ORIGINAL DIXIELAND JAZZ BAND / ODJB
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1 - Jazz me blues
2 - St. Louis blues
3 - Royal garden blues
4 - Dangerous blues
5 - Bow how blues
6 - Skeleton jangle
7 - Clarinet marmelade
8 - Blowin' the blues
9 - Tiger rag
10 - Barnyard blues
11 - Original Dixieland one-step
12 - Ostrich walk
13 - Satanic blues
14 - Toddlin' blues
15 - Who love you?
16 - Fidgety feet
Les enregistrementsThe Original Dixieland « Jazz » Band1 à 11 : Nick La Rocca (cnt), Edwin B. « Eddie » Edwards (tb), Lawrence « Larry » Shields (cl), Henry W. Ragas (p), Anthony « Tony » Sbarbaro (dm) 191712 à 18 : Idem mais 191819-20 : Nick La Rocca (cnt), Edwin B. « Eddie » Edwards (tb), Lawrence « Larry » Shields (cl), Benny Krueger (as), J. Russel Robinson (p), Anthony « Tony » Sbarbaro (dm) 192021-22 : Nick La Rocca (cnt), Edwin B. « Eddie » Edwards (tb), Artie Seaberg (cl), Don Parker (ss), Henry Vanicelli (p), Anthony « Tony » Sbarbaro (dm), 192222-24 : Idem mais 1923
ORIGINAL DIXIELAND JAZZ BAND
Complément du volume numéro 23 dans cette collection "Jazz Archives", le présent recueil propose des enregistrements sans doute plus rares et aussi plus anciens. A commencer, bien entendu, par ce disque de la maison Victor portant le numéro 18255 et donnant à entendre sur sa face A Dixieland "Jass" Band One-Step, et sur sa face B Livery Stable Blues. Une galette avec laquelle s'ouvre, tout simplement, l'ére du jazz enregistré — c'est à dire, au fond, l'ère de la mise en conserve de cette musique et aussi celle de sa propagation universelle, puisque seul le disque pouvait permettre de rendre compte de la nouveauté de la chose et en autoriser la diffusion à l'échelle mondiale.
C'est donc l'Original Dixieland Jass Band, ce quintette de jeunes musiciens blancs de la Nouvelle Orléans, qui, le premier, a enregistré à New York, le 26 février 1917, de la musique de jazz (ou, plus exactememt de "jass", ainsi que l'on se plaisait alors à orthographier ce mot, dont le sens demeure, aujourd'hui encore, très controversé). Ce qui ne signifie nullement qu'en ce temps-là, l'ODJB était le seul groupe capable d'interpréter cette musique. Dans le Cité du Croissant, d'où cette formation avait débarqué, via Chicago, fin 1916, on pouvait par exemple écouter "Bunk" Johnson, Joe Oliver, Freddie Keppard, Kid Ory, Johnny Dodds, Jimmie Noone, Sidney Bechet, parmi les musiciens noirs et créoles, ainsi que "Papa" Jack Laine, Ray Lopez, Paul Mares, Les frères Brunies, Leon Roppolo ou encore Tony Parenti parmi les meilleurs des musiciens blancs. Tout simplement, il se trouve que, le premier de tous, l'ODJB eut la chance de graver des disques. Les autres n'ont rencontré le phonographe que quelques années plus tard (1922 pour Kid Ory; 1923 pour Oliver, Dodds et Louis Armstrong…). Entretemps, des groupes noirs (Jim Europe, Ford Dabney, W.C. Handy, Wilbur C. Sweatman) et blancs (Frisco Jass Band, Earl Fuller's Famous Jazz Band…) du Nord et de l'Est, n'avaient point manqué de se mettre à l'école de l'ODJB en se réclamant de l'esthétique du jass. Mais leurs disques de la période 1917-1921, malgré parfois d'indéniables qualités, sont loin de surpasser ou même d'égaler ceux des pionniers… Donc, il faut bien se rendre à cette évidence : l'Original Dixieland Jass (ou Jazz) Band était le meilleur. Et son chef, le cornettiste Dominic James "Nick" La Rocca, même s'il exagérait un peu, n'avait pas complètement tort en se proclamant crânement (non sans un sens certain de la publicité!), lui et son orchestre, les "Originators of Jazz". Par la suite, des amateurs s'en montrèrent choqués — surtout parce qu'il s'agissait de musiciens blancs — ; pourtant, il est aujourd'hui avéré que l'ODJB fut le premier groupe à donner à ce mot "Jazz" un commencement de sens et d'existence… Si, à la même époque il y avait des orchestres supérieurs, chose fort possible, alors, ils n'ont laissé aucun témoignage — à peu près comme s'ils n'avaient jamais existé. D'où cette importance capitale du disque…
