BERLIOZ Hector
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1 à 5 - Symphonie fantastique op 14
London Symphony Orchestra
Durection Hermann Scherchen
enregistré le 21 septembre 1953
6 - Le Roi Lear (ouverture op 4)
Royal Philharmonic Orchestra (Londres)
Direction Sir Thomas Beecham
enregistré le 2 mars 1954
7 - Le Carnaval romain (ouverture op 9)
NBC Symphony Orchestra (New York)
Direction Arturo Toscanini
enregistré le 19 janvier 1953
Hector Berlioz est un compositeur, chef d'orchestre, critique musical et écrivain français, né le 11 décembre 1803 à La Côte-Saint-André (Isère) et mort le 8 mars 1869 à Paris.
Reprenant, immédiatement après Beethoven, la forme symphonique créée par Haydn, Berlioz la renouvelle en profondeur par le biais de la symphonie à programme (Symphonie fantastique), de la symphonie concertante (Harold en Italie) et en créant la « symphonie dramatique » (Roméo et Juliette).
L'échec de Benvenuto Cellini lui ferme les portes de l'Opéra de Paris, en 1838. En conséquence, l'opéra-comique Béatrice et Bénédict est créé à Baden-Baden en 1862, et son chef-d'œuvre lyrique, Les Troyens, ne connaît qu'une création partielle à l'Opéra-Comique, en 1863. Berlioz invente les genres du « monodrame lyrique », avec Lélio ou le Retour à la vie, de la « légende dramatique », avec La Damnation de Faust, et de la « trilogie sacrée », avec L'Enfance du Christ, œuvres conçues pour le concert, entre l'opéra et l'oratorio.
Faisant souvent appel à des effectifs considérables dans sa musique symphonique (Symphonie funèbre et triomphale), religieuse (Requiem, Te Deum) et chorale (L'Impériale et Vox populi pour double chœur, Sara la baigneuse pour triple chœur), Berlioz organise d'importants concerts publics et crée le concept de festival. Enfin, avec La Captive et le cycle des Nuits d'été, il crée le genre de la mélodie avec orchestre, qui se développe aussi bien en France — où s'illustrent notamment Duparc, Chausson, Ravel et André Jolivet — qu'à l'étranger, avec les cycles de Wagner, Mahler, Berg, Schönberg, Richard Strauss et Benjamin Britten.
Toujours en difficultés financières, le compositeur entreprend de présenter lui-même sa musique au cours de vastes tournées de concerts en Allemagne, en Europe centrale et jusqu'en Russie, où sa musique est bien accueillie. Avec son ami Franz Liszt, Berlioz est à l'origine des grands mouvements nationalistes musicaux de la fin du xixe siècle et du xxe siècle, russes (du Groupe des Cinq jusqu'à Stravinsky et Prokofiev), tchèques (de Dvořák à Janáček) et hongrois (jusqu'à Bartók et Kodály).
Reconnu de son vivant comme un maître de l'orchestration et un chef d'orchestre novateur, Berlioz publie, en 1844, son Traité d'instrumentation et d'orchestration, qui inspire de nombreux compositeurs et demeure un modèle pour les ouvrages traitant du même sujet au xxe siècle, tels ceux de Rimski-Korsakov et de Charles Koechlin.
Éminent représentant du romantisme européen, Berlioz se considérait lui-même comme un compositeur classique, prenant comme modèles Gluck, Beethoven et Weber. Sa musique a longtemps fait l'objet de controverses ou de malentendus, principalement en France. C'est en partie pour les dissiper que Berlioz entreprend la rédaction de ses Mémoires, en 1849, et rassemble certains de ses articles et nouvelles, dans des ouvrages aux titres volontiers humoristiques (Les Soirées de l'orchestre, Les Grotesques de la musique, À travers chants).
Il faut pourtant attendre les célébrations du centenaire de sa mort (1969) et du bicentenaire de sa naissance (2003) pour que la valeur artistique et l'importance de son œuvre, ainsi que son rôle déterminant dans l'histoire de la musique, soient enfin reconnus, surtout dans son pays natal, et que l'intégralité de ses partitions majeures soit enregistrée.
