EDDIE BOYD / THE COMPLETE RECORDING
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THE COMPLETE RECORDING 1947 - 1953
CD1 1947 - 1950
1 I HAD TO LET HER GO
2 KILROY WON'T BACK
3 YOU GOT TO LEAVE THAT GAL
4 ROSA LEE SWING
5 UNFAIR LOVERS
6 BLUE MONDAY BLUES
7 WHY DID SHE LEAVE ME
8 PLAYMATE SHUFFLE
9 MR. HIGHWAY MAN
10 GETTING MY DIVORCE
11 WHAT MAKES THESE THINGS HAPPEN TO ME
12 BABY WHAT'S WRONG WITH YOU
13 CHICAGO IS JUST THAT WAY
14 EDDIE'S BLUES
15 I CAN TRUST MY BABY
16 DOWN BEAT RHYTHM
17 SOMETHING GOOD WILL COME TO ME
18 WHY DON'T YOU BE WISE BABY
19 I GOTTA FIND MY BABY
20 LONESOME FOR MY BABY
21 I'M GOIN' DOWNTOWN
CD2 1915 - 1953
1 FIVE LONG YEARS
2 BLUE COAT MAN
3 HARD HEADED WOMAN
4 BLUE COAT MAN
5 PICTURE IN THE FRAME
6 I GOT THE BLUES
7 GOT LONESOME HERE
8 BEGANTO SING THE BLUES
9 IT'S MISERABLE TO BE ALONE
10 I'M PLEADING
11 24 HOURS
12 HARD TIME GETTING STARTED
13 BEST I COULD
14 THE TICKLER
15 BLUES FOR BABY
16 COOL KIND TREATMENT
17 BACK BEAT
18 ROSALEE SWING
19 THAT'S WHEN I MISS YOU SO
20 THIRD DEGREE
21 FOUR LEAF CLOVER
22 BACK BEAT
23 THE TICKLER
Edward Riley Boyd est né le 25 novembre 1914 non loin de Clarksdale, en plein cœur du delta du Mississippi. Son père, qui était employé à la terre, jouait de la guitare. Et c'est sans doute pourquoi, vers 13 ans, alors qu'il travaillait lui aussi dans une plantation, le jeune Eddie commença à s'exercer sur ce même instrument. Un an plus tard, en 1928, il gagne Memphis et, à partir de là, circule à droite et à gauche, dans l'Arkansas, le Mississippi, le Tennessee, le Missouri, tous ces états chargés de blues même si lui-même ne fait pas encore vraiment de musique. Mais il y arrive petit à petit et, vers 1931, fait partie d'un country dance band qui se produit à Woodstock (Tennessee). Plus tard, il se met au piano et chante dans les clubs de Beale Street à Memphis en solo puis, vers 1937, dans le petit orchestre de Willie Hurd (ou Heard) où figure le jeune clarinettiste Alex Atkins qu'on retrouvera plus tard jouant du saxo dans de nombreux blues bands de Chicago, ceux de Memphis Slim et de Muddy Waters entre autres. Avec ces Dixie Rhythm Boys, il fait de fréquentes virées dans les états voisins puis, en 1939, s'installe pour dix-huit mois dans un club de Carruthersville (Missouri), le Blue Moon.
En 1941, en ayant soupé du Sud ségrégationniste, Eddie Boyd gagne Chicago et occupe un emploi. Prenant rapidement contact avec la scène du blues local, il s'associe d'abord avec le chanteur-guitariste Johnny Shines, monté à peu près en même temps que lui et, ensemble, ils se produisent au Big Jerry Johnson's Cozy Corner. En ce début des années 40, on peut également l'entendre avec Memphis Slim (son présumé demi-frère) dans les bars et clubs du South Side. En 1942, Eddie rencontre une véritable star du blues local en la personne de John Lee "Sonny Boy" Williamson. Avec l'orchestre qu'il a formé (Lee Cooper, guitare, Alfred Elkins, basse, Alfred Wallace, batterie), il devient l'accompagnateur privilégié du chanteur-harmoniciste dans les clubs tels que le Triangle Inn, le Club Georgia ou le Flame Club, se produisant souvent en cet endroit durant les années 46/48 même lorsque Sonny Boy a des affaires ailleurs. Grâce à Williamson, avec qui il restera lié jusqu'à la mort du grand bluesman, il croise un jour, chez Tampa Red, le grand manitou du Chicago blues Lester Melrose. C'est à la suite de cette rencontre qu'en juillet 1945 il va accompagner en studio Sonny Boy Williamson sur quatre titres, s'offrant un solo remarqué dans Elevator Woman.