Et, justement, à propos de disques, il semble que les choses n'allèrent pas de soi, du moins, au début. Avant l'historique séance Victor du 26 février 17, il y en eut une autre, organisée le 30 janvier dans les studios du l'autre grande firme américaine, Columbia. Quatres titres devaient être confiés à la cire. Totalement dépassés par les évènements, stupéfiés par ce cataclysme musical inouï, les techniciens préférèrent traiter par le mépris cette catastrophe pas aussi apprivoisée que Cocteau semblait le croire quelques années plus tard. Ils sabotèrent purement et simplement la séance, se moquant des musiciens, les considérant comme des ploucs du Sud, poussant des hurlement dans les grands pavillons d'enregistrement et, finalement, mettant tout ce beau monde à la porte après la gravure de deux morceaux seulement… C'est ainsi, du moins que LaRocca et le tromboniste Eddie Edwards narrrèrent l'incident à Jean-Christophe Averty une quarantaine d'années plus tard. Selon eux, les deux titres enregistés, Darktown Strutter's Ball et Indiana, étaient de toute façon inutilisables… Comment se fait-il, dans ces conditions, que ces deux morceaux puissent tout-de-même figurer dans notre recueil, juste à la suite des gravures Victor? Eh bien, il se trouve que dans les jours et les mois qui suivirent, les choses continuèrent de se compliquer…
Echaudés, les cinq Sudistes étaient bien décidés à ne plus remettre les pieds dans un studio et à renoncer à la reconnaissance de la postérité, comme déjà, à la fin de l'année précédente, les membres du "Creole Jass Band" du bassiste noir néo-orléanais Bill Johnson (avec Freddy Keppard et George Baquet), avaient refusé d'enregistrer pour qu'on ne puisse pas les copier. Il fallut donc toute la diplomatie des responsables de la maison-au-petit-chien-qui-écoute-la-voix-de-son-Maître-dans-le-phonographe pour les faire changer d'avis. Cette fois, l'affaire marcha comme sur des roulettes : la galette 18255, annoncée comme une nouveauté sensationnelle dès le mois de mars, commença à se vendre comme des petits pains à partir d'avril. Là intervint un autre genre de difficulté. Désireux de récupérer leur part du gâteau, plusieurs musiciens plus ou moins de bonne foi firent intervenir la justice, ayant constaté que certaines de leurs compositions se trouvaient citées dans les deux morceaux du disque sans que, cependant, leurs noms soient mentionnés sur les étiquettes. Il s'ensuivit des procès qui obligèrent à bloquer provisoirement les ventes. De plus, tant que l'histoire ne fut pas tirée au clair, la maison Victor se refusa à organiser de nouvelles séances avec l'orchestre. C'est sans doute à ce moment que l'équipe Columbia, ayant eu vent de l'affaire et mortifiée de sa bévue de janvier, supplia les Dixielanders de venir refaire au moins les deux faces ratées. LaRocca et Edwards ont affirmé qu'ils étaient retournés chez Columbia dans les derniers jours de mai. De son côté, dans sa discographie de 1948, Charles Delaunay, qui avait pu consulter les archives de la firme, indique la date du 31 mai. Néanmoins, d'autre discographes sérieux, tel Brian Rust, préfèrent s'en tenir à la date initiale du 30 janvier, malgré les déclarations des intéressés eux-même… Quoiqu'il en soit, 30 janvier ou 31 mai, le disque Columbia A-2297 (également édité en Angleterrre sous le numéro 2903), couplant Darktown Strutters' Ball (77086) et Indiana (77087), ne fut commercialisé qu'en octobre 1917 — soit six mois après le Victor, lequel demeure donc le vrai premier enregistrement de jazz jamais livré au public.