La vie de Berlioz a fait l'objet de nombreux commentaires sans nuances : « Quelle vie riche, fine, forte, débordante ! » s'enthousiasme Romain Rolland. « Sa vie fut un martyr », répond André Boucourechliev ; « une suite de catastrophes par lui-même provoquées », selon Antoine Goléa ; une vie « à la fois agitée et tendue, exubérante et crispée» pour Claude Ballif ; « une vie romantique», en somme, selon l'expression de son premier biographe Adolphe Boschot, qui annonce d'emblée « aventures d'amour, suicides, extases, rugissements de douleur, activité fébrile, lutte pour l'argent, misère et ruine, triomphes enivrants, chutes à plat, « volcaniques » aspirations à l'idéal, hantise de la mort, grandes envolées lyriques jusqu'aux sommets du rêve, vieillesse désespérée qui semble l'agonie et le martyre d'un fantôme — vraiment, rien n'a manqué à Berlioz, et pas même les illuminations du génie, pour être le héros le plus représentatif du romantisme français ».
Issu d'une vieille famille de marchands tanneurs du Dauphiné, établis à La Côte-Saint-André dans la plaine de Bièvre depuis le xvie siècle, Hector Berlioz naît le 19 Frimaire An XII, soit le 11 décembre 1803, à cinq heures du soir. Il est le fils du docteur Louis Berlioz, né le 7 juin 1776, et de Marie-Antoinette-Joséphine Marmion, née le 14 octobre 1784 à Grenoble.
Le père d'Hector Berlioz, Louis Berlioz est médecin. « Il a toujours honoré ses fonctions en les remplissant de la façon la plus désintéressée, en bienfaiteur des pauvres, plutôt qu'en homme obligé de vivre de son état. ». Il publie des Mémoires sur les maladies chroniques, les évacuations sanguines et l'acupuncture et est à ce titre considéré comme introducteur de l'acupuncture en France.
Ayant envoyé son fils Hector au séminaire à l'âge de six ans pour y entreprendre ses études, il décide de se charger personnellement de son éducation à la fermeture de l'établissement, en 1811. Berlioz décrit ainsi son père et l'éducation qu'il en a reçue dans ses Mémoires : « Il est doué d'un esprit libre. c'est dire qu'il n'a aucun préjugé social, politique ou religieux. Pauvre père, avec quelle patience infatigable, avec quel soin minutieux et intelligent il a été mon maître de langues, de littérature, d'histoire, de géographie et même de musique ! […] Combien une pareille tâche, accomplie de la sorte, prouve dans un homme de tendresse pour son fils ! et qu'il y a peu de pères qui en soient capables ! »
Le docteur Berlioz apprend à son fils à jouer du flageolet et à lire la musique. Il lui transmet aussi les rudiments de la flûte. Découvrant les dons de son fils et afin de les encourager, il fait venir de Lyon, en 1817, un maître de musique, Imbert, qui enseigne à Hector le chant et la flûte. En 1819, celui-ci est remplacé par Donant14 qui lui apprend à jouer de la guitare. Mais le docteur refusera que son fils entreprenne l'étude du piano, de crainte qu'il ne soit entraîné trop loin et se détourne de la médecine à laquelle il le destine. Berlioz est promu bachelier ès lettres à Grenoble, le 22 mars 1821. Son père lui donne alors des cours d’ostéologie dans l'attente de son départ pour Paris (en octobre) où il doit commencer les études de médecine et assister aux cours d'histoire de Lacretelle15 et de littérature de François Andrieux.
Si le docteur Berlioz fut très opposé à la vocation artistique de son fils, à la fin de sa vie il se rapprochera de lui assez sensiblement. À propos du décès de son père, Berlioz écrit : « Mais à l’affection qui existe naturellement entre un père et son fils, s’était ajoutée pour nous une amitié indépendante de ce sentiment, et plus vive peut-être. Nous avions tant de conformité d’idées sur beaucoup de questions....Il était si heureux d’avoir eu tort dans ses pronostics sur mon avenir musical ! A mon retour de Russie, il m’avoua que l’un de ses plus vifs désirs était de connaître mon Requiem. »
La mère de Berlioz est rarement mentionnée dans ses Mémoires. En mai 1823, le docteur Berlioz ayant autorisé son fils Hector à retourner à Paris étudier la musique pour un certain temps, Berlioz relate l'opposition formelle de celle-ci : « Votre père, me dit-elle, en quittant le tutoiement habituel, a eu la faiblesse de consentir à votre retour à Paris, il favorise vos extravagants et coupables projets ! je n’aurai pas, moi, un pareil reproche à me faire, et je m’oppose formellement à ce départ ! Oui, je m’y oppose, et je vous conjure, Hector, de ne pas persister dans votre folie. Tenez, je me mets à vos genoux, moi, votre mère, je vous supplie humblement d’y renoncer… Et, après un instant de silence : « Tu me refuses, malheureux ! tu as pu, sans te laisser fléchir, voir ta mère à tes pieds ! Eh bien ! pars ! Va te traîner dans les fanges de Paris, déshonorer ton nom, nous faire mourir, ton père et moi, de honte et de chagrin ! Je quitte la maison jusqu'à ce que tu en sois sorti. Tu n’es plus mon fils ! je te maudis ! »… et je dus m’éloigner sans embrasser ma mère, sans en obtenir un mot, un regard, et chargé de sa malédiction ! ».