Durant cette période, Eddie joue également avec Muddy Waters dans le West Side mais cela ne semble pas avoir très bien fonctionné musicalement, le blues rustique et saturé du chanteur-guitariste s'accommodant mal de la délicatesse du pianiste pourtant solide dans ses bases. Originaire du même patelin que Muddy (paraît-il son cousin), Boyd s'est depuis longtemps urbanisé et a affiné son jeu. Il a entendu les disques de Leroy Carr, a rencontré Roosevelt Sykes, a écouté attentivement Fats Waller et, comme tout le monde, s'intéresse au même moment à Charles Brown qui fait un tabac avec les Three Blazers. Mais si lui-même est attiré vers ce registre plus sophistiqué, Muddy Waters, comme il l'a reconnu lui-même, ne peut jouer comme Johnny Moore !
Eddie Boyd n'est pas non plus resté insensible au jeu de Big Maceo, qu'il appréciait humainement beaucoup (2). Et lorsque le célèbre chanteur-pianiste a été frappé de paralysie, c'est Eddie qui a été choisi pour le remplacer — Maceo se contentant de chanter — lors de sa dernière séance Victor en février 1947, respectant parfaitement l'esprit du jeu de son aîné.
Un mois et demi plus tard il se retrouve en studio avec le J.T. Brown's Boogie Band et, curieusement, chante deux swinguants morceaux... sans s'accompagner ! C'est James Clark, membre de l'orchestre et qui interprète lui-même deux pièces (parues sous le nom de Memphis Jimmy), qui reste assis au piano ; la guitare étant tenue par le beau-frère d'Eddie, Lonnie Graham, qui jouera régulièrement avec lui dans les années 48/52. Durant cette année 1947, Eddie Boyd va encore se retrouver à plusieurs reprises dans les studios Victor, d'abord en avril pour accompagner le chanteur-harmoniciste Jazz Gillum, lequel se repose très largement sur son pianiste (You Got To Run Me Down, Gonna Take My Rap), puis de nouveau Sonny Boy Williamson en septembre, chaque fois avec le trio maison Willie Lacey-Ransom Knowling-Judge Riley qu'il retrouvera à ses côtés fin 1948.
Deux séances lui sont réservées à l'automne. Il enregistre avec un orchestre plus étoffé comprenant les saxes qui accompagnent Roosevelt Sykes. Les huit faces gravées, excellentes et variées, le placent dans une voie post-Bluebird blues avec un côté rhythm and blues jazzy, cette voie dans laquelle sont engagés Sykes précisément ou Memphis Slim. C'est en cette fin d'année 47 que Boyd aurait eu un entretien négatif avec les frères Chess (3).
Un an plus tard, en décembre 1948, Eddie Boyd s'oriente vers une formule "blues" à la fois plus traditionnelle et moderne qui lui permet de mieux exprimer le caractère plus introverti et réservé de sa musique et de donner plus d'importance aux paroles (Chicago Is Just That Way). Ce qui n'exclue pas la force ni la confiance, la solidité ni la maîtrise lorsqu'il laisse de l'espace à son jeu de piano (Eddie's Blues). Demeure dans ses blues une vigueur alimentée par la dure atmosphère chicagoane qu'on ne trouve pas chez ses homologues californiens et à laquelle contribue l'excellent guitariste Willie Lacey.
C'est pourtant dans une formule "californienne" (piano-guitare-basse) qu'il se retrouve en studio six mois plus tard. Malheureusement, les quatre pièces tournées se jour-là resteront dans les tiroirs... jusqu'à aujourd'hui où ils paraissent pour la première fois grâce à Jacques Morgantini qui en possédait copie (4).
L'aventure Victor est terminée.
Remarié en 1977 avec une jeune finlandaise, Eddie Boyd meurt à Helsinki le 13 juillet 1994 après de graves ennuis de santé.
