - La Putain respectueuse - Réflexions sur la question juive
1947 – Baudelaire - Situations I
1948 - Les Mains sales - L'Engrenage - Situations II
1949 - La Mort dans l'âme - Situations III
1951 - Le Diable et le Bon Dieu
1952 - Saint Genet, comédien et martyr
1954 - Kean
1956 - Nekrassov
1959 - Les Séquestrés d'Altona
1960 - La Critique de la raison dialectique
1964 – Les Mots - Situations IV, V, VI
1965 - Les Troyennes - Situations VII
1971 - L'Idiot de la famille
1972 - Situations VIII, IX
1976 - Situations X
LE DIABLE ET LE BON DIEU
Si le diable est connu dans le Landerneau littéraire, berceau de sa réputation, ses plus grands succès cependant lui viennent d’un lieu officiel où règnent le fard et l’artifice, où le tabernacle du rideau cramoisi s’entrouvre pour la célébration des messes dites en son honneur : le théâtre. Le diable est vedette au théâtre ! Depuis les mistères du XIVe siècle, donnés sur le parvis des églises, où les légionnaires de César plantaient des clous dans les paumes ouvertes de Jésus, jusqu’aux drames de notre époque où l’acteur convulsé succombe, pourchassé par une meute de justiciers et de désirs, le théâtre est – par excellence – un lieu où l’on torture, où l’on divise l’être physique ou moral fibre à fibre, partant : un endroit où le Diable se sent chez lui !
Les définitions que l’on a pu donner du diable sont nombreuses. Maritain dit qu’il est pur, parce qu’il ne peut faire que le Mal. La mienne est qu’il n’a pu atteindre à son état que par sa volonté désespérée d’analyse. Dieu est ce qui réunit. Le Diable, son contretype, ce qui fragmente. La chimie, l’alchimie, la psychanalyse, la morale qui morcèlent les éléments, sont manifestement d’essence diabolique. L’amour, la poésie, l’élan sauvage, la bêtise – ou simplicité d’esprit – sont, eux, d’origine divine. Un point c’est tout. Il s’agit d’élever au plus vite un rempart, de préserver l’individu d’une interrogation au-delà de laquelle il ne peut y avoir que sables et que ruines par laquelle l’intelligence, plutôt que d’éclairer la route et d’aider à l’action, se transforme en liens et en fardeau. L’esprit d’analyse amorce la chute des Anges. Il sape le merveilleux, le surnaturel, l’imagination du Bien qui, comme celle du Mal, est une légende fragile. Alors apparaît un homme nouveau, plus nu que son ancêtre des cavernes, plus grand, plus noble, plus triste aussi, qui s’aperçoit avec Sartre que « Dieu, c’est la solitude des hommes », qu’il appartient à l’individu seul de s’accuser et de s’absoudre, que les ordres d’en haut qu’il prétendait recevoir, il était seul à les envoyer. L’énorme résonance qu’il perçoit n’est qu’en lui. C’est en vain que Goetz, le héros de cette tragique histoire, a provoqué Dieu face à face avant de contraindre le Diable. C’est en vain qu’il a tout immolé pour être successivement un Saint de l’Enfer, puis un Elu du Paradis ; qu’il a incarné tour à tour Judas et Saint-Jean, qu’il a trahi son frère et tendu la joue au soufflet : « Le ciel, dit-il, ignore jusqu’à mon nom. Je me demandais à chaque minute ce que je pouvais être aux yeux de Dieu. À présent, je connais la réponse : rien. Dieu ne me voit pas. Dieu ne m’entend pas. Dieu ne me connaît pas. Tu vois ce vide au-dessus de nos têtes ? C’est Dieu. Tu vois cette brèche dans la porte ? C’est Dieu. Tu vois ce trou dans la terre ? C’est Dieu encore. Le silence, c’est Dieu. L’absence, c’est Dieu. Dieu, c’est la solitude des hommes. Il n’y avait que moi : j’ai décidé seul du Mal ; seul, j’ai inventé le Bien. C’est moi qui ai triché, moi qui ai fait des miracles, c’est moi qui m’accuse aujourd’hui, moi seul qui peut m’absoudre ; moi l’homme !… »
Dès lors, apparaît un Saint d’un type nouveau un Saint laïque, qui décide du Bien et du Mal auxquels il obéit, résolu à conduire le troupeau des hommes vers les gras pâturages en usant du fouet et des chiens, en faisant au besoin fonction de bourreau et de boucher. Goetz, qui rêvait d’être inhumain, devient humain, trop humain, dans sa volonté d’instaurer le règne de l’homme, ce semblable qui trouve le courage et l’audace d’enjamber et de dominer son néant. Le sang est gai ; l’homme n’est désespéré que de la tête. Le corps est bon ; la chiennerie, c’est l’âme !
Avant d’en arriver à cette constatation, Goetz a erré dans de lourdes ténèbres. Il a cru le Mal d’essence simple, cru qu’il avait été établi par Dieu lui-même, qui a rendu impossible l’amour, impossible la justice, impossible la charité. « Il suffit qu’un seul homme en haïsse un autre, dit Heinrich, pour que la haine gagne de proche en proche l’humanité entière. La terre pue !… » Plus tard, dans le second volet du triptyque de sa tentation, Goetz dira : « Le Mal, ce n’était que moi. Le Bien, c’est tout !… » Mais le Bien l’abandonne à son tour et se retourne contre lui, comme une flamme. Il reste à l’homme l’espace de sa solitude, espace dans lequel le théâtre de Sartre, qu’il prenne pour décor les remparts d’Argos, la chambre de « Huis-Clos », ou le camp militaire du « Diable » est fondé. Ce théâtre, avec une inlassable et douloureuse obstination pose le seul problème qui vaille : celui de l’homme devant sa liberté et son destin. C’est, souvent, sous une autre forme, le vieux et coriace problème de la grâce. Dirai-je qu’il y répond ? Il se trouve en tout cas formulé avec une netteté et une franchise qui déconcertent d’autant plus qu’elles semblent avoir été reçues du grand public en un temps où le bruit extérieur assourdit. Une certaine presse a trop parlé, dans la période d’après guerre des méfaits de l’existentialisme, confondu avec l’habitat troglodyte et la mode des chemises à carreaux, pour ne pas réaffirmer ici, avec Sartre lui-même, qu’il est un humanisme et une quête de vérité. Goetz est un personnage existentialiste en ce sens qu’il reçoit, des différentes expériences de sa vie, des enseignements qui modifient son chemin d’homme et sa morale.
Goetz, personnage à la carrure herculéenne, héros démesuré, a trouvé un interprète à sa taille en la personne de Pierre Brasseur qui, tour à tour rugissant et dompté, donne une assez précise idée de l’ouragan qu’il porte en lui. Ce rôle, au demeurant, marque un tournant dans sa carrière. Ceux qu’il avait joués jusque-là ne tenaient pas compte de sa truculence et de sa force, ignoraient les côtés les plus importants de son talent.
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