Une autre anecdote est relatée dans les Mémoires : « Ma mère, qui me taquinait quelquefois au sujet de ma première passion, eut peut-être tort de me jouer alors le tour qu’on va lire. « Tiens, me dit-elle, peu de jours après mon retour de Rome, voilà une lettre qu’on m’a chargée de faire tenir à une dame qui doit passer ici tout à l’heure dans la diligence de Vienne. Va au bureau du courrier, pendant qu’on changera de chevaux, tu demanderas madame F*** et tu lui remettras la lettre. Regarde bien cette dame, je parie que tu la reconnaîtras, quoique tu ne l’aies pas vue depuis dix-sept ans. » Je vais, sans me douter de ce que cela voulait dire, à la station de la diligence. À son arrivée, je m’approche la lettre à la main, demandant madame F***. « C’est moi, monsieur ! » me dit une voix. C’est elle ! me dit un coup sourd qui retentit dans ma poitrine. Estelle !… encore belle !… Estelle !... On prit la lettre. Me reconnut-on ?… je rentrai tout vibrant de la commotion. « Allons, me dit ma mère en m’examinant, je vois que Némorin n’a point oublié son Estelle. » Son Estelle ! méchante mère ! »
Son décès, le 18 février 1838, est seulement mentionné à l'occasion de celui de son époux : « Je reçus la nouvelle de la mort de mon père. J’avais perdu ma mère dix ans auparavant, et cette éternelle séparation m’avait été cruelle… ».
Frères et sœurs[modifier | modifier le code]
Hector est l'aîné d'une fratrie de six enfants, dont deux mourront très jeunes : Louise-Julie-Virginie, née le 10 mai 1807, morte le 10 juin 1814 et Louis-Jules-Félix, né le 10 décembre 1816, mort le 29 mai 1819. Il sera toujours très attaché à ses deux sœurs, Anne-Marguerite, dite Nanci ou Nancy, née le 17 février 1806 et qui mourra le 4 mai 1850— plus encore Adèle-Eugénie, née le 9 mai 1814 et dont la mort, le 2 mars 1860, laissera le compositeur « anéanti » au point d'éclater en sanglots lorsqu'il revoit son portrait dans le salon de son beau-frère à Vienne, en 1864. Il est également très proche de son plus jeune frère, Prosper, né le 26 juin 1820. Ce dernier le rejoint à Paris en octobre 1838, pour y faire ses études. Il meurt à dix-huit ans, le 15 janvier 1839, probablement emporté par une fièvre typhoïde, malgré une légende voulant que sa mort ait résulté de l'exaltation éprouvée en assistant à Benvenuto Cellini, l'opéra de son frère.
À la fin de sa vie, il reverra Estelle, devenue veuve Mme Fornier et vivant au domaine des Allavets de Vif, en Isère. Il entretiendra une correspondance avec elle et lui proposera le mariage, étant lui-même veuf pour la deuxième fois. Elle n’acceptera pas. Estelle est toutefois mentionnée dans son testament : « Je donne et lègue à Mme Estelle Fornier, qui vit en ce moment chez son fils notaire à St-Symphorien-d’Ozon (Isère), la somme de seize cents francs de rente annuelle et viagère. Je la supplie d’accepter cette petite somme comme un souvenir des sentiments que j’ai éprouvés pour elle toute ma vie. »
Au même moment, Berlioz se met à composer. C'est à l'écoute des quatuors de Pleyel et grâce au traité d'harmonie de Charles-Simon Catel qu'il s'initie à l'harmonie. Il compose un pot-pourri à six parties qu'il cherchera vainement à publier, ainsi que deux quintettes pour flûte et cordes dont il reprendra l'un des thèmes dans l'ouverture des Francs-juges (1826) Ses premières publications sont des mélodies (Pleure, pauvre Colette ; Le Dépit de la bergère ; Le Maure jaloux). Il soumet au jugement de Jean-François Lesueur une cantate à grand orchestre (Le Cheval arabe) en vue de son admission dans la classe de composition du maître et compose une scène empruntée au drame de Saurin, Beverley ou le Joueur.