Jean Buzelin
Eddie Boyd Le bluesman en Europe se trouve dans une situation ambiguë : tantôt révéré, parfois même à outrance par un public idolâtre, tantôt "banalisé" par d'autres qui jettent sur lui un regard hautain et condescendant comme s'il s'agissait d'une pièce de musée. Émigré à Chicago, le bluesman du Sud se retrouve quand même "chez lui", au sein d'une communauté dans laquelle il s'intègre naturellement. Émigré en Europe, il est confronté à une culture, une langue, un univers différents. Alors que souvent il sait à peine lire et écrire, il se retrouve la plupart du temps dans un milieu "intello" où il est complètement décalé. Pas facile de se trouver une place, pas facile de rester soi-même tout en s'adaptant, surtout s'il a, comme Eddie Boyd, une rigueur humaine, une haute idée de sa fonction et une grande conscience professionnelle (1). Ensuite, il faut gérer sa carrière, ce qui n'est ni plus difficile ni plus facile qu'aux États-Unis. Certains étaient doués pour ça, comme Memphis Slim devenu une vedette indépendamment du circuit blues, d'autres avaient su cultiver leur personnage comme Champion Jack Dupree, mais certains, comme Curtis Jones, n'ont jamais réussi à s'imposer. Remarquez que tous ces bluesmen étaient pianistes, imaginez, par exemple, Lightnin' Hopkins seul avec sa guitare dans un bar d'hôtel chic, il aurait été remercié au bout de trois jours ! Chanteur et pianiste lui aussi, Eddie Boyd a tout simplement réussi sa vie, en Europe, ce qui n'est déjà pas si facile. Mais qui était-il ? qu'avait-il fait avant de poser ses valises sur le vieux continent ? Edward Riley Boyd est né le 25 novembre 1914 non loin de Clarksdale, en plein cœur du delta du Mississippi. Son père, qui était employé à la terre, jouait de la guitare. Et c'est sans doute pourquoi, vers 13 ans, alors qu'il travaillait lui aussi dans une plantation, le jeune Eddie commença à s'exercer sur ce même instrument. Un an plus tard, en 1928, il gagne Memphis et, à partir de là, circule à droite et à gauche, dans l'Arkansas, le Mississippi, le Tennessee, le Missouri, tous ces états chargés de blues même si lui-même ne fait pas encore vraiment de musique. Mais il y arrive petit à petit et, vers 1931, fait partie d'un country dance band qui se produit à Woodstock (Tennessee). Plus tard, il se met au piano et chante dans les clubs de Beale Street à Memphis en solo puis, vers 1937, dans le petit orchestre de Willie Hurd (ou Heard) où figure le jeune clarinettiste Alex Atkins qu'on retrouvera plus tard jouant du saxo dans de nombreux blues bands de Chicago, ceux de Memphis Slim et de Muddy Waters entre autres. Avec ces Dixie Rhythm Boys, il fait de fréquentes virées dans les états voisins puis, en 1939, s'installe pour dix-huit mois dans un club de Carruthersville (Missouri), le Blue Moon. En 1941, en ayant soupé du Sud ségrégationniste, Eddie Boyd gagne Chicago et occupe un emploi. Prenant rapidement contact avec la scène du blues local, il s'associe d'abord avec le chanteur-guitariste Johnny Shines, monté à peu près en même temps que lui et, ensemble, ils se produisent au Big Jerry Johnson's Cozy Corner. En ce début des années 40, on peut également l'entendre avec Memphis Slim (son présumé demi-frère) dans les bars et clubs du South Side. En 1942, Eddie rencontre une véritable star du blues local en la personne de John Lee "Sonny Boy" Williamson. Avec l'orchestre qu'il a formé (Lee Cooper, guitare, Alfred Elkins, basse, Alfred Wallace, batterie), il devient l'accompagnateur privilégié du chanteur-harmoniciste dans les clubs tels que le Triangle Inn, le Club Georgia ou le Flame Club, se produisant souvent en cet endroit durant les années 46/48 même lorsque Sonny Boy a des affaires ailleurs. Grâce à Williamson, avec qui il restera lié jusqu'à la mort du grand bluesman, il croise un jour, chez Tampa Red, le grand manitou du Chicago blues Lester Melrose. C'est à la suite de cette rencontre qu'en juillet 1945 il va accompagner en studio Sonny Boy Williamson sur quatre titres, s'offrant un solo remarqué dans Elevator Woman. Durant cette période, Eddie joue également avec Muddy Waters dans le West Side mais cela ne semble pas avoir très bien fonctionné musicalement, le blues rustique et saturé du chanteur-guitariste s'accommodant mal de la délicatesse du pianiste pourtant solide dans ses bases. Originaire du même patelin que Muddy (paraît-il son cousin), Boyd s'est depuis longtemps urbanisé et a affiné son jeu. Il a entendu les disques de Leroy Carr, a rencontré Roosevelt Sykes, a écouté attentivement Fats Waller et, comme tout le monde, s'intéresse au même moment à Charles Brown qui fait un tabac avec les Three Blazers. Mais si lui-même est