Le procès s'éternisant et bloquant la reprise des enregistrements chez Victor, LaRocca et sa clique allèrent sonner à d'autres portes. Celles de la nouvelle firme créée l'année précédente par la vénérable maison Aeolian (spécialisée jusqu'alors dans la facture d'instruments et la production de rouleaux perforés pour pianos mécaniques) s'ouvrirent toutes grandes. Cette fois, les problèmes furent encore d'une autre nature. Confiée à des gens inexpérimentés, la distribution des gravures réalisé entre le 17 août et le 24 novembre 17 fut des plus médiocres. Ils est certain qu'il n'était sans doute pas très facile de vendre ces disques dont on ne pouvait obtenir un rendement satisfaisant qu'en les jouant sur les machines fabriquées et commercialisées par la firme. Même des phonographes Edison ou Pathé, pourtant conçus pour lire le même type de "gravure verticale", ne convenaient guère…On soulignera au passage l'extrême difficulté qu'il y a eu à effectuer récement un repiquage correct de ces faces rares. Techniquement inférieures à celles réalisées chez Victor, elles rendent peut-être, cependant, davantage justice à l'habileté des musiciens et à leur sens des nuances. Ainsi, par exemple, LaRocca affirmait-il que seule la version Aeolian de At The Jass Band Ball (il y en eut deux autres) était vraiment conforme à ce que le groupe cherchait à exprimer. Le Tiger Rag du 17 août est la toute première version enregistrée de cet increvable "tube" du jazz classique, et Oriental Jazz (tardivement commercialisé en mars 1919) fut parmi les premiers à lancer la mode du fox-trot "oriental". Quant à Reisenweber Rag, dédié à l'établissement new yorkais où l'orchestre remportait un beau succès, il s'agit en fait de Dixieland Jazz Band One-Step, rebaptisé probablement pour des raisons de tiroir-caisse!
De mars à décembre 1918, le série des enregistrements Victor put enfin reprendre. Douze faces furent gravées, les deux dernières étant restées inédites. Sept d'entre elles se trouvent ici reprises, tandis que At The Jazz Band Ball, Ostrich Walk et Tiger Rag ont été éliminés, afin d'éviter de doublonner avec les versions Aeolian. Sans connaître tout-à-fait l'énorme popularité du Tiger Rag, des nouveautés comme Fidgety Feet, Sensation Rag et Clarinet Marmalade eurent suffisamment les faveurs du public pour se trouver intégrés au vaste répertoire des orchestres "traditionnels" jusqu'à l'époque actuelle.
Célébrité aidant, l'ODJB ne manqua pas d'intéresser les gens de spectacle du Vieux Monde (où, dès janvier 1919, quatre faces Victor de l'année précédente furent éditées). A peine la guerre terminée, le quintette fut invité à se produire dans les Iles britaniques. Il y joua abondamment du printemps de 1919 à l'été de 1920, et les studios londoniens de la maison Columbia ne se privèrent pas de l'accueillir fréquement. Dix-sept titres, chevaux de bataille ou nouveautés, furent ainsi édités. Ils ont été assez récemment réédités chez Pathé-Marconi, et il n'était guère utile de les reprendre ici. De même, la majeure partie des gravures Victor de 1921, réalisées à New York après le retour au pays, figure déjà au volume 1 dans cette collection. Nous nous sommes bornés à inclure les deux premières faces de la nouvelle série, gravées au début de décembre 1920 : d'abord le joli Margie, que les futures générations de jazzmen se garderont d'oublier, plus Palesteena, nouvel avatar de l'orientalisme bidon.
1921 fut encore une bonne année pour l'ODJB, de plus en plus soumis à la dure loi de la concurrence. Les épigones, les nouveaux venus qui ont déjà affiné son esthétique, les essais des premières formations noires sérieuses, commencent à lui donner un petit air vieillot. Dèjà vu, déjà entendu. A la trappe! Pas encore, puisque fin 22, la jeune compagnie OkeH se propose de devenir la quatrième firme éditrice des pionniers dépités. Eux aussi, pourtant, ont évolué, à en juger par leur interprètation très souple du fameur Some Of These Days et par leur beau Toddlin' Blues, qu'un Bix Beiderbecke se plaira à reprendre moins de trois ans plus tard… L'aventure OkeH fera long feu. Il y aura un second disque au printemps de 1923, qui dut bien se vendre aussi mal que le premier, à en juger par l'extrême rareté de l'un et de l'autre. Pourtant ce jour-là, les cinq Néo-Orléanais, déjà prêts à rentrer au bercail, un peu blanchis sous le harnais, avec dans leurs bagages tout plein de rêves et de souvenirs, de gloire et d'oubli, n'ont par cherché à s'enrouler autour de minuit, ni même midi à trois heures un quart. D'ailleurs, ils n'étaient plus cinq. En tout cas, pas les mêmes cinq qu'au début. Il leur arrivait même d'être six, un comble. Bref, ils refirent comme au bon vieux temps Tiger Rag et Livery Stable Blues (le titre d'origine ayant, après un passage par Barnyard Blues, repris le dessus). Joli manière de saluer en bouclant la boucle. Trois p'tits blues et puis s'en vont.
Daniel Nevers.