Inscrit à l'école de médecine de Paris, il quitte sa famille fin octobre et suit les cours du programme pendant une année, avant d'écrire à son père qu'il préfère l’art à la médecine : « Je sentis ma passion pour la musique s’accroître et l’emporter sur mon désir de satisfaire mon père ». Il se brouille avec sa famille, fréquente l'Opéra de Paris et suit les enseignements de Jean-François Lesueur, puis d'Antoine Reicha.
« Je jurai, en sortant de l'Opéra, que, malgré père mère, oncles, tantes, grands-parents et amis, je serais musicien. »
En 1823, il est admis parmi les élèves particuliers de Jean-François Lesueur et est inscrit au Conservatoire de Paris en octobre 1826. Il découvre la musique de Weber et compose en 1824 (Berlioz a alors 20 ans) sa première œuvre d'envergure, Le Passage de la mer Rouge (perdue), suivie d'une Messe solennelle. Créée en l'église Saint-Roch le 25 juillet 1825, cette Messe est exécutée une seconde fois à l'église Saint-Eustache en 1827. Excepté le Resurrexit, Berlioz affirme avoir brûlé cette partition, la jugeant de « peu de valeur ». Il en reprend néanmoins des éléments dans Benvenuto Cellini, le Requiem et la Symphonie fantastique. De même, le thème de l’Agnus Dei est repris 25 ans plus tard dans son Te Deum (1849).
Malgré des échecs répétés au concours de Rome (en 1826, il est éliminé à l'examen préliminaire qui consiste en la composition d'une fugue ; en 1827, sa cantate La Mort d'Orphée est déclarée « inexécutable » par le jury ; en 1828, il n'obtient que le second prix avec la cantate Herminie interprétée par Louise Dabadie qui avait obtenu le prix pour Jean-Baptiste Guiraud en 1827), il poursuit ses études au Conservatoire, dirigé alors par le grand maître de l'époque, Luigi Cherubini, avec Antoine Reicha pour la fugue et le contrepoint, et Jean-François Lesueur pour la composition.
L'exécution en 1828 des symphonies de Beethoven par François-Antoine Habeneck, sera une révélation, pour Berlioz. « Je venais d’apercevoir en deux apparitions Shakespeare et Weber ; aussitôt, à un autre point de l’horizon, je vis se lever l’immense Beethoven. La secousse que j’en reçus fut presque comparable à celle que m’avait donnée Shakespeare. Il m’ouvrait un monde nouveau en musique, comme le poète m’avait dévoilé un nouvel univers en poésie. »
Fiancé à la pianiste Marie-Félicité Moke, il découvre également Goethe et son Faust dans la traduction de Gérard de Nerval, et compose en 1829 Huit scènes de Faust qui, remaniées, deviendront la légende dramatique La Damnation de Faust en 1846
C'est en 1830, à sa cinquième tentative – éliminé à l'examen préliminaire en 1826, il est admis à concourir en 1827 mais La Mort d'Orphée est déclarée « inexécutable » ; il n'obtient qu'un second prix en 1828 avec Herminie ; le premier grand prix n'est pas décerné en 1829, année où il compose Cléopâtre – que Berlioz remporte finalement le Prix de Rome avec sa cantate Sardanapale. Dans son esprit, ce concours n'a pour objectif que de convaincre sa famille de sa valeur grâce à la recommandation que constitue un prix attribué par l'Académie des beaux-arts. Dans sa lettre du 12 août 1829 à sa sœur Nancy, il écrit en effet : « Que veux-tu que je te dise, ma pauvre sœur, ce maudit concours ne m'intéressait que pour mon père. »
Désappointé par son échec de l'année précédente avec sa cantate Cléopâtre, incomprise du jury (aucun grand prix n'ayant été décerné cette année-là), il décide de refréner son audace habituelle, ce qui s'avère payant. Le 23 août 1830, il écrit à sa mère : « Et voyez la bonhomie de Cherubini qui disait à M. Lesueur « Mais diable c'est un homme ; il faut qu'il ait terriblement travaillé depuis l'année dernière ». Peut-on imaginer un aveuglement pareil, attribuer à l’excès de travail l'invention de quelques mélodies bienheureuses, et me croire grandi quand je me suis rapetissé de moitié » .