attiré vers ce registre plus sophistiqué, Muddy Waters, comme il l'a reconnu lui-même, ne peut jouer comme Johnny Moore ! Eddie Boyd n'est pas non plus resté insensible au jeu de Big Maceo, qu'il appréciait humainement beaucoup (2). Et lorsque le célèbre chanteur-pianiste a été frappé de paralysie, c'est Eddie qui a été choisi pour le remplacer — Maceo se contentant de chanter — lors de sa dernière séance Victor en février 1947, respectant parfaitement l'esprit du jeu de son aîné. Un mois et demi plus tard il se retrouve en studio avec le J.T. Brown's Boogie Band et, curieusement, chante deux swinguants morceaux... sans s'accompagner ! C'est James Clark, membre de l'orchestre et qui interprète lui-même deux pièces (parues sous le nom de Memphis Jimmy), qui reste assis au piano ; la guitare étant tenue par le beau-frère d'Eddie, Lonnie Graham, qui jouera régulièrement avec lui dans les années 48/52. Durant cette année 1947, Eddie Boyd va encore se retrouver à plusieurs reprises dans les studios Victor, d'abord en avril pour accompagner le chanteur-harmoniciste Jazz Gillum, lequel se repose très largement sur son pianiste (You Got To Run Me Down, Gonna Take My Rap), puis de nouveau Sonny Boy Williamson en septembre, chaque fois avec le trio maison Willie Lacey-Ransom Knowling-Judge Riley qu'il retrouvera à ses côtés fin 1948. Deux séances lui sont réservées à l'automne. Il enregistre avec un orchestre plus étoffé comprenant les saxes qui accompagnent Roosevelt Sykes. Les huit faces gravées, excellentes et variées, le placent dans une voie post-Bluebird blues avec un côté rhythm and blues jazzy, cette voie dans laquelle sont engagés Sykes précisément ou Memphis Slim. C'est en cette fin d'année 47 que Boyd aurait eu un entretien négatif avec les frères Chess (3). Un an plus tard, en décembre 1948, Eddie Boyd s'oriente vers une formule "blues" à la fois plus traditionnelle et moderne qui lui permet de mieux exprimer le caractère plus introverti et réservé de sa musique et de donner plus d'importance aux paroles (Chicago Is Just That Way). Ce qui n'exclue pas la force ni la confiance, la solidité ni la maîtrise lorsqu'il laisse de l'espace à son jeu de piano (Eddie's Blues). Demeure dans ses blues une vigueur alimentée par la dure atmosphère chicagoane qu'on ne trouve pas chez ses homologues californiens et à laquelle contribue l'excellent guitariste Willie Lacey. C'est pourtant dans une formule "californienne" (piano-guitare-basse) qu'il se retrouve en studio six mois plus tard. Malheureusement, les quatre pièces tournées se jour-là resteront dans les tiroirs... jusqu'à aujourd'hui où ils paraissent pour la première fois grâce à Jacques Morgantini qui en possédait copie (4). L'aventure Victor est terminée. On a avancé plusieurs raisons à cela : les problèmes de royalties avec Melrose — contrairement à certains de ses collègues bluesmen, Boyd n'a pas dû se laisser faire — et la vente médiocre de ses disques. Mais de toutes façons, pour lui comme pour les "vedettes" de l'écurie (Gillum, Washboard Sam et bientôt Sykes, Tampa Red et Arthur Crudup), l'aventure touchait à sa fin. Melrose, et avec lui Victor, avaient loupé le coche du nouveau Chicago blues et la maison ne faisait plus aucun effort de distribution... où on sombrait, où on allait voir ailleurs. L'année suivante, Eddie Boyd sort donc un disque chez Regal avec quelques-uns de ses anciens compagnons, disque "bordélique" bien loin de la qualité des précédents et que le chanteur-pianiste regrette d'avoir fait. On le comprend mais, pour l'intégralité et la cohérence de notre projet, nous l'avons inclus d'autant qu'il s'agit d'une rareté, comme le disque Herald qui le suit et est musicalement bien supérieur (5). Mais Eddie est découragé. Il décide de quitter le music business et s'embauche dans une aciérie avec l'espoir de mettre un peu d'argent de côté pour financer ses propres productions. C'est ainsi qu'en mai 1951 il enregistre à son compte Five Long Years qu'il va proposer à Joe Brown et James B. Oden (St.Louis Jimmy), les propriétaires du petit label JOB. Puis, vers octobre, il a un second contact avec les frères Chess pour qui il grave quatre titres qui ne paraissent pas (3). Quelques mois plus tard, en 1952, JOB met sur le marché Five Long Years et... c'est la folie. Entré au Top national R&B en septembre, il grimpe à la première place et reste quinze semaines dans les charts, un exploit pour un disque de blues "classique" (6) ! D'un seul coup, la situation change totalement pour notre "ouvrier-bluesman" qui se retrouve à la tête d'un orchestre de huit musiciens dirigé par le guitariste Robert Jr Lockwood avec lequel il entame des tournées dans le Midwest et