La remise des prix a lieu le 30 octobre 1830 et la cantate couronnée est exécutée. Berlioz avait modifié l'ouvrage en ajoutant un morceau purement orchestral plus conforme à sa pensée musicale et décrivant l'incendie final. Malheureusement, le corniste qui doit jouer la note déclenchant l'incendie compte mal ses mesures à vide et l'incendie « ne part pas ». Berlioz écrit : « Ce fut encore une catastrophe musicale et plus cruelle qu'aucune de celles que j'avais éprouvées précédemment… si elle eût été pour moi la dernière. »
S'il flatte peu l'amour-propre de Berlioz, ce prix représente en revanche une reconnaissance officielle. « C'était un diplôme, un titre, et l'indépendance et presque l'aisance pendant cinq ans. »
Créée le 5 décembre de la même année, sa Symphonie fantastique lui attire quant à elle le succès public. Après de vaines démarches pour être dispensé du séjour à l'académie de France à Rome (villa Médicis) récompensant les lauréats, c'est donc contrarié que Berlioz quitte Paris le 30 décembre 1830.
C'est durant son séjour que Marie-Félicité rompt avec lui pour se fiancer avec Camille Pleyel, fils du célèbre compositeur et fabricant de pianos Ignace Pleyel. Berlioz décide alors de rentrer à Paris avec le projet de se venger en la tuant mais son escapade s'arrête heureusement à Nice où il reste un mois (du 20 avril au 19 mai 1831), composant l'ouverture du Roi Lear et esquissant celle de Rob Roy, avant de repartir pour Rome. « C'est ainsi que j'ai passé à Nice les vingt plus beaux jours de ma vie. Ô Nizza ! »
Durant son séjour à Rome, Berlioz pérégrine beaucoup et compose relativement peu. « Il faut, on le voit, renoncer à peu près à entendre de la musique, quand on habite Rome ; j’en étais venu même, au milieu de cette atmosphère anti-harmonique, à n’en plus pouvoir composer. Tout ce que j’ai produit à l’Académie se borne à trois ou quatre morceaux : 1° une Ouverture de Rob-Roy, longue et diffuse, exécutée à Paris un an après, fort mal reçue du public, et que je brûlai le même jour en sortant du concert ; 2° la Scène aux champs de ma Symphonie fantastique, que je refis presque entièrement en vaguant dans la villa Borghèse ; 3° Le Chant de bonheur de mon monodrame Lélio que je rêvai, perfidement bercé par mon ennemi intime, le vent du sud, sur les buis touffus et taillés en muraille de notre classique jardin ; 4° cette mélodie qui a nom La Captive, et dont j’étais fort loin, en l’écrivant, de prévoir la fortune. » Il rencontre également Mendelssohn, mais l'Italie l'inspire et le déçoit tout à la fois. Il rentre définitivement à Paris en novembre 1832.
Plusieurs de ses ouvrages porteront néanmoins l'empreinte de l'Italie : ses symphonies Harold en Italie (1834) et Roméo et Juliette (1839) mais également son opéra Bevenuto Cellini (1838).
Berlioz tombe amoureux au cours d'une représentation de Hamlet de Shakespeare, d'une actrice irlandaise qui joue dans la pièce, Harriet Smithson. « L'effet de son prodigieux talent, ou plutôt de son génie dramatique, sur mon imagination et sur mon cœur, n'est comparable qu'au bouleversement que me fit subir le poète dont elle était la digne interprète. » Il l'épouse en 1833 et un fils, Louis, naît le 14 août 1834.
Louis Berlioz ne suit pas la carrière paternelle : il choisit d'être marin. D'abord aspirant dans la marine de guerre, il passe ensuite à la marine marchande, obtient un brevet de capitaine au long cours, commande le grand paquebot mixte (voiles et hélice) La Louisiane de la toute récente Compagnie générale transatlantique et meurt à Cuba de la fièvre jaune, à l'âge de 32 ans, en 1866.