dans le Sud, partageant l'affiche avec B.B. King, John Lee Hooker, Little Walter, Lloyd Price, Roy Milton, Memphis Slim et autres vedettes noires du moment. Malheureusement la petite maison JOB n'arrive pas à "assurer". Chess revient à la charge et signe pour de bon avec le chanteur-pianiste qui obtient rapidement deux nouveaux hits en 1953 avec 24 Hours (n°10) et Third Degree (n°7). Mais en 1957, la collaboration avec Chess touche à sa fin d'autant que Boyd est victime, avec St.Louis Jimmy, d'un grave accident de voiture qui l'immobilise de longs mois. Mais le blues traditionnel est aussi en déclin auprès de son public habituel dont les générations se tournent vers d'autres musiques plus "à la mode". Il reprend sa place initiale de musique du ghetto et Eddie, tout en continuant ses activités musicales nocturnes dans les clubs ou diurnes dans les rues de Chicago (7), tout en sortant deci delà quelques 45 tours sur de petits labels — notons aussi une tournée et un séjour californiens en 1962 — choisit d'exploiter une petite ferme dans l'Illinois. Et voilà qu'il est sollicité pour participer à l'annuelle tournée européenne de l'American Folk Blues Festival en 1965. Après un premier album réalisé à Londres avec Buddy Guy et ses compagnons de tournée, et sentant une opportunité de relancer sa carrière sur le continent, Eddie ne reprend pas l'avion du retour et commence à donner des concerts en France, en Suisse, en Belgique où il s'est installé, en Hollande... Il retourne à Chicago en 1967, trouve quelques engagements mais, décidément, l'appel venu de l'autre côté de l'Atlantique est le plus fort et c'est avec l'idée d'y rester définitivement qu'il retourne en Europe. Pendant plusieurs années, il va déployer une activité musicale intense : album Philips à Hilversum avec des musiciens hollandais, tournée anglaise et album Decca avec les John Mayall's Bluesbreakers, albums Storyville et Bluesbeat en solo en Suisse, album Blue Horizon avec Fleetwood Mac, passage aux Trois Mailletz à Paris où il séjourne un moment, tournées de concerts à travers toute l'Europe, etc. Après avoir habité quelque temps à Bâle et à Lausanne, il choisit de se fixer pour de bon en 1970 à Helsinki où il trouve une atmosphère apaisante et du travail régulièrement (clubs, concerts, disques), ce qui ne l'empêche pas de participer à la tournée européenne de l'American Blues Legends en 1974, aux Nancy Jazz Pulsations en 75, au North Sea Jazz Festival de La Haye en 76... voire de retourner à Chicago en 77 ou d'enregistrer un disque lors d'un séjour parisien en 1980 (8). Remarié en 1977 avec une jeune finlandaise, Eddie Boyd meurt à Helsinki le 13 juillet 1994 après de graves ennuis de santé. Le CD que nous vous présentons comprend l'intégrale des enregistrements effectués par Eddie Boyd sous son nom entre 1947 et 1950, soit le tout début de sa carrière phonographique, des disques rares — sans parler des inédits — qui dans leur majorité n'avaient jamais été réédités depuis leur parution en 78 tours. Ce qui peut surprendre compte tenu de leur qualité. Car même si la musique du chanteur-pianiste évoluera par la suite, il ne s'agit en aucun cas d'œuvres "de jeunesse". On sent un parfait contrôle du piano qu'il maîtrise totalement en évitant tout brillant, tout effet spectaculaire mais, au contraire, en installant de solides basses qui créent immédiatement un climat prenant que renforce son chant. Pour Gérard Herzhaft, c'est en effet "un chanteur merveilleux à la voix embrumée" qui, ajoute Jean-Claude Arnaudon, "d'une voix chaude et bien timbrée, chante avec émotion des textes d'une grande qualité poétique, marqués par le désenchantement". Eddie Boyd était un homme réservé mais pas résigné. Lucide et exigeant, fidèle en amitié et tolérant, d'une grande honnêteté professionnelle, il possédait en fait des qualités qu'on ne réclame pas toujours dans le "milieu" mais qui, avec le temps et œuvre à l'appui, permettent de mesurer la grandeur de l'homme et de l'artiste. Jean Buzelin Notes : (1) Je me souviens l'avoir entendu se plaindre un soir, dans un cabaret parisien, de l'état pitoyable du piano sur lequel il était obligé de jouer ; aurait-on proposé le même instrument à un pianiste de jazz, français ou étranger ? (2) Lire le portrait qu'il en a fait à Sébastian Danchin dans Soul Bag (n°137, hiver 1995). (3) Il aurait peut-être enregistré pour eux fin 47 quatre morceaux pour qui n'ont jamais été publiés, mais il est plus probable que ces titres mystérieux soient ceux effectivement mis en boîte vers octobre 51 et longtemps restés inédits. (4) Trois sur quatre figurent dans notre CD ; nous avons écarté Baby Come Back To Me (mx D9VB-1097) absolument impubliable