Dès 1834, Berlioz se fait connaître comme critique dans la Gazette musicale, puis dans le Journal des débats, où il soutient son système musical, qui subordonne l'harmonie à la recherche de l'expression. Sur ces questions, on constate avant tout que, dans la Symphonie fantastique comme ailleurs, son langage harmonique est d'une grande originalité et ignore bien souvent les traditions établies.
La période 1840-1841 voit la composition de la Symphonie funèbre et triomphale et le cycle Les Nuits d'été pour voix et piano sur six poèmes de Théophile Gautier (Villanelle, Le Spectre de la rose, Absence, Sur les lagunes, Au cimetière, L'Île inconnue), que Berlioz orchestre par la suite. Son mariage, en revanche, est un échec, et le couple se sépare. Il entame peu de temps après une liaison avec la cantatrice Marie Recio, qu'il épousera à la mort d'Harriet en 1854.
Pendant cette période, Berlioz est reconnu davantage en sa qualité de chef d'orchestre que de compositeur, et est plus apprécié à l'étranger qu'en France. Il dirige ses propres œuvres, mais aussi des œuvres de ses confrères en Belgique, en Allemagne, en Angleterre, en Hongrie ou en Russie, accompagné de Marie. L'Enfance du Christ est accueillie triomphalement (1864). La période anglaise de 1847-1848 est particulièrement fertile en aventures. Berlioz dirige l'orchestre de Drury Lane à Londres, dont le chef d'orchestre est le compositeur Louis-Antoine Jullien, le roi des concerts promenades et des concerts monstres. Jullien avait sollicité la participation de Berlioz, et celui-ci le maudira après l'avoir encensé. Louis-Antoine Jullien est un fou à plus d'un titre.
En 1847, sur les conseils de son ami Balzac, à un moment où il était à court d'argent, comme c'était souvent le cas, il se rend en tournée en Russie, où il remporte un triomphe à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Il est logé chez la grande-duchesse Hélène, qui l'accueille avec faste. Aux concerts qu'il dirige dans la salle de l'Assemblée de la noblesse, il est bissé jusqu'à douze fois ! Pendant son premier bis, il s'écrie : « Je suis sauvé ! », au deuxième « Je suis riche ! » Il dirige alors Roméo et Juliette, Le Carnaval romain et la Symphonie funèbre et triomphale. Il reviendra en 1867 dans ce qu'il appelle « la fière capitale du Nord ».
En 1856, il entame la composition de ce que certains considèrent comme son opus magnum (son « grand œuvre »), Les Troyens, et écrit le livret de cet opéra inspiré de L'Énéide de Virgile, poète auquel il est d'ailleurs dédié (la partition porte en effet la dédicace Diuo Virgilio « Au divin Virgile »). La genèse de son ouvrage remonte à sa plus tendre enfance, et l'influence de Virgile et de Shakespeare sont récurrentes dans son œuvre. Les Troyens sont achevés deux ans plus tard, mais Berlioz ne peut les faire jouer dans son intégralité, car les administrateurs sont rebutés par la durée de l'œuvre et les moyens exigés.
En 1862, Berlioz compose l'opéra-comique Béatrice et Bénédict, inspiré de Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare, mais il doit affronter la mort de Marie la même année, puis de son fils Louis, en 1866. Après une tournée triomphale en Russie, au cours de laquelle il va influencer les jeunes Moussorgski, Rimski-Korsakov et Borodine, il fait un voyage à Nice en mars 1868, où il se blesse en faisant une chute. En août 1868, il effectue son dernier voyage à Grenoble, la ville de résidence de sa sœur et de sa famille. Invité par le maire Jean-Thomas Vendre à l'occasion de trois journées de festivité organisées pour l'inauguration d'une statue équestre de Napoléon Ier, il préside un festival de musique.
Il meurt le 8 mars 1869 à Paris, au 4 rue de Calais, dans le quartier de la « Nouvelle-Athènes » (9e arrondissement de Paris). Il repose au cimetière de Montmartre (avenue Berlioz, 20e division, 1re ligne), auprès de ses deux épouses Harriet Smithson et Marie Recio.
Œuvres principales
Hector Berlioz laisse 124 œuvres musicales.
Musique symphonique
- 1830 : Symphonie fantastique, épisode