tant techniquement que musicalement. (5) Si, sur ces deux faces, le guitariste "sonne" comme Sam Casimir, il pourrait aussi s'agir de Lonnie Graham, l'accompagnateur régulier de Boyd, voire de Robert Jr Lockwood. (6) Il faut croire que 1952 a été une année d'engouement exceptionnel pour le blues "traditionnel" urbain de la part de la population noire, puisque 3 O'Clock Blues et You Know I Love You par B.B. King, Juke par Little Walter et I Don't Know par Willie Mabon ont également été classés n°1. (7) Voir sa rencontre en 1959 avec Jacques Demêtre et Marcel Chauvard au cours de leur Voyage au Pays du Blues (Clarb/Soul Bag, Paris 1994). (8) “A Sad Day”, publié en LP par Paris-Album, réédité en CD par EPM/Blues Collection (157812). Nous remercions chaleureusement Daniel Gugolz et Jacques Morgantini qui ont mis à notre disposition leurs rares 78 tours. EDDIE BOYD – THE COMPLETE RECORDINGS (1947-1950) Bluesmen in Europe are in an ambiguous situation: revered, even idolised by some fans, condescended to by others as if they were museum pieces. Those who emigrated to Chicago were still “at home”, integrating naturally into the community. Those who emigrated to Europe were confronted by a different culture, language and way of life. Although they could barely read and write, they often found themselves in an intellectual environment where they were like fish out of water. It was not easy to create a space where they could remain themselves while trying to adapt at the same time, especially if, as in the case of Eddie Boyd, they had certain principles, a belief in what they were doing and took their work very seriously (1). In addition they had to manage their career, something that was neither more difficult nor easier than in the States. Some managed this very well, like Memphis Slim who became an independent star on the blues circuit, others, like Champion Jack Dupree, cultivated their personality, but some, like Curtis Jones never managed to make an impression. All these bluesmen were, of course, pianists: would Lightnin’ Hopkins and his guitar in a chic hotel bar have been sacked after three days? Also a singer and pianist, Eddie Boyd quite simply made a successful life for himself in Europe. But who was he? How did he come to settle in Europe? Edward Riley Boyd was born on 25 November 1914 near Clarksdale, in the heart of the Mississippi Delta. His father, a farm worker, played guitar. This is probably why, when he was around 13 and also working on a plantation, that the young Eddie took up the same instrument. A year later, in 1928, he arrived in Memphis and travelled all over, in Arkansas, Mississippi, Tennessee and Missouri, all those states that abounded in the blues, even though he himself was not yet really playing music. But he gradually started and, around 1931, was part of a country dance band appearing in Woodstock, Tennessee. Later he took up piano and sang in Memphis’ Beale Street clubs, first solo then, around 1937, in Willie Hurd’s (or Heard) small band that featured the young clarinettist Alex Atkins who would later play sax in numerous Chicago blues bands, including those of Muddy Waters and Memphis Slim. With this Dixie Rhythm Boys, Eddie Boyd played frequent stints in neighbouring states until, in 1939, he played an eighteen-month residency at the Blue Moon in Carruthersville, Missouri. In 1941, having had enough of southern racism, Eddie Boyd moved up to Chicago where, after getting a job, he soon made contact with the local blues scene. First of all, he teamed up with singer-guitarist Johnny Shines, who had moved to Chicago around the same time, and they appeared together at Big Jerry Johnson’s Cozy Corner. During the early 40s he also played with Memphis Slim (his supposed half-brother) in clubs and bars on the South Side. In 1942, Eddie met a veritable local blues star in the person of singer/harp player John Lee “Sonny Boy” Williamson. He became the favourite accompanist with the latter’s band (Lee Cooper on guitar, Alfred Elkins on bass and Alfred Wallace on drums) in clubs such as the Triangle Inn, the Georgia Club and the Flame Club where he often appeared during 1946/48 even when Sonny Boy was working elsewhere. Thanks to Williamson, with whom he retained close ties until the great bluesman’s death, it was at Tampa Red’s house that he met the big shot of Chicago blues, Lester Melrose. As a result of this meeting he found himself in the studios in July 1945, accompanying Sonny Boy Williamson on four titles, producing an outstanding solo on Elevator Woman. During this same period, Eddie also played with Muddy Waters on the West Side but this association does not seem to have worked very well musically, Waters’ country, smoky blues were not really adapted to the more delicate approach of the pianist. Born in the same neck of the woods as Muddy (apparently they were cousins), he had become a city boy and polished up his playing. He had heard Leroy Carr records, met Roosevelt Sykes, listened carefully to Fats Waller and, like everyone at the time, was interested in Charles Brown who created a sensation with the Three Blazers. But, while he was attracted to this more sophisticated approach, Muddy Waters, as he himself admitted, could not play like Johnny Moore! Eddie Boyd was also sensitive to the Big Maceo's playing. He was is friend (2) and when the well-known pianist-singer was paralysed, Eddie played piano for him in his last Victor session on February 1947. A month and a half later he was back in the studios with J.T. Brown’s Boogie Band when, strangely enough, he sang two swinging pieces but without accompanying himself! It was James Clark, a member of the orchestra and who himself interpreted two titles under the name of Memphis Jimmy, who was on piano, and on guitar was Eddie’s brother-in-law, Lonnie Graham, who played with him regularly between 1948 and 1952. 1947 found Eddie Boyd back in Victor’s studios several times, first in April accompanying singer-harmonica player Jazz Gillum who relied to a great extent on his pianist (You Got To Run Me Down, Gonna Take My Rap), then again with Sonny Boy Williamson in September, both times with the in-house trio Willie Lacey-Ransom Knowling-Judge Riley, with whom he would record again at the end of 1948. There were two more sessions in the autumn with a bigger formation including the saxes that played with Roosevelt Sykes, when eight excellent sides were recorded in a post-Bluebird blues vein, incorporating a jazzy rhythm and blues approach that Sykes and Memphis Slim had already adopted. It was towards the end of 1947 that Eddie Boyd had a talk with Chess that led nowhere (3). A year later, in December 1948, he began to turn towards a more traditional and yet modern style of blues that enabled him to express the more introverted and personal side of his music, placing more importance on the lyrics (Chicago Is Just That Way). But this did not mean that his piano playing was less forceful (Eddie’s Blues). His blues still incorporated that tough Chicago feeling that was not apparent in the playing of his Californian peers and to which the excellent guitarist Willie Lacey contributed a great deal. However, it was in a Californian line-up (piano-guitar-bass) that he returned to the studios six months later. Unfortunately the four sides cut were never released… until today when they appear for the first time, thanks to Jacques Morgantini who had a copy (4). The Victor adventure ended here. Several reasons have been suggested: royalty problems with Melrose — unlike certain of his blues colleagues, Boyd did not let himself be taken for a ride — and poor sales of his records. In any case, for him as for “stars” of the stable (Gillum, Washboard Sam and, later, Sykes, Tampa Red and Arthur Crudup) it all came to an end. Melrose, together with Victor, had missed the boat of the new Chicago blues and the label made no distribution outlay. The following year, Eddie Boyd, with some of his old friends, made a record for Regal that turned out a shambles and Eddie regretted having made it. We have, however, still included it here for the sake of coherence and also because it is a rarity, like the Herald record that follows and is by far superior musically speaking (5). But, discouraged, Eddie decided to quit the music business and got a job in a steel factory hoping to be able to save a little money to finance his own productions. Thus in May 1951 he made Five Long Years independently and offered it to Joe Brown and James B. Oden (St. Louis Jimmy) who owned the small JOB label. Then, around October, he got a second contact with the Chess brothers for whom he cut four sides that were never issued (3). A few months later JOB launched Five Long Years on the market and… it was crazy. It got into the Top R & B national chart in September, climbing to first place and stayed in the charts for fifteen weeks, an exploit for a classic blues record (6)! Now the situation had completely changed for our “steelworker/bluesman” who found himself fronting an eight-piece band led by guitarist Robert Jr Lockwood with which he went touring in the Midwest and the South, sharing the billing with B.B. King, John Lee Hooker, Little Walter, Lloyd Price, Roy Milton, Memphis Slim and other popular black musicians. Unfortunately, the small JOB label could not keep going. Chess reappeared on the scene and signed up the pianist for good. He quickly achieved two new hits in 1953 with 24 Hours (n°10) and Third Degree (n° 7). But the collaboration with Chess ended in 1957 after Boyd and St. Louis Jimmy were involved in a car accident that laid the pianist on his back for many months. Also traditional blues was losing its popularity with its regular listeners who were now turning towards more modern music. It returned to being a music of the ghettos and Eddie, while still continuing to play at night in Chicago clubs and on the streets during the day (7), and bringing out occasional 45 rpms on small labels — plus a tour and a residency in California in 1962 — opted to exploit a small farm in Illinois. And then came the day when he was invited to participate in the 1965 European tour of the American Folk Blues Festival. Following a first album made in London with Buddy Guy and his tour companions and, seizing a chance to relaunch his career in Europe, Eddie did not return to the States. He began giving concerts in France, Switzerland, Belgium (where he settled), Holland… He went back to Chicago in 1967, found some work but he could not resist the lure of Europe and returned with the intention of definitely settling there. He was extremely active for several years: a Philips album in Hilversum with Dutch musicians, an English tour and a Decca album with John Mayall’s Bluesbreakers, solo albums for Storyville and Bluesbeat in Switzerland, a Blue Horizon album with Fleetwood Mac, an appearance at the Trois Mailletz in Paris where he stayed a while, concert tours throughout Europe etc. After having lived for a time in Basle and Lausanne, he finally settled down in Helsinki where he found not only a peaceful atmosphere but plenty of work (clubs, concerts, records), which did not prevent him from taking part in the 1974 American Blues Legends tour, in the 1975 Nancy Jazz Pulsations and in the North Sea Jazz Festival at the Hague in 1976… even returning to Chicago in 1977 and making a record in Paris in 1980 (8). He got married again in 1977 to a young Finnish girl. He died in Helsinki on 13 July 1994 after a serious illness. The present CD comprises all the recordings made by Eddie Boyd under his own name between 1947 and 1950 i.e. the very beginning of his recording career, rare records — plus some unissued ones —most of which have never been reissued since they first appeared on 78. Their quality is surprisingly good. For, even though he did develop further later, these can in no way be considered “youthful” tracks. He is already in perfect control of his piano, avoiding any spectacular effects but, on the contrary, setting up solid bass lines that immediately create a compelling atmosphere and underline his vocals. Gérard Herzhaft has described him as “a wonderful singer with a smoky voice”, Jean-Claude Arnaudon adding that “he used his warm and resonant voice to sing highly poetical lyrics that always held a hint of disillusion.” Although Eddie Boyd was a reserved person, he did not just sit back in the face of life. He set high standards both in his professional and personal life, possessing qualities that are not always to be found in this milieu but which go to prove what a great man and a great artist he was. Adapted from the French by Joyce Waterhouse Notes: (1) I remember hearing him complain one night of the bad state the piano was in that he was expected to play on. Would the same instrument have been offered to a French or foreign jazz pianist? (2) Read Sebastian Danchin’s portrait of him in Soul Bag (n° 137, winter 1955). (3) It appears that, towards the end of 1947, he recorded for them four titles that were never issued; unless these are the same titles that were put aside around October 1951 and that remained unissued for a long time. (4) Three out of four appear on this CD; we have omitted Baby Come Back To Me (mx D9VB-1097) that is impossible to publish both on a technical and musical level. (5) While, on two sides, the guitarist does sound like Sam Casimir, it could also be Lonnie Graham, Boyd’s regular accompanist, or even Robert Jr Lockwood. (6 )It would seem that 1952 was a year when traditional urban blues became exceptionally popular with black audiences, since B.B. King’s 3 O’Clock Blues and You Know I Love You, Juke by Little Walter and I Don’t Know by Willie Mabon all made it to n° 1. (7) Cf; his meeting in 1959 with Jacques Demêtre and Marcel Chauvard during their Land of the Blues (Clarb/Soul Bag, Paris 1994). (8) “A Sad Day”, issued on LP by Paris-Album, reissued on CD by EPM/Blues Collection (157812) With grateful thanks to Daniel Gugolz and Jacques Morgantini for the loan of their rare